Et avec ceci ? Comprendre la pensée animaliste

Mercredi 18 mai, jour de réouverture des terrasses et des restaurants, j’ai décidé de me taper la cloche avec deux bons amis. Au menu : jarret au munster avec pommes de terre et des lardons rissolés. Un régal. Ce que je considère comme des agapes bien honorées pourrait être pris par certaines mouvances comme la participation à un rituel macabre. Depuis quelques années déjà, nous voyons une fois l’an des militants de la cause animale manifester sur les plateaux de télévision ou dans la rue face à des éleveurs et des bouchers. Des femmes sous-alimentées s’enroulent nues dans du plastique, des hommes blafards agitent des porcelets morts devant des enfants en hurlant dans des microphones « ne nous mangez pas ! Ne nous mangez pas ! » Face à tant d’esclandres et de fureur, le dialogue est rompu, la négociation avortée, le terrain d’entente impossible. Qu’ils soient de L214 ou de Boucherie abolition, leur mot d’ordre est aussi tranchant qu’une lame, direct qu’une coupe bien faite, précis qu’un carpaccio : interdire de manger de la viande et sortir les animaux de l’exploitation. L’impossibilité de se mettre d’accord traduit bien la différence entre eux et les vegans. Alors que ces derniers conçoivent le libre arbitre et la libre possibilité de manger de la viande ou non et paraissent sages, presque modérés ; eux, dans une perspective autoritaire et totalitaire, manifestent avec haine et dénoncent leurs ennemis dont la liste est bien longue : « la structure andocrate », les multinationales, le parlement européen, l’état, les éleveurs, les bouchers, les vendeurs, les publicitaires, les « zoophages », les « passifs zoopressifs » et même la main de ma sœur. Les animalistes sont d’une radicalité proche l’action directe, en moins meurtrier et en plus ridicule ; et les autres, les végans, sont parfaitement moulés à la logique du marché, de la consommation et de la publicité. C’est comme s’il fallait comparer, en rapport à leurs actions, les Chartreux et les moines de Taizé.

L’animalisme et l’antispécisme appartiennent à une même idéologie verrouillée aux derniers degrés ; leurs militants sont formatés par un logiciel inviolable. Il ne s’agit pas, ce me semble, d’un combat de chiffre et de statistiques mais d’une une vision du monde globale et manichéenne. L’animalisme appartient à une fiction idéologique qui doit être comprise.

Revenons tout d’abord à la bonne vieille lutte des classes. Karl Marx nous explique que les rapports économico-sociaux sont avant tout des rapports de force entre les possédants et les possédés. La société sans classe, achevée après la lutte finale entre les pauvres ouvriers les riches bourgeois, est la perspective de la lutte des classes. Sur le modèle traditionnel du marxisme, s’est greffée depuis quelques années déjà une nouvelle lutte qui n’a rien à voir avec le monde ouvrier. Il s’agit d’une lutte des races et des sexes. Les dominés sont des oppressés, les ouvriers sont maintenant des minorités en la personne des Noirs, des Arabes, des femmes, des homosexuels, des transsexuels, des transsexuels unijambistes, des transsexuels unijambistes nains. Les dominants, les oppresseurs, sont à présent les hommes. Cerise sur la Schwarzwald, ils ont cinquante ans et plus et sont blancs. Une femme est dominée socialement par un homme, quand bien même elle serait avocate dans le VIIème arrondissement et lui caissier chez Tati. Cette lutte des races et des sexes, surgie des campus américains, prétend combattre le patriarcat mais a renoncé à combattre le capital, défend les droits des minorités, s’est rendue autiste, favorable à l’individualisme victimaire. Elle est restée au niveau du sociétal, donc des luttes d’arrière-garde qui ne peuvent pas fédérer massivement, tombe dans la parodie des inclusions, se mord la queue. Parce qu’elle vient des États-Unis, cette lutte ne peut pas être antilibérale, au contraire, elle épouse les lois du marché, le profil des individus stars et des consommateurs sans structure, sans racine, hors-sol. C’est une lutte pour le nombril. Sur cette lutte de la gauche culturelle, d’un marxisme 2.0, s’est greffée la lutte pour la défense des animaux, l’antispecisme. Les animaux sont considérés comme des oppressés, victimes désignées d’un système qui les exploite. Il faut donc les sortir de la domination et de l’élevage. Les dominants sont, paradoxe incroyable, des hommes, certes, mais des bouchers, des charcutiers, des paysans, donc des ouvriers et non des bourgeois.

