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Bicentenaire de la mort de Napoléon : entretien avec Thierry Lentz

À l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon, Arnaud Imatz a interrogé l’historien Thierry Lentz. Spécialiste du Consulat et du Premier Empire, auteur d’une soixantaine d’ouvrages sur le sujet, Thierry Lentz est professeur à l’Institut catholique de Vendée et directeur de la Fondation Napoléon. Il vient de publier Pour Napoléon (Perrin, 2021).

Arnaud Imatz – 2021 est l’année du bicentenaire de la mort de Napoléon à Longwood sur l’île de Sainte-Hélène, le 5 mai 1821. La figure historique de l’empereur des Français (bien qu’il serait peut être plus juste de dire « les figures historiques »), a inspiré dans le monde et non pas seulement en France une infinité de romans, d’ouvrages historiques, de films (plus de mille) et d’œuvres picturales ou musicales. Les deux légendes, noire et dorée, sont aujourd’hui solidement établies. Mais pourquoi Napoléon est-il encore aussi présent dans nos mémoires ?

Thierry Lentz – Napoléon est présent dans nos mémoires pour toutes les raisons que vous venez d’évoquer. Il occupe une place bien particulière dans l’histoire et la mémoire française. Mais au-delà, il est aussi lié à notre vie quotidienne et à nos habitudes. Notre Etat ressemble encore à celui qu’il a créé, nos institutions sont les siennes et, surtout, notre vie quotidienne est influencée par le Code civil. Même si celui-ci a connu de multiples réformes, nécessaires pour s’adapter à des temps et des mœurs nouveaux, son ossature est toujours la même. Elle influence nos vies quotidiennes et même ce qui se passe après notre mort par le droit des successions. Nous avons ainsi conscience de l’importance de Napoléon dans notre histoire… sans nous souvenir toujours qu’il est bien là, dans notre présent.

A.I. – En 1815, l’aventure de 15 ans se termine par un désastre ; la légende noire semble alors avoir définitivement gagné. Napoléon « fauteur de guerre » ne mérite plus que l’ignorance et l’oubli. La situation va pourtant rapidement changer. Comment et pourquoi est-il devenu le héros des romantiques libéraux du XIXe siècle face aux monarchistes et traditionalistes ?

T.L. – La défaite de Waterloo et le traité de Paris de novembre 1815 sont en effet une catastrophe pour la France : elle sera occupée pendant trois ans et devra régler une formidable indemnité de guerre. Partant, l’image de Napoléon se ternit et on peut dire que c’est alors la légende noire qui triomphe. Même sa mort, annoncée en Europe en juillet 1821, passe presque inaperçue. Les manifestations de deuil sont sporadiques. C’est deux ans plus tard, avec la publication du Mémorial de Sainte-Hélène d’Emmanuel de Las Cases que les choses commencent à s’inverser. Comme le dira Lamartine, alors que la France s’ennuie, que Charles X passe pour le restaurateur de l’Ancien Régime, l’image de Napoléon, présenté comme libéral par le mémorial, va finir par se « redresser » et envahir à la fois les arts et la vie politique. L’accumulation des références crée un Napoléon un peu imaginaire, en même temps que la lutte pour le maintien des acquis de 1789 redevient une réalité. On place l’empereur en tête des luttes.

A.I. – Faut-il considérer Napoléon comme le continuateur de la Révolution française ou comme son « canalisateur » sinon son fossoyeur ? A-t-il voulu conquérir l’Europe au nom d’une sorte d’internationalisme révolutionnaire ou a-t-il contribué paradoxalement par ses invasions à la création des nations européennes ? Avait-il pour ambition de diffuser les idées relatives aux droits des peuples, à la défense de l’égalité civile, les » principes intangibles » de la Révolution ou  était-il tout simplement le continuateur de Louis XIV, le porteur des visées hégémoniques de la France qui se voulait alors prépondérante dans le monde comme l’avait été un temps l’Espagne et comme le seront ou voudront l’être l’Angleterre, l’Allemagne pour ne pas parler des États-Unis, de la Russie et de la Chine ?

