Cinéma Juillet 2021

Le discours (9 juin 2021)

Le dîner de famille auquel assiste Adrien est comme tous les autres : le père raconte toujours les mêmes histoires, la mère sert toujours le même gigot et sa sœur Sonia reste toujours béate devant les discours pédants de son fiancé Ludo. Adrien, lui, attend le SMS de sa chérie qui mettrait fin à leur rupture. C’est alors que Ludo lui demande de faire leur discours de mariage. Misère !
Le roman éponyme de Fabcaro ne cherche pas à dynamiter la famille, comme on fait souvent. Il s’attache simplement à mêler nostalgie et humour. Laurent Tirard, le réalisateur, privilégie l’humour, et même si ses personnages ont des défauts voyants, ils restent toujours sympathiques. L’humour est aussi, et d’abord, celui du comédien Benjamin Lavernhe de la Comédie-Française, qui trouve, avec Adrien, le « rôle total » qui révèle l’étendue et la profondeur de son talent. Il exprime toutes les émotions, des plus désespérées aux plus hilares, des plus inquiètes aux plus triomphantes, qui sont celles d’un homme aux prises avec sa famille d’un côté, son amour en fuite de l’autre. Horrifié à l’idée de faire un discours de mariage, il en fait des dizaines dans sa tête mais ces essais n’ont rien à voir avec le discours véritable : là, il peut enfin dire librement ce qui lui tient à cœur depuis toujours, et ce débordement de vérités se révèle une bouleversante déclaration d’amour à la famille.

Les 2 Alfred (16 juin 2021)

Alexandre, chômeur cinquantenaire, doit prouver à sa femme qu’il peut s’assumer seul, lui et ses deux enfants. Il parvient, extraordinairement, à être embauché dans une start-up branchée, « The Box », mais celle-ci a pour règle « No child », « Pas d’enfants ». Autre difficulté, sa supérieure Séverine, est une tueuse, toujours explosive. Alexandre est donc obligé de mentir. Heureusement, il rencontre d’Arcimboldo, soi-disant « entrepreneur de lui-même » et roi des jobs sur applis.
Les deux Alfred sont deux singes en peluche, doudous des enfants d’Alexandre. Cette place donnée aux jouets montre quel registre est celui de cette très aimable comédie, qui cligne des yeux vers Tati et un certain style de vieille comédie française « à taille humaine » comme on n’en avait pas vu depuis longtemps. Bruno Podalydes, scénariste et réalisateur, s’attaque avec mordant à la société contemporaine, à son ubérisation et à ses langages technocratiques et informatiques incompris de tous et d’abord de ceux qui les emploient. L’entretien d’embauche d’Alexandre dans « The Box » est un monument de drôlerie, entre tous les anglicismes barbares et les acronymes intraduisibles du directeur. Il y en a une qui évolue à son aise dans cet univers, c’est Séverine, (superbe Sandrine Kiberlain !). Parfaite executive woman, elle recèle aussi l’émotion qui est la deuxième aile du film, à côté de son épatante drôlerie. Tout cela, c’est le plus rare, sans la moindre vulgarité.

François Maximin

© LA NEF n°338 Juillet-Août 2021