LE JOUR D’APRÈS
PHILIPPE DE VILLIERS
Albin Michel, 2021, 220 pages, 19 €
Après avoir publié l’an dernier une critique incisive de la gestion de la pandémie de Covid-19 (cf. notre entretien dans La Nef n°327), Philippe de Villiers nous dévoile dans ce nouvel essai tout aussi percutant comment nos élites mondialisées ont prévu « le jour d’après », en profitant de cette formidable « fenêtre d’opportunité » (selon Klaus Schwab, le promoteur des forums de Davos, souvent cité) pour imposer, au nom de l’impératif sanitaire, le « Great Reset » qui annonce « un réseau de surveillance mondial » (p. 52) rendu possible grâce aux technologies numériques. Il révèle notamment qu’une telle pandémie avait été simulée et que les mesures appliquées pour le Covid ont été celles prévues mais pour un virus bien plus mortel, d’où le scandale de privations de libertés démesurées.
Philippe de Villiers balaye d’un revers de main l’accusation facile de « complotiste », puisqu’il n’affirme rien qui ne s’appuie sur des faits ou des citations. Il en ressort « une vision idéologique qui participe de l’installation du grand Déni : le déni des Frontières avec le cyberespace virtuel ; le déni du Temps avec la post-temporalité du surhumain ; le déni du sexe avec le genre ; le déni de l’Altérité avec la fusion du physique, du biologique et du numérique… » (p. 74). Cela a été rendu possible par les abandons successifs des politiques de droite et de gauche qui se sont succédé depuis de Gaulle et qui « ont démoli les quatre murs porteurs de la société française » (p. 166) : « l’Autorité », « la Sécurité », « la Souveraineté » et « l’Identité ».
C’est un basculement de civilisation qui s’opère et l’ouvrage se conclut par un chapitre extraordinaire relatant un dîner à l’Élysée avec Brigitte et Emmanuel Macron, le 4 mars 2019, qui atteste combien notre président est un acteur de ce basculement, notamment par ses positions sur la PMA et l’immigration. Effrayant !
Christophe Geffroy
JACQUES BAINVILLE
Les lois de la politique étrangère
CHRISTOPHE DICKÈS
L’Artilleur, 2021, 558 pages, 23 €
Quand, le 9 février 1936, jour de son cinquante-septième anniversaire, Bainville partit « en pleine lumière et en plein vol », assez nombreux furent ceux qui mesurèrent la grandeur et l’étendue de la place que, bien trop tôt, il laissait vide ; qui déplorèrent aussi l’action interrompue de « cette vigie debout pendant tant d’années à la proue de la France » et, citons encore François Mauriac, le terme mis, touchant notre politique étrangère, « aux oracles de cette Raison toujours en éveil ». D’ailleurs, ce qu’il avait annoncé, ce qu’il avait prédit, continua, lui disparu, à se dérouler irrésistiblement : coup de force en Rhénanie du 7 mars 1936 ; coup de force en Autriche du 12 mars 1938 suivi en octobre de l’annexion des Sudètes ; protectorat imposé le 16 mars 1939 à la Bohême et la Moravie et inféodation de la Slovaquie puis, au mois de septembre, attaque déclenchée par le Reich et l’URSS contre la Pologne.
Bainville naquit et vécut sous le signe du danger allemand. Jeune historien, il ouvrit le livre de l’Allemagne, de toutes les Allemagnes, qu’à son heure ultime, il était loin d’avoir fermé. Étude nourrie d’une somme considérable de connaissances historiques et psychologiques et devenue pour lui un « service public » apte à prôner les remèdes auxquels s’opposait, hélas, navrante et désespérante, notre ignorance officielle – crûment manifestée lors de la paix ratée de 1919. Au point que, devant ses résultats derniers, le conflit des deux voisins, il le savait, prendrait l’aspect d’une fatalité et ne pourrait plus être résolu que par la force. Mais, situation tragique, en 1918 victorieuse à grand-peine, la France des années trente demeurait exsangue. N’ayant pas vaincu assez complètement pour qu’une nouvelle lutte ne fût pas nécessaire, elle n’était plus en état de livrer avec des chances suffisantes le prochain combat.