T.L. – Napoléon est incontestablement le stabilisateur de la Révolution, dans sa version de 1789. Il n’est certes pas un libéral en politique, mais en matière sociale, il assoit l’égalité civile, le droit de propriété, la non-confessionnalité de l’Etat et la liberté civile (qui n’est donc pas politique ). A un moment où le pays aspire à une remise en ordre et à jouir des acquis, il est l’homme qu’il faut à l’intérieur. En 1802, il a déjà accompli une grande partie de la tâche : les grandes réformes sont lancées et la paix civile est revenue. Sur le plan extérieur, les choses sont un peu différentes. Il est bien le continuateur de la diplomatie de l’Ancien Régime et de la Révolution, à mi-chemin entre celui qui cherche à imposer la prépondérance française en Europe et celui qui entend répandre les principes révolutionnaires (de 1789) en Europe. C’est pourquoi l’évaluation de son œuvre extérieure est si difficile. Ce sera d’ailleurs son principal échec. S’il ne reste plus rien du « Grand Empire », il reste énormément de son action politique et sociale, en France et en Europe.

A.I. – Pourquoi l’outil militaire français était-il à cette époque supérieur aux autres ?

L’outil militaire français bénéficie de sa modernisation tout au long de la Révolution, principalement en matière d’effectifs par la conscription. On se bat désormais pour des idées et chaque citoyen est invité à y participer. Napoléon réorganise encore le tout, avec ses corps d’armée, la doctrine d’emploi de la cavalerie et de l’artillerie, l’excellence du commandement et l’amalgame entre les vieilles troupes et les conscrits. Il bénéficie aussi de la concentration de l’armée au camp de Boulogne. Pendant deux ans et demi, les soldats vivent ensemble et s’entraînent en attendant l’hypothétique invasion de l’Angleterre. Cette armée-là restera longtemps la meilleure du monde et le montrera dans les campagnes de 1805 à 1807. Elle est enfin dirigée par un véritable génie militaire, au coup d’œil unique et aux décisions rapides. Les choses se gâteront ensuite, avec la guerre d’Espagne, qui mangera les effectifs, empêchera l’amalgame et montrera que cette Grande Armée n’est pas invincible.

A.I. – Jusqu’en 1795, la France comptait la troisième population du monde derrière la Chine et l’Inde, n’est-ce pas le facteur explicatif majeur des conquêtes napoléoniennes plutôt que les mérites et les défauts de l’empereur ?

T.L. – Ce qu’on appelait alors la « puissance du nombre » est évidemment très important. Sur le plan économique et, bien sûr, militaire. Un peu plus de deux millions d’hommes sont mobilisés en France sur l’ensemble de la période… soit 20 % des mobilisables. Il y avait donc encore de la marge. Et en économie, alors que les revenus croissent, les productions trouvent longtemps preneur à un niveau élevé. La démographie ne doit jamais être négligée.

A.I. – Certains spécialistes, tel Alain Pigeard, estiment que pour la seule France le bilan des pertes humaines des guerres napoléoniennes est comparable à celui de la Révolution (1792-1799), qu’en pensez-vous ? À combien s’élève le total des pertes civiles et militaires tant en France qu’en Europe ?

