Lectures Décembre 2021

L’APRÈS LITTÉRATURE
ALAIN FINKIELKRAUT
Stock, 2021, 232 pages, 19,50 €

On pourra accuser Alain Finkielkraut de trouver que « c’était mieux avant », mais comment lui donner tort en lisant ce bel essai mélancolique écrit d’une plume élégante et fluide ? Lire Finkielkraut, c’est d’abord lire un écrivain, soucieux de la langue et du style, et c’est déjà un vrai plaisir devenu assez rare aujourd’hui. Mais c’est lire aussi un homme qui a une pensée forte et structurée, sans souci de l’idéologie dominante, et c’est un autre plaisir qui permet de relativiser les petits points de divergence que l’on peut avoir avec lui ici ou là.

L’âge de « l’après littérature » est celui où les livres n’éduquent plus les âmes, où ne compte que le moment présent, lequel est façonné par des visions du monde simplificatrices qui ne rendent plus compte de la réalité de la vie et de sa complexité. Ainsi en est-il du nouvel ordre moral « qui ne cesse de faire bouger les choses » (p. 24), du néoféminisme qui savoure « les fruits de la victoire tout en conservant l’auréole de la victime et sans jamais cesser de revendiquer » (p. 37), de l’antiracisme délirant, « devenu l’alibi de la soumission » (p. 145) à l’islam ou au lobby LGBTQIA+, de l’indifférence à la beauté, l’impératif technique l’emportant ou l’idéologie écologiste massacrant les paysages en multipliant d’horribles éoliennes, de la bêtise des antispécistes, etc. Dans les affaires de pédophilie, tout en condamnant de tels actes, il regrette la justice populaire aveugle qui généralise et ne cherche plus à comprendre au cas par cas : « Le droit représente l’effort grandiose de la civilisation pour arracher la justice à la passion justicière » (p. 74), écrit-il.

Enfin, alors que beaucoup craignent que la pandémie soit l’occasion de suspendre ou limiter les libertés publiques, Alain Finkielkraut y voit plutôt la peur des dirigeants et la déliquescence de l’État : « On se représente l’État comme un Léviathan redoutable alors qu’il est faible et qu’il n’en mène pas large. Sa marge de manœuvre ne cesse de se réduire. Et plus il est empêché, ligoté, paralysé, plus on lui reproche d’être coercitif, invasif, irrespirable. On s’est rarement menti avec un tel sentiment de clairvoyance. […] Personne ne tremble devant le pouvoir politique. Ce sont les politiques qui tremblent devant le pouvoir judiciaire, le pouvoir médiatique et celui des réseaux sociaux » (p. 201). Il a raison, mais il semble oublier que la tentation autoritaire est la marque des pouvoirs faibles.

Christophe Geffroy

MAURIAC DANS L’ÉGLISE CATHOLIQUE
Ou la fidélité aux aguets
PHILIPPE DAZET-BRUN
Cerf, 2021, 328 pages, 24 €

Que de fils à tresser et de sac de nœuds à délier à partir de ces deux mots : l’Église et la littérature. À ceux qui regrettent la disparition des grands écrivains catholiques, l’actualité éditoriale se charge de rappeler cette vérité : certains morts parlent mieux d’un monde qu’ils ont pressenti sans le voir advenir, que bien des vivants qui y sont aveuglément plongés.

La lucidité de Mauriac sur les dangers de la modernité ne va sans doute pas de soi. Comme démocrate-chrétien aspirant à une Église plus moderne, il fut une des cibles préférées de Bernanos : « Nul ne doute des bonnes intentions de M. Mauriac, on serait plutôt tenté de craindre qu’il ne finît par succomber sous leur poids. »

Ce Bernanos, on le regrette, n’apparaît jamais dans le livre de Philippe Dazet-Brun, Mauriac dans l’Église catholique, qui situe bien l’écrivain vis-à-vis des courants qu’il admira – modernisme, Sillon, prêtres-ouvriers –, mais ne laisse guère de place aux adversaires déclarés, ce qui aurait rendu l’ouvrage plus piquant.

Ce qui emporte l’adhésion, chez Mauriac, est sa fidélité indéfectible au Christ et à l’Église. Avant d’être européens ou humanitaires, « qu’ils soient du Christ ! », notait-il en 1932 à propos des rédacteurs de la naissante revue Esprit. De même, cet homme qui constatait au soir de sa vie qu’il n’avait « jamais reçu de l’Église que la réprobation de tout ce qui lui était cher » fut assez amoureux d’Elle, dans les débats post-conciliaires, pour ne jamais sombrer dans les revendications revanchardes. Au contraire, il rappela sans relâche aux prêtres la grandeur sacramentelle du sacerdoce, contre les sirènes du « social d’abord ». Bref, il ne confondit jamais réforme et apostasie.