Une biographie ceci ? Non. Et pas davantage l’exploration d’une œuvre vaste et multiple. En revanche toute l’Europe politique et diplomatique au cours d’un demi-siècle.
Michel Toda
L’ORDRE DE PRÉMONTRÉ
Neuf cents ans d’histoire
DOMINIQUE-MARIE DAUZET
Salvator, 2021, 580 pages, 29 €
Les prémontrés célèbrent cette année le 9e centenaire de leur fondation. À leur apogée ils eurent quelque six cents maisons dans toute l’Europe. Pourtant l’histoire des prémontrés est beaucoup moins connue que celle d’autres grands ordres (chartreux et cisterciens) nés à la même époque. Le Père Dauzet, de l’abbaye de Mondaye, raconte cette longue histoire depuis la fondation par saint Norbert. Chanoine de la collégiale de Xanten, en Rhénanie, sa conversion va l’amener, grâce à l’évêque de Laon, au lieudit Prémontré (« clairière ») où se trouve une chapelle isolée. L’endroit donnera son nom à l’ordre qui naîtra en 1121, composé de chanoines réguliers voués à la fois à la vie contemplative communautaire et à l’apostolat. Au fil du temps, les formes matérielles des communautés prémontrées ont pu varier : nécessité d’avoir des « courts » (fermes) dans les premiers siècles, prise en charge de paroisses dès la fin du XIIe siècle et d’autres apostolats. L’histoire voit aussi des suppressions – lors des réformes anglicane et luthérienne, lors de la Révolution française, sous les régimes communistes d’Europe de l’Est – puis des résurrections. Dans cette longue histoire, si bien documentée, on regrette seulement que la façon dont l’ordre de prémontré a vécu son aggiornamento soit vaguement évoquée en quelques lignes. Avec l’abbaye de Sant’Antimo, en Italie, il y eut pourtant une tentative de garder la tradition liturgique de l’ordre.
Yves Chiron
QUI SAUVER ? L’HOMME OU LE CHIEN ?
JACQUES RICOT
Mame, 2021, 220 pages, 16,90 €
LA PLACE DE L’HOMME DANS LA NATURE
Réponse aux antispécistes
ALAIN DE BENOIST
La Nouvelle Librairie, 2020, 178 pages, 14,90 €
Droit à l’image, cohabitation, garde alternée… l’actualité ne cesse de nous offrir de nouvelles « avancées » au droit animal : ces deux livres apportent un véritable recul devant ce que d’aucuns considèrent comme une folie animalitaire.
Sous-titré « Sur la dissolution des frontières entre l’homme et l’animal » le livre de J. Ricot propose un panorama très exhaustif de l’évolution de la question animale, des racines historiques des mouvements antispécistes à leur actuelle politisation, leurs ramifications en diverses familles aux positions plus ou moins nuancées. Surtout, il apporte de solides et vigoureux arguments dans ce débat où veut s’imposer la minimisation de la différence entre l’homme et l’animal, différence généralement supportée par un anthropomorphisme de bon aloi (il est plus aisé de filer la comparaison homme-animal avec des primates qu’avec des mollusques). L’auteur pointe les frontières ténues de certaines positions animalistes ou antispécistes et les glissements rapides au prix de raisonnements spécieux ou sous couvert de philosophie de pacotille. Oui, sauvons l’homme d’abord, mais entre une personne handicapée et un animal de compagnie n’y aurait-il pas l’ombre d’une hésitation… jusqu’à ce que cette ombre couvre toute la dignité humaine pour soutenir des positions qui n’ont d’éthiques que le qualificatif. Certaines, justifiant l’extermination sans états d’âme de personnes handicapées ou d’enfants, font frémir.
Dans la même veine, le livre d’Alain de Benoist est une réponse argumentée et négative à la question posée par son ami Yves Christen, auteur de L’animal est-il personne ? À la projection anthropomorphiste vite récusée s’ajoute, ici aussi, un excellent décryptage des effets de langage utilisés par les antispécistes, leurs déductions à marche forcée et la vacuité sinon les contradictions flagrantes qui en découlent.