T.L. – Concernant les pertes militaires françaises, les moins mal connues, il a fallu attendre les années 1970 pour disposer de chiffres scientifiquement établis. Ils sont essentiellement issus des travaux du démographe-historien Jacques Houdaille. A partir de sondages scientifiques de grande ampleur dans l’océan des états signalétiques, celui-ci estime qu’il y eut environ 450 000 tués au combat et à peu près autant de morts des suites de leurs blessures ou de maladies, auxquels il faudrait ajouter quelques dizaines de milliers de « disparus ». On peut admettre que les chiffres réels des pertes se situent dans une fourchette de 900 000 à 1 million de morts. Quant aux alliés et aux ennemis de la France, ils subirent, dit-on souvent, mais sans savoir le prouver, des pertes « légèrement supérieures » à celles de la Grande Armée. Si on adopte ce principe, les guerres de l’Empire auraient donc coûté à l’Europe de 2 à 2,5 millions d’hommes en dix ans. Si ce nombre de morts est conséquent, il reste encore inférieur à ceux de beaucoup de guerres précédentes et suivantes. Qui plus est, l’Europe ne fut pas exsangue à l’issue de la période, ni économiquement, ni démographiquement. Il n’y eut pas de destructions systématiques de villes et de villages, et encore moins des moyens de production, sauf dans la péninsule Ibérique où la responsabilité se partage largement entre les troupes françaises et anglaises. Concernant la démographie, les spécialistes ont montré que la France comptait près de 1,5 million d’habitants de plus en 1815 qu’en 1790. Pour l’ensemble de l’Europe, la croissance de la population fut supérieure pour la période 1790-1816 à ce qu’elle avait été de 1740 à la Révolution. Ces résultats sont bien sûr dus aux progrès de la médecine et à la baisse de la mortalité infantile, mais le constat général en étonnera sans doute plus d’un.

A.I. – Sur le plan politique, était-il un dictateur « classique » au sens romain ou un dictateur totalitaire au sens moderne ? Considérez-vous qu’en dépit de ses erreurs, notamment dans le choix de ministres, souvent traîtres et incapables, il reste un leader d’exception voire un visionnaire politique ?

T.L. – Entendons-nous bien : de 1799 à 1815, Napoléon employa chaque minute à renforcer et à défendre le règne de l’exécutif, quitte à se montrer de plus en plus autoritaire. Mais parler de dictature et, qui plus est, de dictature militaire est se moquer de l’histoire et du sens des mots. Selon le juriste et politologue Maurice Duverger –qui a consacré une bonne part de ses travaux au concept de dictature-, il faut trois conditions simultanées pour la caractériser : 1°) que le régime soit installé et maintenu par la force, notamment militaire ; 2°) qu’il soit arbitraire c’est-à-dire qu’il supprime les libertés et contrôle les décisions des organes arbitraux ou juridictionnels ; 3°) qu’il soit considéré comme illégitime par une grande partie des citoyens. L’étude de chacun de ces points pour le régime napoléonien amène à rejeter toute conclusion péremptoire. Sous Napoléon, la mise en place d’un Etat fort et incarné ne fut pas accompagnée de l’emploi systématique de la contrainte illégitime ou de la force aveugle, encore moins pour le compte et au profit de l’armée.

A.I. – En économie Napoléon était-il interventionniste ou libéral ?

T.L. – En matière économique, Napoléon était plutôt un « libéral ». Pour lui, l’Etat n’avait pas à intervenir dans l’économie quotidienne, sauf pour ce qui concernait le commerce extérieur qui participait « à la grandeur de l’Etat ». Il lui importait aussi que la situation sociale soit le plus stable possible et c’est pourquoi il put intervenir par des commandes publiques au moment des crises, notamment celle de 1810 qui fut extrêmement grave.

A.I. – Est-il le principal organisateur de l’État moderne français ?

T.L. – Napoléon a mis fin aux tâtonnements concernant l’organisation de l’Etat et de son administration. Il a simplifié la grille selon un modèle pyramidal au sommet duquel était l’exécutif, pas toujours lui-même en personne, mais ceux qui représentaient le gouvernement, comme les ministres. C’est ce qu’on a pu appeler le « modèle français », d’ailleurs adopté par la plupart des Etats européens, avec des adaptations, jusque chez ses ennemis.

A.I. – Dans son testament Napoléon déclare appartenir à la religion catholique. Le chef d’une armée de soldats issus de la Révolution, dont les membres étaient perçus comme des déchristianisateurs dans la plupart des pays d’Europe, peut-il être présenté comme un catholique ? Son catholicisme n’était-il pas plus d’intérêt que de conviction ?

