Cinéma Mars 2021

L’extraordinaire Mr. Rogers (Prime Video)

En 1998, à Pittsburg (Pensylvanie), Mr. Rogers est le présentateur vedette d’une émission pour enfants, « Mister Rogers’Neighborhood ». Son personnage extrêmement populaire chez les bambins décide la rédactrice en chef d’Esquire à envoyer son meilleur journaliste, Lloyd Vogel (Matthew Rhys), faire son portrait. Jugeant le sujet indigne de lui, Vogel obéit à contrecœur. Mais ses échanges avec l’atypique Mr Rogers, incroyable de gentillesse, de douceur et d’empathie, vont l’aider lui-même dans sa vie personnelle. Fred Rogers (1928-2003), après avoir hésité à entrer au séminaire dans sa jeunesse, a finalement été ordonné dans l’Église presbytérienne en 1963, au début de son ministère télévisuel qui dura jusqu’en 2001 et qui l’a rendu célèbre. Ce musicien accompli, auteur de 200 chansons, parlait aux enfants avec une gentillesse inaltérable, n’hésitant pas à aborder leurs problèmes graves, comme l’angoisse de séparation ou le divorce des parents. Si le journaliste du film est fictif (et « correct » avec un patron féminin et une épouse noire), l’article d’Esquire a bien existé et la couverture avec un septuagénaire en tricot rouge a remplacé avec succès l’habituelle actrice sexy. La réalisatrice Marielle Heller en fait le pivot de son histoire mais celle-ci repose d’abord sur la géniale composition de Tom Hanks.

Godless (Netflix)

1884, Nouveau-Mexique. À LaBelle, petite ville minière, les hommes ont disparu, victimes d’un coup de grisou. Il ne reste plus que des femmes, fortes dans leur malheur. Un jeune desperado, Roy Goode, qui a fui le terrible chef de bande Frank Griffin (Jeff Daniels), trouve refuge chez une éleveuse de chevaux (Michelle Dockery). Le shérif de LaBelle tente d’arrêter Griffin.
Netflix, qui se flatte d’offrir tous les genres du cinéma, produit pour la première fois un western, sous la forme d’une série en sept épisodes. Le projet a été confié à deux talents reconnus d’Hollywood, Scott Frank pour le scénario et la réalisation, et Steven Soderbergh pour la production. Le résultat est une grande fresque de sept heures qui mêle les codes du western spaghetti (Sergio Leone) et du western crépusculaire (Clint Eastwood). Godless (« sans Dieu ») offre ainsi, entre des fusillades interminables avec des images de plaies et bosses impressionnantes, des moments contemplatifs sublimes.
Le film a été présenté par la rumeur comme féministe en raison de la place des femmes. Pourtant malgré d’éloquents portraits féminins (et la figure imposée d’un baiser lesbien), les personnages principaux sont masculins. Mais ils ne valent pas les femmes : il n’y a qu’un homme solide, le chef des gangsters, manchot à qui Jeff Daniels confère une personnalité terrifique. Les merveilleuses scènes de Roy Goode dressant des chevaux offrent un contrepoint de douceur à la violence. Elles symbolisent la leçon de tous ces heurts : il faut éduquer les hommes à la paix, doucement.

François Maximin

DVD à signaler

SAINT AUGUSTIN, film de Christian Duguay avec Franco Nero
Saje Distribution, 2021, 3h20, 19,99 €
Saje a été avisé de sortir en DVD ce téléfilm italien (coproduit avec l’Allemagne et la Pologne) de 2010, car il mérite assurément le détour. La vie mouvementée de saint Augustin se prête tout particulièrement à une adaptation à l’écran. Et la mise en scène, bénéficiant de bons moyens techniques (images de synthèse de Carthage, Milan…), est habilement organisée en jouant en permanence sur deux époques, permettant ainsi de s’arrêter sur les moments les plus importants de la vie du plus célèbre Père de l’Église. L’esprit de ce film est irréprochable, avec l’excellente idée de faire lire par une voix off des extraits des Confessions qui correspondent aux étapes de la vie du saint qui se déroulent sous nos yeux.
Un bien beau film à recommander : profitez du carême pour le voir en famille (mais à ne pas montrer aux jeunes enfants).

Patrick Kervinec

© LA NEF n°334 mars 2021