Les deux auteurs reconnaissent que désormais certains de ces mouvements ont fait évoluer la cause animale dans une direction sur laquelle nous ne pouvons plus légitimement revenir. J. Ricot achève son livre sur une vision judéo-chrétienne et eschatologique de l’homme gérant la Terre en bon intendant. À. de Benoist s’appuie sur la notion philosophique d’émergence des qualités de l’homme pour conclure que l’animal « n’a pas de droits, nous avons des devoirs envers lui ».
Anne-Françoise Thès
MICHEL MOHRT, RÉFRACTAIRE STENDHALIEN
PIERRE JOANNON
La Thébaïde, 2021, 148 pages, 16 €.
À sa sortie, j’avais lu son Tombeau pour La Rouërie. Un livre magnifique qui retrace le parcours fulgurant de ce marquis qui s’insurgea contre la Révolution française au nom des libertés bretonnes. Mais derrière La Rouërie, je sentais bien que l’auteur laissait transparaître des reflets de sa propre âme et de sa quête aussi bien que des repères de ses attachements et de ses racines. Pourquoi n’ai-je pas continué à lire Michel Mohrt, contrairement à l’habitude, prise adolescent, d’« avaler » l’œuvre d’un écrivain, une fois celui-ci découvert ?
La réponse vient de m’être donnée avec un hommage-introduction que nous offre Pierre Joannon. J’emploie à dessein l’idée d’un cadeau et mieux encore d’un don, tant ce livre est étincelant en lui-même et révèle, à travers le tamis de l’amitié, les qualités de son auteur. De manière étincelante, il dévoile l’essentiel de Michel Mohrt, jouant à réunir la vie de l’écrivain à son œuvre, entraînant le lecteur dans les contrées incarnées par ce réfractaire littéraire au monde moderne.
Détaché des idéologies, Michel Mohrt assuma une fidélité sans faille aux êtres qu’il a aimés, tel Bassompière dont le nom ne dira probablement rien aujourd’hui, ainsi qu’aux causes perdues, qui constituent autant de bornes sur le chemin de son adieu au monde ancien : les Stuart ou le Sud, et peut-être aussi une certaine Bretagne.
Si, donc, finalement je n’ai pas lu l’œuvre de Michel Mohrt, c’est qu’il me fallait ce petit livre, attendu sans que je le sache, et qui ouvre avec chacun de ses chapitres, autant de portes propres à découvrir les grands thèmes du romancier. Pierre Joannon, qui a su nous faire aimer l’Irlande, a réussi ici le pari de nous enthousiasmer pour un écrivain d’exception.
Si nous continuons à boire au roi au-delà des mers, bien persuadé aussi que le monde moderne a remporté sa victoire décisive avec la chute d’Atlanta, nous nous souviendrons désormais de Michel Mohrt. Et, nous le lirons, dans l’attente de découvrir, peut-être un jour, l’évocation de Chateaubriand par Pierre Joannon. C’est, en tous les cas, notre espérance.
Philippe Maxence
LES CATHOLIQUES, C’EST PAS AUTOMATIQUE !
JEAN-PIERRE DENIS
Cerf, 2021, 184 pages, 15 €
Jean-Pierre Denis, ancien directeur de La Vie qui a rejoint le groupe Bayard où il a créé une lettre numérique hebdomadaire, L’AntiÉditorial, a voulu s’interroger sur le sens de la pandémie et la faculté des chrétiens à se diviser, même face à une telle épreuve. Le propos est mené par un dialogue avec un interlocuteur dubitatif que l’auteur éclaire en s’appuyant largement sur la Bible. Cela fait un ensemble vivant, plein d’humour, facile et agréable à lire. Ce qui est appréciable chez Jean-Pierre Denis est son sens de la nuance et son refus des jugements tout faits du type « les méchants intégristes qui exigent la messe en pleine pandémie » et « les gentils progressistes qui s’investissent auprès des pauvres ».
