Lectures Septembre 2021

FAIRE FACE, LE VISAGE ET LA CRISE SANITAIRE
MARTIN STEFFENS ET PIERRE DULAU
Première Partie, 2021, 160 pages, 17 €
TU SERAS UN HOMME
MARTIN STEFFENS
Cerf, 2021, 198 pages, 18 €

La pandémie de Covid-19 qui agite le monde depuis maintenant deux ans n’a pas occasionné qu’une crise sanitaire. C’est en tout cas ce que tentent d’expliquer Martin Steffens et Pierre Dulau dans leur essai commun. Ces deux philosophes décortiquent avec un regard chrétien le phénomène qui frappe notre époque. Pour eux, il s’agit d’abord d’une crise morale : la vertu d’action, qui permet la charité, est remplacée par le principe de précaution, qui appelle à ne pas trop s’approcher des gens qu’on aime pour éviter de les contaminer.

Le protocole se substitue aux vertus naturelles, dans un processus de « défaite des mœurs » remplacées par les lois. Cela devient donc une crise politique, nos relations interpersonnelles étant désormais en partie régies par un État omnipotent, qui limite le nombre de personnes qu’il est possible d’accueillir chez soi, qui nous cache le visage en pleine rue… l’occasion pour les auteurs de rappeler la place du visage, d’une part dans l’accomplissement véritable de notre humanité, mais en particulier dans le christianisme, puisque notre foi concerne un Dieu qui a décidé de porter une face humaine.

Enfin, les auteurs exposent comment cette crise est devenue spirituelle et anthropologique, le masque induisant le prérequis que le prochain de chacun est une menace, potentiellement porteuse d’un virus mortel… Créant une méfiance implicite entre les personnes, cette société abolit le sacré chrétien, c’est-à-dire un sacré du regard, du mouvement vers l’autre. En somme, la sacralisation de la santé se fait aux dépens de la charité.

En cette « Année saint Joseph » décrétée par le pape François, Martin Steffens nous offre dans son nouveau livre Tu seras un homme une réflexion sur la paternité, et plus largement sur la masculinité. À l’heure où la virilité n’est plus tellement au goût du jour, où l’homme est moins nécessaire que jamais pour ce qui est de la procréation, il est temps de rappeler son utilité dans le plan de la Création. À travers un texte riche servi par une plume limpide, le lecteur redécouvre la complémentarité des deux sexes, et la vocation qui est celle des garçons : devenir des hommes.

Robin Nitot

LES APPROCHES CHRETIENNES DE L’ISLAM
Tensions, déplacements, enjeux
MICHEL YOUNÈS
Cerf, coll. Patrimoines, 2020, 336 pages, 29 €

Comment comprendre, recevoir et qualifier l’islam, cette religion qui, apparue sept siècles après l’événement de Jésus-Christ, prétend être l’ultime révélation de Dieu aux hommes ? Ces interrogations, les chrétiens d’Orient et d’Occident, ceux d’hier et d’aujourd’hui, n’ont jamais cessé de les poser. Et leurs positions ont beaucoup varié au fil de l’histoire. Le magistère de l’Église n’est cependant pas parvenu à élaborer une doctrine définitive et précise à ce sujet. Même le concile Vatican II s’est refusé à clarifier l’islam du point de vue théologique : il n’évoque ni le Coran ni Mahomet mais seulement « les musulmans » ; sans exclure ces derniers du dessein de salut de Dieu, il se garde toutefois d’inscrire cette religion dans la perspective biblique.