Sur ce modèle dominant-dominé, trois points sont encore à préciser. L’humanisation des animaux, premièrement. Dans la pensée antispéciste, il n’y a pas de classe et de hiérarchie entre les animaux ; ils se valent, nous leur valons bien. Les hommes sont des animaux et les animaux des hommes. La pensée traditionnelle, mais le bon sens aussi, a marqué une distinction fondamentale entre les animaux et les hommes à partir du langage, nous renvoyons aux pages de Rousseau et son Essai sur l’origine des langues. Alors que le crocodile ne peut pas lire la Critique de la raison pure et en parle, nous, dans la mesure du possible, nous le pouvons. L’homme, de manière ancestrale, mange de la viande mais distingue l’animal d’élevage de l’animal domestique qui a sa place dans le foyer. En Europe on sépare le cochon du chien. L’un est hors de la maisonnée, destiné au monde extérieur, horizon masculin dans la pensée traditionnelle, et l’autre à l’intérieur du foyer, près du feu pour monter la garde, dans l’oikia. Avec les antispécistes, plus de hiérarchie entre eux et entre nous, une seule ligne horizontale. Société sans classe. S’ils sont nos semblables, pourquoi ne pas alors les humaniser, leur prêter des émotions, un comportement ? C’est chose faite : les animalistes parlent d’une « traite cannibale internationale ». Ainsi, ils attribuent à une vache le statut de femme, et à un vœu celui d’enfant. La reproduction animalière est donc perçue comme un viol non consenti, les truies sont des femmes bafouées et elles souffrent, l’élevage de porcelets du trafic d’enfants.

Dans le logiciel antispeciste, deuxièmement, si les animaux sont nos semblables et s’ils sont humains, alors nous abattons des millions d’individus, tuons de manière éhontée, mangeons nos semblables : nous vivons un génocide sans que personne ne lève le petit doigt. Dans leur vulgate, le terme d’holocauste est repris ainsi que l’idée des camps de concentration. L’analogie est d’autant plus choquante qu’elle est un parfait point godwin et est l’illustre parfaitement les logiques mémorielles, concurrentielles calquées sur la traite des noirs dans un premier temps puis sur la shoah dans un deuxième. Les lobbies LGBTQ… parle de l’homocaust. C’est exactement ce que nous avons avec nos amis les bêtes : les animaux sont exterminés, les abattoirs sont des Treblinka, les éleveurs sont des kapos, les mangeurs de viande des collabos. Les Juifs ont souffert, les animaux aussi, donc les abattoirs sont des camps et les cochons des juifs. C’est à partir d’un tel syllogisme bancal et tordu que la pensée antispéciste présente des victimes et des bourreaux sans aucun respect de la mémoire pour les morts innocents. De nos jours, la posture de la victime est chérissable et louable. Les victimes, en ces temps de chouinerie généralisée, deviennent les héros du quotidien, chacun veut son statut, ce qui permet de revendiquer des droits et des privilèges. « J’ai des droits parce que je suis victime. »