À travers ce dialogue, l’auteur nous invite à voir les signes que Dieu nous adresse et il a raison de dire que la pandémie, assurément, en est un, tout en se gardant d’y voir une « punition divine ». Ainsi, dans un monde qui a évacué Dieu, parvient-il, progressivement, à amener son lecteur à s’interroger sur la façon dont Dieu nous parle aujourd’hui à travers des signes qu’il convient d’interpréter, chacun pouvant avoir sa propre lecture des événements.
Christophe Geffroy
LA BASILIQUE DU SACRE-CŒUR DE MONTMARTRE
Une épopée incroyable au cœur de l’histoire de France
PATRICK SBALCHIERO
Artège, 2020, 264 pages, 18,90 €
Par décret du 13 octobre 2020, le préfet d’Île-de-France a inscrit la basilique du Sacré-Cœur, qui domine Paris du haut de la butte de Montmartre, sur la liste des Monuments historiques, ouvrant ainsi la voie à son classement, donc à sa protection officielle, qui doit intervenir avant l’été prochain. Survenant dans un contexte marqué par l’insistance des dirigeants français à ériger les principes républicains et la laïcité en critères absolus de l’identité de notre pays, cette décision mérite le plus grand intérêt. Elle offre aussi l’occasion de se pencher sur l’histoire du Sacré-Cœur, comme le propose Patrick Sbalchiero dans cet ouvrage éclairant. Véritable épopée qui s’est déployée durant un demi-siècle (1871-1920) dans le contexte politique et moral troublé de la France, l’érection de ce sanctuaire voué à l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, est le fruit d’un vœu formulé en privé par Alexandre et Marie Legentil, catholiques engagés dans l’action sociale, avant d’être officialisé comme « vœu national » par un vote parlementaire puis approuvé par les papes Pie IX et Pie X. Montmartre, c’est le « Mont des martyrs », le lieu où saint Denis donna sa vie pour la foi et que bien d’autres saints ont honoré de leur visite. L’auteur situe son histoire dans le prolongement d’une longue tradition de dévotion au Sacré-Cœur de Jésus qui s’était déployée en Europe depuis le Moyen Âge grâce à un nombre impressionnant de mystiques, d’ecclésiastiques et même de souverains. Aujourd’hui encore, tout visiteur peut découvrir cette inscription gravée dans une mosaïque du chœur – « Au Sacré-Cœur de Jésus, la France pénitente, fervente et reconnaissante » – qui semble faire écho à notre temps troublé par d’autres épreuves et en mal d’espérance.
Annie Laurent
UNE AUTRE MÉDECINE EST POSSIBLE
DOCTEUR PATRICK THEILLIER
Artège, 2021, 318 pages, 19,90 €
Dans cet ouvrage, au style clair, ponctué d’anecdotes, le Dr Theillier nous livre les fruits de sa longue expérience de médecin « de terrain » : généraliste, médecin-chef d’un hôpital africain confronté à une épidémie de choléra, homéopathe, acupuncteur, nutritionniste et, durant 12 ans, médecin responsable du Bureau des constatations médicales de Lourdes. Sans renier aucunement la nécessité et les bienfaits de la médecine classique (mais aussi ses limites), l’auteur vise une médecine globale, « holistique », qui prenne en compte les diverses faces de la personne humaine, et leurs interactions, pour non seulement guérir (si possible) mais prévenir (aujourd’hui seul 5 % du budget de la médecine est consacré à la prévention).
L’auteur nous entraîne sur les chemins de l’homéopathie, de l’acupuncture, des médecines naturelles, avec, au passage, de nombreuses indications sur ce qu’il est bon – ou malsain – d’ingérer, notamment par ces temps de Covid, pour « booster » l’immunité naturelle. Bref, une médecine exigeante qui nécessite que le patient se prenne en main mais qui ambitionne, selon les mots de l’auteur, « une santé respectueuse de la création, de la vie et de la personne ». Reste à savoir si thérapeutes et patients sont prêts à cet effort.