Théologien d’origine libanaise, Michel Younès, qui enseigne à l’Université catholique de Lyon, dispose à l’évidence des qualités nécessaires pour aborder un thème aussi complexe et délicat que celui-ci, comme en témoigne son ouvrage remarquablement structuré dans sa forme et érudit dans son contenu. Sa démarche consiste à examiner les principes qui constituent l’islam, en montrant leurs similitudes, notamment dans les termes, et leurs incompatibilités avec les équivalences chrétiennes (origines, Livres sacrés, prophétisme, monothéisme, éléments du culte, anthropologie, communauté). L’auteur explique par exemple comment, pour un musulman, croire en l’infaillibilité de Mahomet est tout aussi fondamental que croire en Dieu, ce qui explique la condamnation pour blasphème dans les deux cas ; ou encore comment « le refus de toute immanence de Dieu transforme la transcendance divine en une redoutable divinité », ce qui revient à privilégier la soumission à Dieu plutôt que la communion avec Lui. L’examen du processus ayant conduit à la confusion entre islam et arabité permet de montrer la différence avec le christianisme dans le rapport à la culture.

Pour chacun des thèmes traités, Younès présente les regards portés par de nombreux auteurs chrétiens de toutes les époques, cultures et tendances, y compris les plus critiques, mais aussi les écrits d’intellectuels musulmans insatisfaits de ce que leur transmet la tradition. À travers leurs travaux, il décèle des ébauches de « via média » qu’il définit ainsi : « Au fond, la voie médiane cherche à sortir d’une alternative qu’elle considère fausse et néfaste : l’exclusivisme qui rejette l’autre, conduisant très souvent au mépris, et le relativisme qui nivelle les différences, ne rendant plus compte des singularités. » Enfin, scrutant les aléas et équivoques du dialogue islamo-chrétien, l’auteur estime que son efficacité repose sur un nouvel équilibre associant « l’enrichissement mutuel » avec « une approche critique et exigeante ». Telles sont, selon lui, les conditions de sa fécondité.

Annie Laurent

SURVIVRE A LA DÉSINFORMATION
ALAIN DE BENOIST
La Nouvelle Librairie, 2021, 512 pages, 24,90 €

Une récidive, ce volume. Même coupable. Même complice. Car voici une poignée d’années, déjà avait eu lieu, comme on lit encore sur l’actuelle couverture, une suite d’entretiens avec Nicolas Gauthier qui s’intitulait Survivre à la pensée unique. Eh bien, ils reprennent, ces entretiens, ou ils se poursuivent. Daté le premier du 15 octobre 2015, le dernier du 14 mars 2021, et, grâce aux bonnes questions de son interlocuteur, permettant à Alain de Benoist de « passer au crible les événements majeurs ou mineurs, mais toujours significatifs, de notre temps ». Donc de nous offrir un remarquable exercice d’intelligence, nourri d’un immense savoir, d’un sens aigu des situations, de leurs tenants et aboutissants ; donc de démêler, d’éclairer, d’expliquer ; aussi d’instruire, de prévenir. Par exemple sur la dégradation des écosystèmes, l’épuisement des réserves naturelles, l’accumulation des déchets, la fuite en avant dans le productivisme. Sur l’imposture des Verts, « beaucoup plus intéressés par la théorie du genre que par une écologie qu’ils ne conçoivent que d’une façon punitive et superficielle ». Sur la malfaisance de l’oligarchie transnationale. Sur le duo Biden-Harris, instrument (porté depuis à la Maison Blanche) de l’Establishment, l’État profond, la soumission à l’idéologie dominante, l’immigrationnisme, le progressisme, le capitalisme déterritorialisé, le politiquement correct, Black Lives Matter, les médias de grand chemin, bref, l’abominable Nouvelle Classe de « la sorcière Hillary Clinton »…

Accents polémiques ? Quelquefois et c’est tant mieux. D’ailleurs n’en souffre pas la plénitude très puissamment articulée du langage.

Michel Toda

POUR UNE REVOLUTION SPIRITUELLE
Les 13 commandements de l’urgence évangélique
MICHEL-MARIE ZANOTTI-SORKINE
Artège, 2020, 114 pages, 12,90 €

Piqué au vif par les remarques d’un jeune interlocuteur lui objectant la déconfiture actuelle de l’Église, le Père Zanotti-Sorkine s’emploie à lui répondre avec la verve qu’on lui connaît.

