Cinéma Octobre 2021

Fatima (6 octobre 2021)

Ce film américano-portugais de Marco Pontecorvo, sur les apparitions de Fatima aux trois enfants Lucia, Francesco et Jacintha, précédées des apparitions de l’ange à Lucia, se concentre sur l’année 1917. Il y a toutefois un jeu de va-et-vient entre 1917 et l’époque actuelle où Sœur Lucia, vers la fin de sa vie dans son couvent de Coïmbra, répond à un journaliste athée (Harvey Keitel) qui enquête sur ce phénomène. Le film suit fidèlement le témoignage de Sœur Lucia, ce qui est très appréciable, même si pour des raisons dramatiques compréhensibles, il fait quelques entorses au récit de la voyante. Par exemple, l’interrogatoire des enfants par l’évêque qui se montre d’une extrême sévérité ne reflète pas la réalité. Les enfants ont connu en effet des interrogatoires très durs mais pas par l’évêque, qui était bienveillant. Ces fictions sont conformes à la déclaration d’intention du film : « inspiré d’une histoire vraie ». Hors ces accommodements, le film reproduit exactement le récit des apparitions, prenant le pari – devant lequel reculent souvent les cinéastes – de montrer vraiment une apparition, avec une jeune femme d’une délicate beauté, qui ne dépare nullement le contexte religieux. Ce qu’on apprécie d’emblée c’est la qualité cinématographique, remarquable, loin du misérabilisme trop fréquent dans ce genre de film, avec des moyens, une caméra tout en nuance jouant magnifiquement sur les couleurs et les ombres, de beaux espaces et, surtout, des acteurs exceptionnels, tout particulièrement les trois petits voyants. Cela fait un film prenant qui laisse une trace durable. Une belle réussite à ne surtout pas manquer.

Eugénie Grandet (29 septembre 2021)

Felix Grandet est un potentat dans sa maison de Saumur, condamnant sa femme et à sa fille Eugénie à une vie sans distractions. Incroyablement avare, il récuse les beaux partis venus demander sa fille en mariage, craignant de voir entamée la fabuleuse fortune qu’il cache à tous. Quand arrive son neveu, dandy parisien orphelin et ruiné, c’est un bouleversement dans la vie d’Eugénie. L’amour et la générosité qu’elle a pour lui plongent Grandet dans une rage absolue. Le voilà plus que jamais prêt à tout sacrifier sur l’autel du profit, même sa propre famille…
Pour adapter Balzac, il y a là un réalisateur, Marc Dugain (L’échange des princesses), qui a d’abord été écrivain et qui entre dans l’univers de la Comédie Humaine avec familiarité. Il a lui aussi le goût des décors décrits exactement. Tout est prêt pour accueillir les personnages, nombreux, mais qui se résument aux trois premiers d’entre eux, Grandet, sa femme et sa fille. Pour celle-ci, jouée par Joséphine Japy, avouons notre déception devant son constant sourire mignonnet qui cadre mal avec la détermination froide dont elle devra faire preuve ; Valérie Bonneton, la mère, inattendue dans un rôle dramatique, s’y montre parfaite ; mais c’est Olivier Gourmet qui en impose le plus, sidérant de cruauté matoise dans le rôle du Père Grandet où il montre de manière définitive qu’il est plus qu’un excellent acteur : un grand comédien.

François Maximin

© LA NEF n°340 Octobre 2021