Pol Vassal
LA BATAILLE DES CINQ EMPIRES
BENOÎT CHENU
L’Artilleur, 2021, 520 pages, 25 €
Marquée à l’Ouest par les terribles affrontements de Verdun et de la Somme, l’année 1916 vit aussi, en Europe centrale et orientale, se produire un choc qui, compte tenu des effectifs engagés et de l’étendue géographique du champ des opérations, devait encore les surpasser. De toute évidence, on était là au cœur d’une seule et même bataille dressant les « Puissances centrales », Allemagne et Autriche-Hongrie (tôt flanquées de la Turquie puis de la Bulgarie), contre l’Entente formée de la Russie, de la France et de la Grande-Bretagne (dont le poids financier, économique, industriel, ajouté à sa maîtrise des mers, jouera un rôle de premier plan). Mais tandis que les Centraux tirent avantage d’un réseau continu de voies de chemin de fer, les Alliés ne disposent pas entre eux, le difficile port d’Arkhangelsk excepté, de communications terrestres. D’ailleurs, lançant des offensives, sans bien coordonner artillerie et infanterie, sur des fronts trop étroits (comme les armées franco-britanniques tout au long de 1915), la Russie, atteinte depuis plusieurs mois par de graves revers, déconfite au lac Narotch en mars 1916, semblait durablement assommée. Or, le 4 juin suivant, moment où, sur l’Isonzo, les Austro-Hongrois sont en position d’enfoncer l’ennemi italien, voilà qu’à l’Est le général Broussilov déclenche un formidable assaut et que l’Empire des Habsbourg, déjà passé près du désastre en 1914, chancelle et menace de s’effondrer. Le secours de l’Allemagne, la prise de commandement par Hindenburg de l’ensemble des forces germano-autrichiennes du front oriental (que sanctionnent à Pless, le 27 juillet, Guillaume II et, en lieu et place du vieux François-Joseph, l’archiduc Friedrich), l’essoufflement des Russes, allaient permettre de rétablir la situation. Aussi d’éliminer les Roumains, envahisseurs le 28 août de la Transylvanie hongroise… mais cibles à leur tour de la redoutable armée bulgare qui participe, sous les ordres du Generalfeldmarschall von Mackensen, à la prise de Bucarest le 6 décembre 1916.
Pour résumer, la bataille des cinq empires, en cette phase du conflit, s’est terminée sans que l’Entente ait obtenu, sur aucun des deux principaux théâtres d’opérations, la nette victoire un temps espérée ou envisagée. Et, quant à la France, sa reconquête laborieuse et meurtrière de Douaumont ne lui épargna pas l’échec cruel, le 16 avril 1917, du Chemin des Dames.
Un livre éclairant. Par l’érudit biographe du général de Castelnau.
Michel Toda
ÊTRE PRÊT
Repères spirituels
PIERRE-HERVE GROSJEAN
Artège, 2021, 192 pages, 16,90 €
Après Aimer en vérité et Donner sa vie, l’abbé Pierre-Hervé Grosjean, prêtre du diocèse de Versailles, propose un troisième ouvrage qui s’adresse à tous. À travers dix méditations à la fois spirituelles, simples et concrètes, l’abbé Grosjean nous appelle à vivre pleinement en répondant à l’appel du Christ : « Viens et suis moi. » Dans ces « repères spirituels » pour notre siècle, il enseigne que seules une foi, une espérance et une charité vivantes apportent la joie et la paix. Dans ces dix chapitres qui se lisent indépendamment, le fondateur du Padreblog réfléchit avec enthousiasme sur l’amitié de l’homme avec Dieu, la mort, la douleur, le martyre, la miséricorde divine ou encore la Vierge Marie. On verra combien les réponses de l’Église aux grandes questions existentielles s’inscrivent en parfaite harmonie avec les aspirations universelles de l’homme. Un livre à lire ou à offrir, aux catholiques de la première heure, aux catéchumènes, aux néophytes ou à tous ceux qui, confrontés à des épreuves, cherchent la vérité.