Après quelques pistes offertes à tous les échelons de la hiérarchie ecclésiale, nous nous surprenons à rêver à l’Église idéale… ou à idéaliser une Église rêvée : des papes saints, des évêques à l’image de saint François de Sales, des prêtres nouveaux curés d’Ars, des séminaristes savants et pieux, surtout pieux ! Bref, une Église qui se débarrasserait de ses travers pour porter à la sainteté ses baptisés de tout poil.

Seulement, et pour paraphraser Mère Teresa, c’est d’abord et seulement par une conversion personnelle que le changement pourra s’opérer et l’Église rayonner. Voilà l’urgence ! L’auteur nous propose alors une règle de vie s’appuyant sur treize commandements du Christ à redécouvrir et à faire siens.

Anne-Françoise Thès

LA VÉRITÉ OU LE NÉANT
LEONARDO CASTELLANI
Artège, 2021, 326 pages, 21,90 €.

Érick Audouard récidive ! Consciemment ; volontairement. En 2017, il offrait au public français l’incroyable possibilité de lire Leonardo Castellani. Pour beaucoup, un nom inconnu et pour certains, une référence qui restait à découvrir. Avec une sorte de génie, il donnait à son premier recueil le titre Le Verbe dans le sang. Plus qu’un jeu de mots, la transcription d’une réalité profonde qui résume pour beaucoup l’écrivain : se faire jusqu’à la mort le porte-étendard de Celui qui est le Verbe par excellence.

Dans ce nouveau recueil, le titre poursuit dans la même veine. Pas de demi-mesure ou d’accommodement. Pas de facilité ! Tout ou rien, en écho à la parole du Christ : est, est ; non, non. Autant dire que ce nouveau livre, La vérité ou le néant, n’est pas destiné aux tièdes et aux mous, pas plus qu’aux manipulateurs du réel ou aux âmes plates et habituées, pour reprendre le mot de Bernanos.

Mais au fait qui est Castellani ? Pour en savoir vraiment plus, le lecteur curieux plongera dans le prologue d’Érick Audouard. À ses risques et périls, d’ailleurs. Qu’il sache en attendant que Leonardo Castellani est certainement l’un des plus grands écrivains argentins du XXe siècle et qu’il fut prêtre catholique, et peut-être pour son malheur, membre de la Compagnie de Jésus. Loin de l’image facile du jésuite, il ne transigea à aucun moment, portant jusqu’au bout sa croix et la puissance de sa voix prophétique. Face à la grande défiguration du christianisme, dont nous subissons aujourd’hui les conséquences, Castellani écrivait ainsi dans un texte évocateur : « Aujourd’hui, le commandement ordonne de s’en tenir au message essentiel du christianisme : fuir le monde, croire au Christ, faire autant de bien que possible, se détacher des choses créées, se garder des faux prophètes, se souvenir de la mort. En un mot, témoigner de la Vérité par sa propre vie et désirer le retour du Christ avec ardeur. »

Est-ce possible ? Serons-nous à la hauteur de l’appel de celui que l’on surnomme le « Bloy argentin » ? Je ne sais pas, mais c’est bien le moment d’y penser.

Philippe Maxence

LA VERTU DE MISÉRICORDE SELON SAINT THOMAS D’AQUIN
JEAN-BAPTISTE CAZELLE
Artège/Lethilleux, coll. Sed contra, 2020, 322 pages, 22 €

Le P. Cazelle, moine de Fontgombault, nous offre une remarquable étude sur la miséricorde envisagée plutôt du côté de l’homme. Dans une première partie positive, il présente notamment le vocabulaire biblique de la miséricorde et répond à l’objection stoïcienne – et nietzschéenne – selon laquelle la pitié serait une faiblesse. Dans une deuxième partie, l’auteur analyse pertinemment le processus psychologique de la miséricorde. Il s’intéresse au rapport entre la (com)passion et la miséricorde : une tristesse de la misère d’autrui – et le P. Cazelle a raison de souligner que ce qui fait l’objet de la pitié, c’est la peine due au péché et non la faute elle-même –, et la vertu de la miséricorde, soit l’aversion pour le mal d’autrui, qui engendre la volonté de secourir ce dernier. Dans une troisième partie, ce sont les rapports entre la miséricorde, la charité et la justice qui sont envisagés autour de la question de savoir si la miséricorde donne à autrui ce qui n’est pas dû et, dans ce cas, la gratuité qui lui est inhérente relève de la charité, ou bien si la miséricorde est un devoir, qui ressortit alors à la justice. Si un Walter Kasper oppose la miséricorde à la métaphysique, grâce soit rendue au P. Cazelle de nous proposer une véritable métaphysique de la miséricorde !