Le combat marxiste et progressiste repose, troisièmement, sur le principe de l’intersectionnalité : toutes les causes peuvent sous une même bannière, se réunir contre un même problème, ainsi les féministes s’allient avec les antiracistes et les antispécistes eux-mêmes. On peut même lire dans site le site de Boucherie Abolition que « le cannibalisme de nos alter ego [est] une occurrence de la domination masculine millénaire et coupable. » De ce point de vue-là, la polarisation est évidente : les bourreaux sont des hommes qui ont besoin de viande pour dominer, les victimes sont des femmes que l’on viole, des truies prostituées dans les abattoirs : « le mâle sapiens colonisateur du Corps Femelle procède à un extractivisme de nos chairs sensibles, faisant dans son exploitation une usine à corps-usines, faisant dans son exploitation une extermination cyclique par forçages d’enfantements. » Rappelons l’idée de Françoise Héritier qui consistait à dire que les hommes sont plus grands parce qu’ils avaient privé les femmes de viande pendant la préhistoire. Comme dirait André Pousse dans Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages « la connerie, à ce point-là, moi, j’dis que ça devient gênant. » On les entend beaucoup parler de la fin de l’élevage et leur volonté d’enrayer la reproduction forcée des femelles. Là encore se trouve toute l’époque. Ces militantes sont des féministes qui ont deux frustrations : le dégoût d’être des femmes aimées et aimantes, le dégoût d’être mère. L’amante et la maman sont deux catégories honnies de ces femmes. Elles transposent leur refus de procréer, souvent au nom de l’écologie, et l’énoncent comme une vérité dogmatique en vue de lutter contre le patriarcat. Mais me vient une question : si l’on retire les animaux de l’élevage à quoi servent les poules ? À quoi servent les vaches pour le lait ? Si l’on décrète que les animaux ne doivent plus se reproduire sinon à leur gré, quand ils le veulent, arrive-t-on alors à la disparition partielle des espèces ? Les animalistes vont jusqu’à penser l’extinction des animaux pour qu’ils soient épargnés. C’est une chose bien étrange quand on regarde.

L’écologisme, comme pensée mondiale, bras gauche du mondialisme, est la charpente qui structure tout l’édifice. La planète se meurt, le réchauffement climatique va tous nous tuer, nous sommes trop nombreux et la consommation de la viande devient un enjeu climatique pour tous. Abattre des animaux et les manger, c’est contribuer au dérèglement climatique et à la diffusion des virus. Par extension, il faut venir à un règlement et sauver des vies, propositions applicables en ces temps de pandémie. CQFD. « Ecocide » et « zoocide » même combat ! L’animalisme est une pensée totale et globale parce qu’elle regroupe les autres militantismes gauchistes et parce qu’elle voit les choses à la mesure de la planète de manière hors-sol « la résistance animaliste sera donc obligatoirement internationaliste. » Cet internationalisme a pris s’est mis au vert mais reste rouge en son for intérieur, une pastèque.

Dans le combat antispéciste deux idées concernant les militants me viennent à l’idée. Certains apparaissent comme cela, par magie, d’autres ont fait leurs armes au théâtre et au cinéma. Comme le capitalisme de la séduction, selon le mot de Clouscard, a besoin de séduire par la fraicheur, exploite le sexe noble et, une fois usé, le met à la casse, on trouve des actrices ratées, des comédiennes de second ordre, des mauvaises chanteuses, reconverties dans le combat payant, l’indignation subventionnée. Elles occupent le terrain, se mettent en scène, jouent devant la caméra des journalistes. Il serait étonnant de voir les subventions publiques que touchent ces associations qui dénoncent l’état fasciste et oppresseur ou les financements de lobbys privés souvent américains, donc ennemis de la France. Faut-il rappeler la subvention de 1,3 million reçue par L214 d’Open Philantropy Project, champion de l’agriculture cellulaire, créé initialement par les couples Moskowitz (co-fondateur de Facebook) et Hewlett (Hewlett-Packard) ?

Le narcissisme et l’hystérie sont les deux mamelles de ces militants. Vanité, tout n’est que vanité dans leur combat. Ces braves personnes se donnent des allures de terroristes, expliquent qu’ils ne sont pas dans le bon ton mais « au-delà des mots » et que leur cause les dépasse. Noyés dans le dégout du monde moderne, ils l’épousent quand même, passent d’une cause l’autre de l’indignation gauchiste, des maisons closes aux abattoirs. S’il s’avère que les femmes, par polarité, sont plus sensibles à ces causes, c’est parce qu’elles sont aussi perméables aux idées progressistes et nouvelles. Pourtant, comme le rappelle très bien Otto Weininger dans Sexe et caractère, les femmes ont l’instinct de procréation, donc de conservation. Manger de la viande permet à l’homme de réparer ses forces et donc de participer à la préservation de la lignée. On voit alors que toutes ces militant.e.s, comme ils l’écrivent si bien, se vautrent dans le nihilisme le plus total : plus de croyance, plus de nation, rien de plus grand au-dessus de soi. Rien ne doit leur succéder. Ils acceptent l’extinction et refusent de transmettre. Leur rapport à la mort, au sang, à la souffrance en dit long sur leur mentalité. Tout leur combat réduit à l’indignation et à la sensibilité de petits-bourgeois jamais confrontés au réel et à la périphérie est voué, à cause de leur état d’esprit, au ridicule, à l’échec et à la mort. On ne crée pas de dynamique en prêchant l’extinction et la mort. Le souffle de la vie ne les habite, encore moins le reste d’une flamme vitaliste. Ils incarnent ce que Houellebecq montrait déjà dans la société, à savoir la fin de la libido et l’acceptation de sa propre mort.

