Ordet (DVD ou Netflix)
En 1925, dans le Jutland, au Danemark, Morten Borgen vit en patriarche, respectant, en strict luthérien, la parole (« ordet ») de Dieu. Il dirige une ferme, avec ses trois fils. L’aîné, Mikkel, est marié à Inger qui attend leur troisième enfant ; le second, Johannes, déséquilibré, bat la campagne en prophétisant au nom du Christ. Anders, le benjamin, est amoureux d’Anne, la fille du tailleur, mais celui-ci et Morten sont fâchés car tous deux sont pasteurs mais de confessions différentes. L’accouchement d’Inger se passe très mal pour elle et ce mélange de vie et de mort se révèle un climat propice pour l’œuvre de Dieu.
Carl Theodor Dreyer adapte ici, en 1955, une pièce du pasteur Kaj Munk. Il la « quintessencie » en en dégageant la mystique. Ce chef-d’œuvre de pureté, Lion d’Or à Venise, a depuis été toujours tenu pour un sommet du cinéma religieux. Mais cette haute réputation fait paradoxalement qu’il est peu regardé car on craint l’austérité et l’ennui. Netflix le propose actuellement, en version restaurée, et l’on n’a maintenant plus d’excuse pour le contourner. On verra que s’il y a bien de l’austérité, chez les deux pasteurs, plus fous dans leur rigorisme que ce « fol en Christ » de Johannes, il n’y en a pas dans le cinéma, profondément humain, magistralement pondéré entre vibrations d’ensemble et arrêts sur visage. Au milieu des rivalités de piété et de moralité qui déchirent les personnages, certains que Dieu ne fait plus de miracles, surgit la vraie foi qui est l’assurance que, dans une difficulté que Dieu seul peut résoudre, il n’est pas seulement licite mais obligatoire de l’appeler au secours.
Les heures sombres (DVD ou Netflix)
En mai 1940, les Allemands progressent vers la Manche, menaçant la flotte britannique à Dunkerque. Chamberlain, démis de son poste de Premier ministre, et Halifax ne pouvant lui succéder, un seul homme peut être nommé, avec le consensus du Parlement : Churchill. Mais le vieux lion n’entend nullement négocier la paix avec Hitler. Dans son premier discours aux Communes, il promet « du sang, des larmes et de la sueur ».
On ne peut commenter ce film sans s’arrêter sur l’acteur principal, Gary Oldman, que rien dans son allure, sèche et bosselée, ne destinait à incarner Churchill. Le génie des maquilleurs, transcendé par son jeu à la fois mimique et inspiré, fait qu’il est le plus parfait Churchill du cinéma.
À ce personnage coruscant, Joe Wright (Orgueil et préjugés) n’a pas oublié d’associer sa femme Clementine (Kristin Scott Thomas). Les scènes du couple sont rares mais elles suffisent à montrer que Churchill compte sur sa femme pour les décisions importantes.
Au point de vue historique le film, qui résume cinq années de guerre dans une durée théorique de 20 jours, s’écarte inévitablement du détail des événements mais il évoque fidèlement l’engagement de Churchill, qu’on ne regarde pas sans admiration.
François Maximin
À signaler
BELLA (en DVD ou sur Le film chrétien)
Film d’Alejandro Monteverde (2006)
Saje Distribution, 2021, 1h31, 19,99 € (sortie le 30 avril)
À New York, deux destins tragiques se croisent : José, Mexicain promu à une belle carrière de football, se retrouve chef cuisinier dans le restaurant de son frère pour une raison qu’on ignore au début ; Nina, serveuse désargentée, se fait renvoyer du même restaurant en raison de ses retards répétés… dus au fait qu’elle est enceinte. Elle se retrouve seule, sans moyens ni soutien, désespérée, et confie à José qu’elle ne peut garder l’enfant qu’elle porte. Plutôt que d’essayer de la persuader de renoncer à son funeste projet, José se fait disponible pour elle, sait l’écouter, lui fait miroiter le bonheur d’une famille unie en lui présentant la sienne installée à Long Island, et lui confie le malheur qui a changé sa vie cinq années plus tôt. Ce beau film évite les grosses ficelles sur un tel sujet, il est plaisant, assez fin dans son approche des personnages, et réserve des surprises, y compris le dénouement.
Patrick Kervinec
© LA NEF n°336 Mai 2021