Abbé Christian Gouyaud

À L’OMBRE DE L’ÉPÉE
TOM HOLLAND
Perrin, coll. Tempus, 2021, 442 pages, 10 €

Poussant plus loin sa profonde connaissance de l’Antiquité grecque, perse et romaine, l’historien britannique Tom Holland a entrepris dans cet ouvrage d’étudier les circonstances qui ont entouré l’émergence et l’implantation de l’islam dans le Proche-Orient du VIIe siècle. Il ne s’agit pas d’une reprise pure et simple de ce que la tradition musulmane transmet au monde depuis lors à ce sujet tout en déniant aux non-musulmans la légitimité de toute vérification, démarche souvent associée à un complot. L’auteur se livre donc à un examen critique qui n’hésite pas à interroger l’authenticité et la fiabilité des sources prétendues historiques, y compris sur l’existence et l’identité de Mahomet, l’origine et la nature « divines » du Coran ainsi que la compilation des récits « prophétiques » qui constituent la Sunna (Tradition). Une certitude, « l’islam n’est pas issu d’un vide total », relève-t-il. Il est né sur des terres où foisonnaient quantité de croyances dont il a inévitablement subi l’influence.

C’est pourquoi Tom Holland consacre une partie substantielle de son travail aux empires qui ont précédé l’instauration du Dar el-Islam (la « Demeure de l’islam »), à savoir la Perse et la Nouvelle Rome, l’ensemble constituant la Jâhilîya (« Ignorance » en arabe) dans l’imaginaire islamique. Il s’attarde sur leurs rivalités politiques et les croyances religieuses des peuples concernés : paganisme dans ses diverses doctrines ; judaïsme et christianisme aux frontières mal définies malgré une matrice identique ; diversité des Églises minées par les hérésies. De tout cela, on retrouve des traces confuses dans le Coran, « brouillard impénétrable » selon l’auteur. Il reste qu’aux yeux des musulmans l’effondrement des empires vaincus par les Arabes, surtout lorsque ceux-ci s’emparèrent de la Palestine, porte ouverte sur la conquête du monde, résulte d’une volonté divine. Vint alors l’heure de « la construction de l’islam », dernier chapitre dans lequel Tom Holland met en évidence le rôle du calife Abd el-Malik (685-705), trop méconnu malgré son importance décisive puisqu’il lui revint de « définir sa religion comme le cœur battant et éternel du monde ».

Par son érudition, impressionnante sans être lassante, sa pédagogie soignée et son style alerte, cet ouvrage apporte une contribution remarquable à la compréhension d’un phénomène de civilisation qui marque profondément l’histoire du monde, et sans doute pour longtemps.

Annie Laurent

FAIRE FACE A LA VIOLENCE EN FRANCE
MAURICE BERGER
L’Artilleur, 2021, 172 pages, 16 €

L’insécurité n’est pas seulement grandissante : elle est surtout de plus en plus le fait de mineurs, voire de préadolescents. Après avoir tiré la sonnette d’alarme sur la violence en France dans ses livres précédents, le pédopsychiatre Maurice Berger offre un panorama des solutions envisageables pour sortir de cette crise. Tout d’abord, il s’agit pour nous de comprendre à quel type de délinquance nous avons affaire : les années passées auprès des mineurs délinquants lui ont permis d’établir un profil psychologique assez net de ces personnes. L’auteur dresse sans tabou les causes de ces violences, où se mêlent éducation lacunaire, organisation clanique, systèmes culturels extra-européens… tout ce cocktail produisant des jeunes sans repères moraux, souvent soumis à un syndrome post-traumatique dû à un père violent.