Marie de Dieuleveult
LE BIBERON NUMÉRIQUE
STÉPHANE BLOCQUAUX
Artège, 2021, 198 pages, 17,90 €
Comment répondre à ce « défi éducatif à l’heure des enfants hyperconnectés », ainsi que le propose le sous-titre de ce livre, cette génération biberonnée au numérique dès son plus jeune âge, les fameuses « digital natives »… que sont d’ailleurs désormais une certaine frange de leurs parents ?
Si l’auteur revient sur l’impérative nécessité de protéger les tout jeunes enfants des écrans, décrit et illustre les dangers de tous ordres psychologiques, physiques, intellectuels de l’emprise numérique croissante, il met en avant la nécessité pour les parents d’entrer dans ce monde paré de tous les attraits par leur progéniture.
Son approche s’articule autour de plusieurs thèmes fondamentaux, très concrets et surtout impliquant un fort engagement (voire remise à niveau !) des parents : assurer une veille parentale numérique étayée par une nécessaire connaissance de cet environnement ; utiliser et maîtriser des dispositifs de limitation ; aider l’enfant à raisonner, à être vigilant… par exemple sur les conséquences à long terme de certaines utilisations du numérique, de l’addiction ; interdire si nécessaire.
C’est une très intéressante démarche positive, pédagogique, impliquant conjointement parents et enfants qui est ici proposée pour répondre à ce défi.
Anne-Françoise Thès
LE PÈRE LAMY
Un itinéraire mystique et missionnaire
YVES CHIRON
Artège, 2021, 420 pages, 22,90 €
L’archevêque de Paris, le cardinal Amette, le voyait comme un nouveau « curé d’Ars » ; quant au philosophe Jacques Maritain, il le comptait parmi les « saints que le Ciel a mis sur notre route ici-bas ». Pourtant le Père Lamy est encore très peu connu. Et pour cause, jusqu’à ce jour, un seul livre avait été écrit sur lui, en 1933. Il s’agissait de l’ouvrage Apôtre et Mystique du comte Biver, un ami du saint prêtre qui avait recueilli ses confidences. Il était donc grand temps qu’Yves Chiron, historien spécialisé dans l’histoire religieuse contemporaine, et auteur de nombreux ouvrages de référence sur les apparitions, les béatifications et les canonisations, plonge dans la vie de ce prêtre hors du commun et permette ainsi au plus grand nombre de découvrir celui qui sera surnommé le « curé des voyous » et des chiffonniers.
Jean-Édouard Lamy est né en 1853 au Pailly, en Haute-Marne. Dès l’enfance, il bénéficie de grâces exceptionnelles. La Vierge Marie semble l’accompagner dans chacune de ses missions, pendant son service militaire, à son entrée chez les Oblats de Saint-François de Sales ou encore au milieu des ouvriers de Saint-Ouen. Elle lui apparaîtra à différentes reprises au cours de sa vie pour lui indiquer la route à suivre et ce qu’elle attend de lui. « C’est le protégé de ma Mère », dira un jour le Christ Lui-même, à l’occasion de l’une de ses apparitions. Il aura également la visite de son ange gardien et de saint Joseph qui viendra confirmer sa vocation sacerdotale. « Devenez un bon prêtre », lui dira-t-il. Le Père Lamy restera très discret sur ces manifestations surnaturelles, acceptant un quotidien pénible et ingrat, une vie sans éclat.
Avec rigueur et précision, Yves Chiron dresse le portrait d’un homme tout à la fois apôtre de la jeunesse et prêtre de banlieue mais également fondateur, à la demande de la Sainte Vierge, de la congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie, aujourd’hui installée à l’abbaye d’Ourscamp, dans l’Oise. Une âme humble et pauvre, toute tournée vers le Ciel.
