Marche pour la Vie du 17 janvier 2021 à Paris © En Marche pour la Vie

Réveiller les consciences

Ils étaient 15 000, place du Trocadéro ou sur une plateforme zoom géante spécialement prévue à cette intention. Ils ont répondu présents à l’appel de la Marche pour la Vie, malgré les masques, malgré le froid, malgré les contraintes du couvre-feu. Ils soulèvent tous les ans la même question : à quoi bon ? À quoi bon continuer un combat qui semble perdu d’avance ? À quoi bon une mobilisation hivernale, annuelle, qui sonne chaque année comme l’anniversaire tragique d’une loi morbide ?
La fraîcheur du rassemblement de ce dimanche 17 janvier est la meilleure des réponses. Vieux combattants ou nouveaux visages, habitués du pavé parisien ou jeunes militants, tous sont venus pour défendre la vie et proclamer leur refus des nouvelles lois qui doivent être débattues au Parlement dans les jours et les semaines qui viennent.
Ce 20 janvier arrivait en effet au Sénat en première lecture une proposition de loi portée par la députée Albane Gaillot, laquelle souhaite non seulement prolonger le délai légal d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines mais aussi supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG qui précise que les personnels de santé ne sont jamais tenus de pratiquer ou de concourir à un avortement (1). La Marche pour la Vie se félicite, depuis mercredi, de son rejet par le Sénat et espère la même opposition de l’Assemblée Nationale.

Dans le même temps et alors que les crises économiques, sanitaires et sociales que traverse notre pays sembleraient mériter l’attention totale de nos dirigeants, le projet de loi de bioéthique doit revenir au Sénat, pour qu’y soit débattu notamment un amendement discrètement ajouté cet été visant à autoriser la pratique d’une Interruption Médicale de Grossesse jusqu’à 9 mois pour cause de « détresse psychosociale ».
Cet empressement du personnel politique à favoriser l’augmentation du nombre d’IVG, alors même que la France a atteint le triste record de 232 400 avortements dans l’année en 2019 peut surprendre. La raison en serait la difficulté croissante de l’accès à l’IVG pour beaucoup de femmes qui se heurtent à davantage de refus des médecins et sages-femmes refusant de pratiquer l’avortement. Triste peuple qui déplore un effet sans en chercher la cause. Les soignants ne veulent plus avorter ? Supprimons la clause de conscience ! Les femmes peinent dans l’accès à l’avortement ? Allongeons le délai ! Une future maman va mal et ne se sent pas capable de garder son enfant ? Autorisons-la à l’avorter jusqu’à la veille de sa naissance. Ainsi plus de problème.
Quant à savoir pourquoi le personnel médical répugne à avorter des enfants qu’il s’était engagé à faire venir au monde, ce semble être une autre histoire. Quant à noter qu’à 14 semaines il faut, selon les mots d’Israël Nisand lui-même, « couper le fœtus en morceaux et écraser sa tête pour le sortir du ventre », ce semble être une autre histoire. Quant à savoir pourquoi cette maman est en détresse psycho-sociale et ce que la société pourrait lui proposer pour lui permettre d’accueillir son enfant, ce semble être, bien évidemment, une autre histoire.

Eh bien non, ce n’est pas une autre histoire mais l’origine même de tous ces drames. Et c’est parce qu’ils ont compris cela que les manifestants étaient si nombreux ce dimanche Place du Trocadéro. « L’avortement est avant tout une violence faite aux femmes », rappelle Aliette Espieux, porte-parole de cette 13e Marche pour la Vie. « Ces transgressions ne sauraient trouver de limite dans la convocation permanente du Cheval de Troie qui les porte, que ce soit la loi Veil ou la loi de bioéthique depuis 1994, précise Jean-Marie Le Méné, Président de la Fondation Jérôme Lejeune. Vouloir rester dans la culture de la loi Veil et de l’industrie procréatique c’est être en liberté surveillée pour que rien ne change. » Sur scène, les intervenants se succèdent pour expliquer les raisons de notre mobilisation, en déterminer les enjeux et les objectifs. La voix de Patrice Martineau fait s’élever une nouvelle fois le cri d’amour de l’enfant « De vos entrailles », Émile Duport rend hommage à Madame Lejeune, infatigable soutien des personnes trisomiques, Nicolas Tardy-Joubert conclut : « Dans cette nuit éthique qui nous envahit, nous attendons la lumière de l’aurore. »
« Le démon de notre cœur s’appelle À quoi bon », prévenait Bernanos il y a des décennies déjà. Soulever cette question est compréhensible, mais s’y arrêter sans réponse serait dramatique. La mobilisation des défenseurs de la vie répond à une exigence politique, sociale, philosophique et spirituelle. Rappeler au pouvoir politique que l’avortement ne peut faire consensus, qu’il est un échec collectif, soutenir le personnel médical abandonné face à un dilemme mortifère, dire sans relâche que le petit de l’homme est déjà un homme tout petit, exhorter à la liberté, à la formation de nos consciences, garder allumée la flamme de l’espérance reçue de nos pères et héritage pour nos enfants, telle est la grandeur de la Marche pour la Vie.

Victoire De Jaeghere

© LA NEF n°333 Février 2021