Pour répondre à cette situation, les pistes suggérées sont de plusieurs ordres. En premier lieu, se doter d’un équipement pénitentiaire à la hauteur de la situation, ce qui manque à la France. Ensuite, il revient à la justice d’appliquer plus facilement les peines de prison. Maurice Berger prend l’exemple des Pays-Bas qui imposent des peines moins longues qu’en France, mais bien plus facilement, si bien que « prendre du ferme » devient une menace tangible pour les jeunes délinquants. Mais le nœud du problème réside, pour le pédopsychiatre, dans la présence massive d’immigrés non-assimilés. Pour effectuer les manœuvres nécessaires à la limitation de ces violences, il faudra une volonté de fer – quitte à sortir, d’après l’auteur, des institutions supranationales qui s’y opposeraient, comme la Cour européenne des Droits de l’Homme, ou la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Robin Nitot

QUI EST COMME DIEU ?
Essai sur les vertus chrétiennes au service du commandement
PIERRE GILLET
Éditions Sainte Madeleine, 2020, 246 pages, 12 €

Sous la forme d’un abécédaire, d’Amour à Vérité en passant par Aventure, Discipline, Guerre, Obéissance, Pardon… Pierre Gillet nous guide au travers de ses réflexions sur le sens de l’autorité reçue. Abreuvée ainsi aux sources des vertus chrétiennes, elle pourra rayonner de la paternité divine. De ses deux titres, général de l’armée française et oblat de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, l’auteur tire une grande légitimité et expérience qu’il distille dans ses belles réflexions.

Anne-Françoise Thès

CATHOLIQUES DE TOUS LES PARTIS, ENGAGEZ-VOUS
CLOTILDE BROSSOLLET
Mame, 2021, 160 pages, 14,90 €

À l’heure où les catholiques sont clairement devenus minoritaires en France, il est plus que jamais temps, pour eux, de s’engager en politique. C’est du moins le message de Clotilde Brossollet : nous devons renouer avec notre vocation politique et, dans les pas des premiers chrétiens, répondre à l’appel de la cité terrestre. L’auteur remonte l’histoire de l’engagement catholique dans la vie politique en France, notamment les débuts douloureux de la République et le ralliement à celle-ci initié par le pape Léon XIII… puis le livre revient sur l’histoire de la doctrine sociale de l’Église, l’épopée politique des catholiques sociaux et verse même dans la théologie en mentionnant la royauté sociale du Christ, en rappelant que la politique est « une nécessité eschatologique ».

Revenant sur la pensée de saint Augustin concernant l’engagement chrétien, l’essai s’étend notamment sur les écrits de Jacques Maritain. Ce philosophe catholique du XXe siècle a développé une distinction précieuse, celle entre l’agir « en chrétien », et « en tant que chrétien ».

Si ce livre est un appel aux chrétiens à s’engager, il est aussi un mode d’emploi, pour apprendre à se mettre au service de la communauté et lui offrir les repères moraux, éthiques, spirituels dont elle a plus que jamais besoin. Comme le dit l’auteur pour conclure : « Nous n’avons pas l’assurance que nous serons des politiques meilleurs que les autres, mais une exigence plus grande nous habite », celle de nous convertir pour toucher du doigt la sainteté du royaume des Cieux.

Robin Nitot

L’IDENTITÉ, SOCLE DE LA CITÉ
HENRI LEVAVASSEUR
La Nouvelle Librairie, 2021, 82 pages, 7 €
IMMIGRATION DE MASSE
MICHEL GEOFFROY
La Nouvelle Librairie, 2021, 56 pages, 4,90 €

