De nombreux curés se sont plaints, après le premier déconfinement, de ne pas voir revenir de nombreux baptisés à la messe dominicale. Qu’en sera-t-il après le deuxième confinement ? Même si les restrictions (souvent ridicules) imposées par le gouvernement ont tendance à réveiller la ferveur de certains, ne peut-on pas craindre que de nouvelles brebis vont encore quitter le troupeau sur la pointe des pieds ? Je le crois malheureusement, surtout en entendant des personnes me dirent qu’elles se passent bien de la messe en ce moment et qu’elles n’en ressentent pas la privation…
Pourquoi aller à la messe ?
Avant de répondre à cette question il faudrait sans doute la reformuler et se demander : « Pour qui aller à la messe ? » Car nous n’allons pas d’abord et avant tout à la messe pour nous-mêmes. Nous n’y allons pas d’abord pour communier, ni pour entendre la Parole de Dieu et nous en nourrir, mais pour Dieu ! Il s’agit de rendre à Dieu l’amour, l’action de grâces, la louange, en un mot « le culte[1] » qui lui est dû. Or, comment donner à Dieu un amour qui soit digne de Lui et qui soit à sa mesure ? Par la messe qui est l’actualisation sacramentelle de l’unique sacrifice de la croix. Il faut relire ce que saint Jean-Paul II a écrit dans sa dernière encyclique Ecclesia de Eucharistia vivit (cf. n° 11 à 14). À la messe c’est le Christ qui est le Prêtre : c’est Lui qui s’offre à son Père, c’est Lui essentiellement qui prie, et nous qui prions en Lui, par Lui, avec Lui[2]. Nous allons donc à la messe pour Dieu, même si nous n’en ressentons pas le besoin pour nous-mêmes (malheureusement !). Nous allons à la messe tous les dimanches pour rendre à Dieu, par le Christ, le culte qui lui revient. C’est une œuvre de justice. Aller à la messe, c’est juste ; ne pas y aller, c’est injuste.
Une obligation ?
Ce n’est pas tant une question de devoir que d’amour. La morale chrétienne n’est pas une morale de l’obligation mais de la sainteté. Elle n’est pas d’abord et avant tout une morale du mal à éviter mais une morale du bien à pratiquer.
A-t-on besoin d’un commandement pour aimer nos parents ? Normalement non. Mais il se trouve que l’homme et la femme étant blessés par le péché originel, Dieu leur a commandé d’honorer et de respecter leurs parents (4ème Commandement). Il en est de même pour Dieu. Il ne devrait pas être nécessaire de dire qu’il faut aimer Dieu… Il est normal, il est juste, il est digne et il est salutaire d’aimer Dieu, mais, comme l’homme et la femme sont blessés par le péché originel, alors Dieu a donné trois commandements destinés à rappeler que l’homme doit L’aimer, dont le 1er et le 3ème qui sont : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de ton esprit et de toutes tes forces » et « tu sanctifieras le Jour du Seigneur » (c’est-à-dire le dimanche puisque Jésus est ressuscité un dimanche). Et comme si cela ne suffisait pas, l’Église notre Mère nous a donné 5 préceptes ou commandements supplémentaires (que la plupart des baptisés ignorent totalement tant la transmission du contenu de la foi est lamentable depuis des décennies) parmi lesquels se trouve le premier : « Participer à l’Eucharistie dominicale et aux autres fêtes d’obligation et s’abstenir des travaux et des activités qui pourraient empêcher la sanctification de tels jours ». Les 5 préceptes de l’Église ont « pour but de garantir aux fidèles le minimum indispensable en ce qui concerne l’esprit de prière, la vie sacramentelle, l’engagement moral, et la croissance de l’amour de Dieu et du prochain »[3]. Vous avez bien lu : le minimum… La messe dominicale fait partie du minimum de la vie chrétienne ! Et tant de personnes baptisées s’en affranchissent allègrement. Soit, c’est vrai, par ignorance ; soit par choix. Voilà pourquoi nous pouvons lire dans un texte du 3ème siècle intitulé Didascalie des Apôtres : « Le jour du Seigneur, laissez tout et courez en hâte à votre assemblée, parce que c’est votre louange à Dieu. Autrement, quelle excuse auront devant Dieu ceux qui ne se réunissent pas le jour du Seigneur pour écouter la parole de vie et se nourrir de l’aliment de vie qui demeure éternel ? » Hâtons-nous donc d’aller participer à la Messe tous les dimanches. C’est obligatoire même si c’est d’abord une question d’amour de Dieu.
Une obligation grave ?