Tous les moyens médiatiques sont bons pour faire le buzz et se faire remarquer jusqu’à devenir ridicule mais souvenons-nous de cette phrase de Léon Zitrone « parlez de moi en bien ou en mal, qu’importe, mais parlez de moi ». Les choses sont faites. On les remarque à la télé, les militants défilent dans la rue, agressent des éleveurs, des femmes imitent des truies, se couvrent de sang, lèvent leur main, font avec les doigts deux cornes et hurlent « je suis truie, nous sommes truies. » La haine suinte de tous leurs pores. Il n’est pas forcément bon de psychiatriser son adversaire mais à en juger ces manifestations au nom d’un ego, d’une renommée, d’une reconversion qui touche le porte-monnaie directement et garantit sans trop d’effort un loyer, on comprend qu’en temps de fermeture des théâtres, des comédiennes dépassées, fanées, se soient reconverties dans la performance et le happening politique. L’une d’elles, engagée avant dans le combat féministe, expliquait, au moment des Gilets jaunes, qu’il fallait « désobéir à papa ». Tout est là, ces dames ont gardé en elles la frustration d’avoir été privées de dessert.

Ces militants partagent une vue totalisante et totalitaire du monde. Cela commence par l’invention d’un langage abscons, une espèce de novlangue qui n’a rien à envier au langage technocratique. Là aussi, ils se trompent, ce n’est pas une élite autoproclamée, par opération militante et révolutionnaire, qui change le langage, ce sont des mouvements de fonds qui passent surtout par la masse du peuple. La prose de la pensée animaliste est un cancer en phase terminale de l’intellectualisme français. On a pu voir la fumisterie intellectuelle advenir avec Dada, perdurer avec l’existentialisme sartrien, poindre avec le freudo marxisme d’Althusser par le biais de Lacan. On arrive à la fin des fins de la forme et du fond. Leur prose est lourde, faussement intellectuelle. C’est une sorte de vide bouchée par du hachis de mots. Rien ne tient, tout est embrouillé, brouillé jusqu’à ne plus rien comprendre. Cette manière de parler, de partir dans des envolées lyriques du genre « soyons sensibles à la sensibilité, sauvons les oubliés de l’oubli, soyons les mains de demain » confine au ridicule et à la parodie dont on ne peut nier qu’elle soit la preuve de l’époque postmoderne où tout s’effondre jusqu’au combat révolutionnaire. Mais cela traduit la mort de l’âme et le manque de vie d’un combat. Leur utopie, puisque Boucherie abolition en parle, repose sur une langue nouvelle dont on peut donner quelques exemples : « humanimal », « mizoogynie », « nesclavagiste », « pédospécisme ».

Ces petits révolutionnaires en carton sont des métropolitains. N’ont-ils jamais vu la campagne ? En réalité, les antispécistes pensent être les fers de lance d’un nouveau « progrès moral » (l’expression est de Valéry Giroux), qui se matérialiserait par le fait de ne plus avoir aucune relation d’interdépendance avec les animaux. C’est une manière d’exercer une domination symbolique sur des millions de gens qui ne demandent qu’à travailler tranquillement, comme les agriculteurs, les commerçants et les restaurateurs, le peuple réel en somme. Les antispécistes parlent quand même de « meurtre alimentaire », à propos de la consommation de viande : à leurs yeux, les omnivores sont tous des complices de crimes de masse. En somme, tous les humains sont des bourreaux. Preuve aussi qu’ils roulent pour les idées globales de nos chers mondialistes et qu’ils sont parfaitement indolores, inoffensifs pour le capital, ils font désormais ouvertement la promotion des bio-technologies alimentaires et notamment de la fausse viande cellulaire. Ils souscrivent, n’oublions pas, à une idéologie globale, l’écologisme. Ils sont les alliés objectifs de Monsieur Schwab et de Davos. Le danger est là dans le fait que le véganisme prépare le terrain à l’adoption de la fausse viande ce que l’industrie n’avait pas su faire par exemple pour imposer la viande clonée. Le marché va là où il peut, ce dont Davos rêve, les animalistes le conçoivent aussi. On trouve derrière ce projet l’ensemble des GAFA souhaitant investir leur trésorerie, mais aussi des lobbies financiers constatant que l’élevage industriel est un échec, puisque les épizooties coûtent de 18 à 50 % du chiffre d’affaires des secteurs. Le véganisme est donc porté par des firmes comme Google, Facebook, mais aussi Nestlé. On croise même le champion mondial de la sale viande industrielle, Tyson Food, premier producteur mondial de viande de porc, de bœuf, de volailles.