Pour les illettrés qui nous gouvernent, Georges Duhamel, célèbre auteur de Salavin et de Chronique des Pasquier, est sûrement un inconnu. Ou, si l’un d’entre eux, par extraordinaire, a lu telle appréciation (relevée au tome II des Mémoires) que nous voulons citer, on imagine assez bien sa grimace de dégoût. Citons donc : « La France possède un grand pouvoir d’assimilation, elle l’a montré : elle sait, en peu de temps, faire du Français avec des éléments disparates… Mais l’observateur libéral se demande quand même avec angoisse jusqu’à quelles proportions on peut aller dans l’alliage sans altérer et compromettre les propriétés du métal. » Or, chose à considérer, l’inquiétude ici exprimée datait de la première moitié du XXe siècle, époque où lesdits éléments disparates, en petit nombre et presque tous européens, ne laissaient pas du tout prévoir les flux humains de plusieurs centaines de milliers d’individus arrivant maintenant chaque année sur notre sol. Dès lors, jamais les mots de Georges Duhamel, rapprochés de la situation incomparablement plus sombre que nous vivons, n’auront été mieux accordés à celle-ci. Et, paradoxe, jamais se sera autant réduite la possibilité de les redire, autant accentuée la mauvaise grimace des illettrés (qui nous gouvernent), autant exaspéré leur désir de prohiber et de censurer.

Car éprouvant l’ampleur et la soudaineté d’un pareil changement de nature de sa population, bref, de son substrat ethnoculturel, la France meurtrie et disloquée d’aujourd’hui doit en outre subir « une République aux semelles de vent, qui n’a plus d’autre contenu que nihiliste »… et la pousse (sursauts convulsifs ou pas !) vers une sortie définitive de l’histoire. Bien entendu, ni Henri Levavasseur, dans un texte de synthèse, dense et didactique, ni Michel Geoffroy, dans un état des lieux où chaque phrase a du poids, n’entendent s’incliner. Conscients de l’immensité des périls, de leur extrême gravité, ils sonnent l’alarme, ripostent au matraquage médiatique, tentent d’informer et d’avertir. Honneur à eux. Mais voilà déjà près de vingt ans (Le Figaro du 17 juin 2004), le cher Jean Raspail, persuadé du caractère irréversible du processus de remplacement engagé, annonçait, le cœur gros, la disparition (qui cheminait vers sa fatale échéance) des anciens Français. « Je crois, écrivait-il, que les carottes sont cuites. » Trop de désespoir ou trop de lucidité ?

Michel Toda

RÉPUBLIQUE OU BARBARIE
RÉGIS DEBRAY, DIDIER LESCHI, JEAN-FRANÇOIS COLOSIMO
Cerf, 2021, 160 pages, 16 €

Cet ouvrage commence par reprendre un débat sur la laïcité, présidé par Didier Leschi, entre Régis Debray et Jean-François Colosimo, puis chacun des trois intervenants s’expriment plus longuement sur le sujet. Pas sûr qu’il en ressorte une ligne directrice très claire ! Le problème posé est évidemment celui de l’islam et, face à lui, nos trois intervenants défendent chacun une exception française, à savoir notre laïcité nationale, mais chacun avec des inflexions différentes. R. Debray rappelle que « la République sans la nation, cela n’existe pas. Pour faire prévaloir l’allégeance politique sur l’appartenance religieuse, il faut que l’allégeance politique ait un fond religieux, ou en tout cas une sacralité » (p. 19). J.-F. Colosimo voit l’origine de la laïcité chez nos rois qui ont cherché à éviter l’allégeance soit aux papes soit à l’Empereur en posant « une division » des pouvoirs temporel et spirituel déclinée en trois principes : « la distinction des ordres », « la pontificalisation du pouvoir politique » et que « l’État, pour assurer sa mission, doit être en quelque façon agnosique en matière de foi ». D. Leschi explique de son côté que « notre droit s’est attaché à construire une laïcité dont le but ultime aura été de défendre l’incroyant ». L’islam n’est pas un christianisme avec quelques siècles de retard, aussi on ne voit pas très bien comment cette laïcité va résoudre nos lancinants problèmes…