En d’autres termes, est-ce que cette obligation peut constituer un péché grave ou mortel ? Saint Jean-Paul II était bien conscient de la désaffection croissante de la pratique de la messe dominicale aussi a-t-il écrit une lettre apostolique intitulée Dies Domini (le Jour du Seigneur) pour rappeler l’importance de la messe dominicale.
Certains objectent que l’Église ne demande de ne communier qu’une fois par an au moins au Temps pascal et en tirent la conclusion que ne pas aller à la messe n’est pas grave… Quel argument spécieux ! Comme si on allait à la messe uniquement pour communier. Tout d’abord on ne communie pas dans n’importe quelle disposition d’âme (cf. Compendium du CEC n° 291[4]), ensuite on n’est pas obligé de communier à toutes les messes auxquelles nous participons.
En fait, le jeune homme riche de l’Évangile pose la question fondamentale : « Bon Maître que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ? » Jésus ne lui répond pas de façon vague et ambiguë : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements », puis il ajoute : « Viens et suis-moi » (Mt 19,16-21). Suivre Jésus implique d’observer les commandements. Vouloir entrer dans le Royaume des cieux pour l’éternité demande au minimum d’observer les dix « Paroles de vie » ou dix « commandements ».
Ainsi nous lisons encore dans l’abrégé du CEC (n° 440-441) : « Pourquoi le Décalogue oblige-t-il gravement[5] ? Parce que le Décalogue énonce les devoirs fondamentaux de l’homme envers Dieu et envers le prochain. Est-il possible d’observer le Décalogue ? Oui, parce que le Christ, sans lequel nous ne pouvons rien faire, nous rend capables de l’observer par le don de son Esprit et de sa grâce ». C’est pourquoi le CEC, cette fois, peut enseigner : « Ceux qui délibérément manquent à cette obligation commettent un péché grave » (n° 2181).
Conclusion
L’épître aux Hébreux nous donne cet avertissement toujours valable aujourd’hui : « Ne désertez pas votre propre assemblée comme quelques-uns ont coutume de le faire ; mais encouragez-vous mutuellement » (He 10, 25). Gardons donc fidèlement la participation à la Messe dominicale pour rendre à Dieu ce qui est à Dieu ! Il en va de notre salut éternel.
Abbé Laurent Spriet
[1] Cf. Vatican II, Sacrosanctum Concilium n°7 : « la liturgie est considérée comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme est signifiée par des signes sensibles et réalisée d’une manière propre à chacun d’eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c’est-à-dire par le Chef et par ses membres ». N° 56 : « Les deux parties qui constituent en quelque sorte la messe, c’est-à-dire la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique, sont si étroitement unies entre elles qu’elles constituent un seul acte de culte. Aussi, le saint Concile exhorte-t-il vivement les pasteurs d’âmes à enseigner soigneusement aux fidèles, dans la catéchèse, qu’il faut participer à la messe entière, surtout les dimanches et jours de fête de précepte ». N° 59 : « Les sacrements ont pour fin de sanctifier les hommes, d’édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ; mais, à titre de signes, ils ont aussi un rôle d’enseignement. Non seulement ils supposent la foi, mais encore, par les paroles et les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment ; c’est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi. Certes, ils confèrent la grâce, mais, en outre, leur célébration dispose au mieux les fidèles à recevoir fructueusement cette grâce, à rendre à Dieu le juste culte, et à exercer la charité ».
[2] « Dans l’Eucharistie, le sacrifice du Christ devient aussi le sacrifice membres de son Corps. La vie des fidèles, leur louange, leur action, leur prière, leur travail, sont unis à ceux du Christ. En tant que sacrifice, l’Eucharistie est aussi offerte pour tous les fidèles, pour les vivants et les défunts, en réparation des péchés de tous les hommes, et pour obtenir de Dieu des bienfaits spirituels et temporels. De plus, l’Église du ciel est présente dans l’offrande du Christ » Compendium ou abrégé du Catéchisme de l’Eglise Catholique n° 281.
[3] N° 431.
[4] « Qu’est-il exigé pour recevoir la Communion ? Pour recevoir la Communion, il faut être pleinement incorporé à l’Église catholique et être en état de grâce, c’est-à-dire sans conscience d’avoir commis de péché mortel. Celui qui est conscient d’avoir commis un péché grave doit recevoir le sacrement de la Réconciliation avant d’accéder à la Communion. Il importe aussi d’avoir un esprit de recueillement et de prière, d’observer le jeûne prescrit par l’Église et d’avoir des attitudes corporelles dignes (gestes, vêtements), comme marques de respect envers le Christ ».
[5] C’est-à-dire que chaque commandement est une matière « grave » : c’est un des trois éléments qui constituent un péché mortel ou grave.
© LA NEF le 7 décembre 2020, exclusivité internet