T.L. – On ne saura jamais si Napoléon croyait ou non en Dieu. Ce qui est certain, c’est qu’il voyait les religions, singulièrement la religion catholique, comme des corps intermédiaires devant contribuer à la stabilité sociale et à l’ordre public. C’est pourquoi il « rétablit » le catholicisme, organisa le protestantisme et le judaïsme, en leur laissant une certaine liberté dogmatique mais en les soumettant à la loi de l’Etat.

A.I. – Quelle est la différence entre l’État napoléonien non confessionnel et la tradition du  laïcisme républicain français  qui s’est imposée à partir de 1880 sous la IIIe République?

T-L. – La non-confessionnalité napoléonienne, érigée en principe par le Code civil, est un premier pas vers la laïcité. Elle proclame que les différentes églises sont soumises à l’Etat et à la loi. Mais chez Napoléon, ceci s’exprime par des mesures concrètes : état civil public et civil, acceptation du divorce, soumission des cultes aux lois régissant l’ordre public. Il n’a aucune ambition ou intervention sur les croyances, mais en revanche ne laisse rien s’organiser en dehors des nécessités sociales et politiques.  

A.I. – La franc-maçonnerie a vécu quinze années extraordinaires sous Napoléon, multipliant le nombre des loges qui sont passées de 300 à 1220. Napoléon comptait de nombreux francs-maçons dans sa famille (dont Jérôme, Louis et Joseph, que les Espagnols surnommaient Pepe Botella) ; 14 des 18 premiers maréchaux étaient francs-maçons, il en était de même d’un bon nombre de généraux et de la plupart des grands dignitaires de l’Empire. Quels furent ses rapports avec la franc-maçonnerie ? Était-il lui-même franc-maçon ?

T.L. – Même si lui-même ne l’a pas été (on n’a aucune preuve d’une supposée initiation en Egypte), Napoléon était entouré d’initiés tels ses frères, Cambacérès, Lebrun, Fouché, Talleyrand, etc. Dans sa politique maçonnique, il s’appuya surtout sur Cambacérès qui apparaissait comme le « protecteur » de l’Ordre. Initié en 1781 dans une loge de Montpellier, il avait gravi tous les grades et prenait très au sérieux cet engagement, y compris au moment des interdits révolutionnaires. Il aida ensuite son ami Alexandre-Louis Roëttiers de Montaleau, grand-maître du Grand Orient, à « rallumer des feux » sous le Directoire. Il participa ainsi dans les premiers rangs à la réunion du 22 juin 1799 par laquelle, en présence de cinq cents maçons, la Grande Loge se fondit dans le Grand Orient. De ce moment, la Franc-maçonnerie française avait quasiment retrouvé son unité, encore complétée par l’adhésion du Grand Chapitre d’Arras au Grand Orient, le 27 décembre 1801. Elle allait être à peine troublée par la création d’une loge écossaise, courant 1803, expérience immédiatement arrêtée par un nouvel acte d’union signé quelques jours après le Sacre impérial. Cette unification du 5 décembre 1804, parfois qualifiée de « concordat maçonnique », confirma la primauté du Grand Orient qui, en échange, admit la subsistance de plusieurs rites en son sein. Napoléon aurait voulu que la Franc-maçonnerie constitue un corps intermédiaire soutenant le régime. Mais elle était trop plurielle pour cela, elle traversait trop de partis pour pouvoir être un vrai soutien. Elle ne le fut pas et continua sans problème sa route sous d’autres régimes.

A.I. – On a souvent écrit que depuis son expédition militaire en Égypte (1798-1799), Bonaparte puis Napoléon professait une grande sympathie pour l’Islam ? Était-il sincère ?

T.L. – Napoléon a étudié Mahomet, surtout au travers des œuvres de Voltaire. Il admirait son côté décidé et presque guerrier. Sa sympathie pour l’Islam n’alla guère au-delà. Il ne se convertit pas, ni ne s’en inspira pour le Code civil, comme on peut le lire parfois sur des sites Internet proches des Frères musulmans.