Christophe Geffroy

Romans à signaler

DEACON KING KONG
JAMES McBRIDE
Gallmeister, 2021, 540 pages, 25,80 €

James McBride est un auteur reconnu aux États-Unis (lauréat du National Book Award pour L’Oiseau du Bon Dieu). Gallmeister publie là son sixième roman en français. Un vieux Noir de Brooklyn, surnommé Sportcoat, qui a récemment perdu sa femme et particulièrement poussé sur la bouteille (il descend allègrement le tord-boyaux local, le « King Kong »), tire sur le pire dealer du quartier sans toutefois le tuer. Après un tel geste, ses chances de survie sont faibles, que va-t-il devenir ? Rien de bien drôle dans cette histoire tragique et pourtant ce roman est d’une grande légèreté. L’histoire est surtout un prétexte pour décrire l’atmosphère et de pittoresques personnages du Brooklyn des années 1960, divisé entre Afro-Américains, Latinos, mafieux italiens ou terribles Irlandais et les improbables paroissiens de l’église protestante des Five Ends. Tout cela est décrit avec une langue savoureuse et drôle et, surtout, McBride aime ses personnages qu’il fait vivre avec une rare délicatesse donnant à ce roman quelque peu déjanté une belle dimension humaine.

Christophe Geffroy

CAVALE D’UN CURE DE CAMPAGNE
et autres bonnes nouvelles
OLIVIER MATHONAT
Quasar, 2021, 170 pages, 14 €

Des paraboles revisitées, des tranches de vie où Dieu écrit parfois avec des lignes courbes, des insensés ou des fous de Dieu… l’auteur nous livre ici une galerie de nouvelles pittoresques où ne cessent de transparaître la patience et la miséricorde divine.

Anne-Françoise Thès

A signaler

LES SAINTS DE FRANCE & LES FRANÇAIS D’AUJOURD’HUI, de l’abbé Jean-Pierre Gac
Fraternité Saint Thomas Becket, 2021, 170 pages. Pour commander : contact@fstbecket.fr ou 02 54 20 91 58
« Les saints de notre patrie ont connu les tentations particulières aux Français et comme ils y ont résisté, ils offrent par là même le spectacle des vertus qu’il nous faut pratiquer », écrit l’auteur qui explique là l’objectif de son ouvrage : en déclinant les vertus nécessaires qui combattent nos défauts nationaux, contribuer à la méditation de l’exemple de ces saints de France. Opportun et formateur.

L’ÉGLISE PÈLERINE. Histoire de la spiritualité chrétienne, de Odile Robert
Éditions du Carmel, 2021, 960 pages, 23 €
Voilà un ouvrage remarquable et passionnant appelé à devenir une référence : une somme qui présente chronologiquement la spiritualité chrétienne depuis les origines jusqu’à la fin du XIXe siècle, avec tous les grands noms et les grands Ordres qui ont marqué cette histoire.

COMMENTAIRES DES ÉPÎTRES À TIMOTHÉE I ET II, À TITE ET À PHILÉMON, de Thomas d’Aquin
Cerf, 2020, 540 pages, 34 €
Mettre à la portée du grand public cultivé les commentaires de l’Écriture de saint Thomas dans une édition prestigieuse, tel est la louable ambition du Cerf qui publie ici le dixième opus de la série avec, comme toujours, un magnifique travail d’introduction et d’annotation.

CE QUE JE CROIS, de Thomas d’Aquin
Cerf, 2021, 194 pages, 18 €
Une édition inédite en français de quinze sermons du Docteur angélique sur le Symbole des Apôtres, tous précédés d’un commentaire du Père Torrell. Des textes très accessibles qui sont une invitation à découvrir cet immense théologien.

Patrick Kervinec

SI JE N’ANNONCE PAS L’ÉVANGILE… Journal d’une évangélisation de rue, de Odile Pruvot
Mame, 2021, 110 pages, 12,90 €
À tous ceux qui se sentent attirés par l’évangélisation de rue, O. Pruvot livre ses réflexions sur sa belle expérience réalisée au cours d’une démarche paroissiale. Zèle et joies, découragements, prière, fioretti, tous les ingrédients sont là pour découvrir ce qu’est le rôle de serviteur inutile ou imparfait que le Seigneur nous demande d’être dans le monde.

Anne-Françoise Thès

© LA NEF n°339 Septembre 2021