Ne soyons pas non plus aveugles. Il existe des problèmes liés à des pratiques d’abattage. Des exploitants, pour des questions de coût et de gain, sont bassement cruels, font vivre les animaux dans des conditions ignobles pour se faire une plus grosse marge. Il est bon, de nos jours, en effet, de dénoncer des déviances et les ordures qui maltraitent les bêtes. Il est bon aussi de rappeler que des éleveurs et des bouchers travaillent ensemble, sont sensibles à ces questions, s’engagent à tracer la viande dans le respect de l’animal. Qu’ils existent des gens vertueux, consciencieux du bien-être animal, les animalistes s’en moquent. Les chasseurs sont les premiers à bénir l’animal qu’ils viennent de tuer parce que sa viande permettra de nourrir leur famille. Tout appartient à un cycle : les animaux réparent les forces des hommes, les animaux, créatures de Dieu, reviennent à la terre. Chez les animalistes, il y a le camp des saints ou des assassins. Seulement, ces activistes n’ont toujours pas compris les rapports de force qui caractérisent les classes dans une société. Là encore, c’est retour à la case départ : la gauche se perd dans le sociétal et la sensibilité victimaire au détriment du social. Ce que les animalistes ne comprennent pas tient dans deux choses : les gens ne sont pas prêts à ne plus manger de la viande et une partie des consommateurs de viande n’ont pas les moyens de se payer de la viande de qualité. Évidemment, le kilo de côte de porc à 2,99 justifie des pratiques peu scrupuleuses des abattoirs d’où le fait que l’on parle de flexitariens caractérisant ces consommateurs ponctuels d’une viande de meilleure qualité. Les animalistes ne comprennent pas cela, au lieu de défendre une production raisonnée et un élevage dans les règles du bien-être animal, ils renvoient les pauvres au ban de la société. Non pas qu’ils les méprisent, ils font mieux, ils les ignorent. Une famille nombreuse de province, pour eux, n’existe pas, ce qui est évident puisque, pour eux-mêmes, la famille et la province n’existent pas. Bien entendu, on n’entend pas ces gauchistes s’attaquer à l’abattage rituel des animaux et à la production halal pour une simple raison que les musulmans font partie, dans leur logiciel idéologique, des victimes et des minorités oppressées. Une victime ne peut donc pas oppresser. Ils risqueraient surtout de perdre la tête et en fait d’abattage, cela n’est pas tolérable. On n’est pas loin du bug dans la matrice.

L’idéologie animaliste a l’étoffe d’une utopie totalitaire et autoritaire qui cherche à faire taire ses opposants nombreux, imposer sa weltanschauung à l’humanité, formater les esprits par le langage, la réduction et une fiction idéologique. Seulement le ridicule de leurs propos, la vacuité de leur réflexion ainsi que le nombrilisme intéressé de leurs militants fait qu’elle demeure un petit phénomène dans une société liquide qui menace ruine. Alors, dans mon agenda, j’ai déjà noté que j’irai cet été manger du boudin de cheval rue Daguerre à Paris. Mais pour le plat de résistance, j’hésite encore, il faudra que je demande au serveur ce que la maison fait de mieux entre l’aile ou la cuisse.

Nicolas Kinosky

© LA NEF le 28 mai 2021, exclusivité internet