Démocrate-chrétien, soit, mais jamais au point que le démocrate n’efface, voire n’avale le chrétien. En 1970, il déclara : « Il y a une incompatibilité entre la démocratie et la vie de l’Église. La vérité chrétienne n’est jamais sortie d’une assemblée. C’est une évidence. » Au milieu des appels actuels à réformer l’Église, peu de réformateurs vivants sont aussi lucides.

« La fidélité aux aguets » : le beau sous-titre du livre aide à rappeler que fides et fidelitas sont sœurs, et qu’un homme de foi est avant tout un homme fidèle au Christ et à l’Église. Bien naïf ou bien inculte, celui qui juge que cette fidélité est une facilité d’homme installé.

Henri Quantin

L’ÉGLISE PEUT-ELLE DISPARAÎTRE ?
DIDIER RANCE
Mame, 2021, 248 pages, 17 €

On pourrait croire, à lire le titre, qu’il s’agit d’un nouvel ouvrage, comme il en paraît de plus en plus, sur le déclin ou la disparition prochaine de l’Église, voire du christianisme. Sans ignorer cette vision décliniste de l’état présent, Didier Rance en prend le contrepied. Non par un optimisme naïf, mais par une considération historique de l’Église, sur le long terme, associée à une vision surnaturelle de son parcours sur la terre. Le sous-titre dit mieux la portée du livre : « Petite histoire de l’Église à la lumière de la Résurrection ». Didier Rance évoque dix époques où l’Église a semblé devoir disparaître ; dix époques où, pour des raisons internes ou externes – ou les deux à la fois – « les défis, les crises, les conflits, les échecs, les persécutions ou les décadences » ont paru la submerger. Et pourtant, à chaque fois, elle a connu une renaissance, une résurrection, grâce à l’action de réformateurs et de saints, mais aussi par un renouveau visible dans le peuple des croyants. Les « résurrections » qu’a connues l’Église au cours de son histoire sont dues « à la conjonction entre quelques personnalités exceptionnelles, le plus souvent des saints reconnus ensuite par elle, et une foule d’humbles fidèles, prêtres et religieux et religieuses ».

Les dix époques dramatiques qu’a retenues l’auteur couvrent forcément les vingt siècles de l’histoire de l’Église : notamment les persécutions sous l’Empire romain, la crise arienne qui met en cause la divinité du Christ, la menace turco-musulmane sur l’Europe, la réforme protestante, les persécutions de la Révolution française puis des régimes totalitaires. L’auteur aurait pu ajouter un 11e chapitre : l’Église confrontée quasi universellement depuis le milieu du XXe siècle au mal des abus sexuels (sur mineurs ou majeurs).

Un des intérêts du livre de Didier Rance est de mettre en lumière, pour chaque époque de crise, une ou plusieurs figures de chrétiens (laïc, religieux ou évêque), plus ou moins connus, qui ont eu un rôle décisif dans le renouveau ou la résistance spirituelle : saint François d’Assise, Skanderberg, saint Jean de Capistran, le cardinal Hosius, et d’autres.

Yves Chiron

RÉSEAUX SOCIAUX
La guerre des Léviathans
ROBERT REDEKER
Édition du Rocher, 2021, 280 pages, 17,90 €

Se saisissant d’un phénomène qui n’a que trop gagné en puissance depuis les derniers confinements, Robert Redeker propose une analyse philosophique aussi accessible que profonde des conséquences politiques des réseaux sociaux. Il ouvre son essai sur le constat agacé d’un individualisme grandissant favorisé par le bavardage qui y règne pour parvenir à une critique éclairante du désagrègement de la culture et donc de la politique que provoquent ces médias. En effet, le philosophe montre comment le Léviathan, défini par Hobbes comme la force politique permettant de contraindre l’homme au bien commun plutôt qu’à la satisfaction de son égoïsme, cède le pas à la puissance grandissante des réseaux sociaux proposant leurs propres valeurs mondialisées. Dès lors, l’usage des réseaux sociaux dissout l’homme en proposant une anthropologie qui fait de l’être humain un être de pure communication virtuelle, sans intériorité, se définissant par la plate image qu’il se crée et non plus à l’image de Dieu. Ce constat alarmant plonge donc dans l’angoisse de l’égotisme humain favorisé par les réseaux sociaux pour dessiner en creux le besoin criant du sacré et de l’âme, pour reconstruire le politique et la culture aux fondements du bien commun. Ce qui peut apparaître comme des larmes versées sur le paradis perdu d’une anthropologie chrétienne peut aussi être le constat, semblant presque paradoxal aujourd’hui, de la nécessité du religieux pour faire société.