Marine Tertrais
PRIÈRES DE CHAQUE INSTANT
PÈRE PIERRE AMAR
Artège, 2021, 150 pages, 9,90 €
Cofondateur du Padreblog, le Père Pierre Amar a eu l’idée d’un recueil proposant de courtes prières pour les situations de la vie ordinaire : vous allez chez le médecin, vous croisez un sans-abri ou une prostituée, vous avez un examen à passer, vous avez une décision importante à prendre, une difficulté à résoudre, vous avez subi une injustice, etc. Pour chacune de ces occasions, le Père Amar a composé une prière adaptée, de cinq à dix lignes, donc facile à dire et même à retenir. Utile.
Patrick Kervinec
MANUEL SUR L’EMBRYON HUMAIN
FONDATION JÉRÔME LEJEUNE
Gènéthique, 2021, 134 pages, gratuit sur www.fondationlejeune.org
Rédigé par des experts, ce manuel gratuit explique tout ce qu’il faut savoir sur l’embryon et sa défense. Indispensable.
Patrick Kervinec
Romans à signaler
UN JOUR VIENDRA
JULIA CAMINITO
Gallmeister, 2021, 284 pages, 22,60 €
Les Éditions Gallmeister avaient l’habitude de nous entraîner pour de prenantes enquêtes dans l’Amérique profonde contemporaine. Ici, changement radical, de style, de continent et d’époque : nous sommes en Italie centrale au début du XXe siècle, alors que s’achève l’unification italienne et que plane l’ombre de la Première Guerre mondiale.
La vie baignée de piété est rude à Ceresa, bourgade des Marches, où grandissent Lupo et Nicolas sous la férule de leur père, misérable et ombrageux boulanger. Quels liens les unissent au monastère voisin de Serra de’Conti, à sa mère abbesse venue du Soudan, réel personnage historique déclaré vénérable par le pape Benoît XVI en 2011, à quels secrets mènent-ils en se dénouant les uns après les autres ? Une intrigue prenante, une magnifique écriture, ce roman confirme la qualité éditoriale de la maison Gallmeister.
Anne-Françoise Thès
HÔTEL BEAUREGARD
THOMAS CLAVEL
La Nouvelle Librairie Éditions, 2021, 222 pages, 14,90 €
Axelle, jeune doctorante en biologie, mène une vie sans histoire jusqu’au jour où elle pose malencontreusement sans masque dans une photo de groupe. Relayée par les réseaux sociaux, cette photo parvient jusqu’à la célèbre blogueuse Nahama, qui exerce sur la toile une implacable police de l’hygiène publique, traquant impitoyablement les réfractaires aux « gestes barrières », dénoncés comme hérétiques de la religion sanitaire. La vie d’Axelle bascule alors dans l’enfer du harcèlement. Ce roman léger et plein d’humour se lit d’une traite et fournit l’occasion d’une réflexion pertinente sur les dérives inquiétantes que nous subissons depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19.
Christophe Geffroy
UN DÎNER CHEZ MIN
QIU XIAOLONG
Liana Levi, 2021, 320 pages, 18 €
Exilé aux Etats-Unis après les manifestations place Tian’anmen en 1989, Qiu Xiaolong, originaire de Shanghai, y démarre en anglais sa série policière dont l’enquêteur est l’inspecteur Chen Cao. Dans ce nouvel opus, nous le retrouvons, vieillissant et mis sur la touche, désormais directeur du Bureau de la réforme du système judiciaire, poste honorifique destiné à l’éloigner des enquêtes pouvant mettre en cause des puissants du régime communiste. Il se trouve néanmoins entraîné par un vieil ami à enquêter sur le meurtre de la cuisinière d’une célèbre courtisane, Min, accusée du crime et qu’une personnalité mystérieuse proche du pouvoir cherche à innocenter.
Cette enquête, qui se traîne un peu, n’est pas la meilleure de Qiu Xiaolong. L’intérêt, cependant, est peut-être plus dans ce que l’auteur dévoile du fonctionnement du régime chinois que dans l’intringue elle-même. À cet égard, ses romans apportent toujours un éclairage intéressant sur la société chinoise où le Parti communiste continue de régner sans partage.
Patrick Kervinec
© LA NEF n°337 Juin 2021, mis en ligne le 2 juillet 2021