A.I. – Presque tous les peuples européens ont eu une place dans la Grande armée (Hollandais, Saxons, Allemands, Polonais, Espagnols, Portugais, Italiens, Belges, Autrichiens, Bavarois, Suisses, etc.). Les effectifs alliés constituaient même, selon les campagnes, entre 20 et 48% de l’ensemble des forces mais seuls les Polonais sont restés fidèles jusqu’au bout. Comment l’expliquez-vous ?

T.L. – On a dit, et on a fini par croire, que c’est par pure ambition personnelle que Napoléon fit la guerre. C’est oublier qu’en ce temps-là, la paix était un état d’exception et que tous les Etats se souciaient en priorité de préparer l’inéluctable conflit suivant. C’est oublier encore que l’histoire et la géopolitique le rendaient souvent inévitable. J’ai déjà écrit sur ce sujet des dizaines de pages auxquelles je renvoie les lecteurs intéressés. Je me contenterai ici de répéter que l’Europe ne fut pas simplement divisée en deux camps pendant l’épisode napoléonien, sinon, il n’aurait pas fallu attendre l’automne 1813 pour qu’une coalition générale se forme contre la France. Avant cela, les puissances continentales s’étaient accommodées de la prépondérance française et avaient tenté d’en tirer le plus de bénéfices possible pour leurs propres affaires. Ce fut le grand succès de la diplomatie britannique que d’arriver à réunir toute l’Europe autour de son plus petit dénominateur commun (faire chuter la France et son chef), en jouant sur les rancœurs, les promesses non tenue aux uns et aux autres, l’économie et les finances, bien plus que sur le principe d’une « libération » du Continent. C’est ce qui explique que de nombreux contingents étrangers aient été mis à la disposition de la Grande Armée pendant près de quinze ans, le plus souvent avec l’accord de leurs souverains.

A.I – Les polémiques autour de la figure de Napoléon ont redoublé de virulence à la veille de la célébration du bicentenaire de sa mort. L’exaltation de l’héroïsme et de l’esprit de sacrifice ont aujourd’hui très largement cédé la place à l’idéologie victimiste et nombriliste. Par ailleurs, la vague de politiquement correct et les modes nihilistes qu’incarnent l’esprit woke ou la cancel culture provenant d’Amérique du Nord semblent irrésistibles. Il en résulte que la grande majorité des médias ne voient plus en lui qu’un tyran, un instigateur de guerre, un misogyne, un partisan du patriarcat, un esclavagiste (pour avoir rétabli l’esclavage huit ans après sa suppression et emprisonné Toussaint Louverture un noir indépendantiste qui avait été nommé général sous le Directoire).  Que leur répondez-vous ?

T.L. – Je leur réponds longuement dans l’ouvrage que je viens de publier : Pour Napoléon. Je pense que nous sommes à un moment important de la lutte contre les tendances que vous décrivez. Nos gouvernants sont tétanisés par des groupes qui se sont fait une spécialité des amalgames et des contre-vérités historiques pour imposer leur « agenda », accuser leur pays d’avoir « assassiné » des catégories entières, souiller les lieux publics ou appeler à l’émeute ? Rien n’a été fait ni pour prévenir, ni pour lutter contre la fièvre iconoclaste venue des Etats-Unis, après la mort tragique de George Floyd. On a beau penser parfois que la fameuse « soumission », joliment dénoncée par Michel Houellebecq, est un peu mise à toutes les sauces, c’est tout de même le premier mot qui vient à l’esprit. Si l’on croit à l’avertissement de Montesquieu que « l’oppression commence toujours par le sommeil », on ne peut que s’effrayer de voir ceux que nous mandatons pour préserver la cohésion et l’unité nationales dormir à poing fermé. Ou faire semblant de dormir pour ne rien voir, ce qui, à la fin, reviendra au même. Comme historien et comme citoyen, j’ai pensé que je ne pouvais pas rester inerte face à ce danger.

Propos recueillis par Arnaud Imatz

Cet entretien a initialement été mené pour le site The Postil Magazine (https://www.thepostil.com/) et traduit en anglais pour cette publication. Nous remercions The Postil Magazine de nous confier l’original français de cet entretien avec Thierry Lentz.

© LA NEF le 13 avril 2021, exclusivité internet