Élisabeth Beauvallet

LE LION DE France
L’histoire épique du roi Louis VIII
FLAVIEN DUPUIS
Cerf, 2021, 272 pages, 20 €

Son père était Philippe II, surnommé Auguste, son épouse sera Blanche de Castille et, au nombre des douze enfants qu’elle lui donna, Louis IX, nous voulons dire Saint Louis, fut son successeur. Ayant régné peu longtemps, de 1223 à 1226, enserré au surplus par des célébrités familiales qui l’ont réduit, dans notre Moyen Âge, à une place exiguë, Louis VIII devait médiocrement retenir l’intérêt des historiens (à la notable exception en 1894 de Charles Petit-Dutaillis, chartiste de formation, et, voici une trentaine d’années, de Gérard Sivéry). C’est dire qu’un nouveau livre sur le personnage ne dépasse pas la mesure.

Grand rassembleur du pré carré, adversaire tenace des Plantagenets, redoutables vassaux dont les droits féodaux s’étendaient sur tout l’Ouest de la mouvance capétienne, Philippe-Auguste, le 27 juillet 1214 où il triompha à Bouvines d’une coalition menée par l’empereur germanique, avait répété la victoire du prince Louis sur Jean sans Terre, le 2 juillet, à La Roche-aux-Moines – lequel prince Louis, débarquant outre-Manche en 1216, manquerait de peu la couronne d’Angleterre.

Annexe du règne mémorable de Philippe (1180-1223), celui de Louis VIII, dit le Lion, continua fidèlement l’œuvre paternelle : reprise d’une portion substantielle des fiefs plantagenets et extension au Midi du domaine royal (par la conquête d’Avignon en septembre 1226 suivie de la soumission des autres villes languedociennes). Mort de fièvres le 8 novembre au retour de cette campagne, le souverain, doué, capable, avait agi de telle sorte que rien, désormais, ne semblait plus pouvoir interrompre l’essor de la future unité monarchique.

Michel Toda

TRANSMETTRE OU DISPARAÎTRE
Manifeste d’un prof artisan
AMBROISE TOURNYOL DU CLOS
Salvator, 2021, 168 pages, 16,80 €

L’auteur, jeune agrégé d’histoire, est professeur dans un lycée public après avoir enseigné pendant plusieurs années en République centrafricaine. Il livre tout à la fois un témoignage et une réflexion sur le métier de professeur. Il ne déplore pas, une énième fois, la faillite du système scolaire, les contraintes administratives, les méthodes pédagogiques, la baisse du niveau scolaire, il veut plutôt faire redécouvrir la mission du professeur qui est d’abord un métier de la transmission. À juste titre, il décrit le professeur non pas comme un technicien ou un expert, mais comme un « artisan, modeste, patient mais précis ». On aime la façon dont il décline les sept vertus du bon professeur (p. 48-53). Dans son évocation de l’enseignement du fait religieux à l’école, loin de s’en tenir au laïcisme ou au rationalisme d’un Ferdinand Buisson, il croit possible de mettre en œuvre devant les élèves et avec les élèves un « dialogue entre la foi et la raison » (l’exemple donné de l’analyse du tympan de Conques est très convaincant).

Yves Chiron

LE RECOURS À LA TRADITION
MICHEL MICHEL
L’Harmattan, 2021, 290 pages, 29 €

Le Progrès et ses slogans ne font plus vibrer grand monde, les révolutionnaires ne savent plus de quoi s’émanciper, et la soif spirituelle de nos contemporains devient de plus en plus criante : c’en est fini de la modernité. Pour en dresser l’autopsie, le sociologue Michel Michel raisonne autant en philosophe qu’en historien, et décrypte les étapes qui ont poussé l’Occident à renoncer à la religion traditionnelle pour épouser à la fois toutes les différentes hérésies chrétiennes, reprenant la phrase de Chesterton qui figure sur la couverture du livre : « Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. » On oublie souvent de citer la seconde partie de la phrase, pourtant aussi savoureuse : « Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules.  » Dissociées d’un Dieu qui ne serait plus d’actualité, nos vertus orphelines ont perdu leur cohérence et tendent même à se cogner les unes contre les autres… l’idée paulinienne que nous ne serions plus qu’« un en Jésus-Christ » s’est transformée en égalitarisme, la liberté chrétienne est devenue le libéralisme individualiste, et le salut des âmes des pauvres de cœur a été remplacé par le salut financier des pauvres de sous.

Mais Michel Michel ne se contente pas de déplorer la direction que prend l’Histoire, il propose une alternative à la « post-modernité » matérialiste et désenchantée : la Tradition. Il ne s’agit pas de dire que la messe en latin serait la panacée aux maux du siècle, mais plus largement, que les solutions aux problèmes de notre temps se trouvent au fond de la nature humaine et ont déjà été exhumées par des millénaires de pensée. C’est plus précisément à l’idée guénonienne de « Tradition primordiale », que l’auteur se réfère. René Guénon, philosophe inclassable, défendait l’idée d’une unité de la Tradition dans l’humanité. Pour Michel Michel, il faut étudier les points de compatibilité entre cette pensée et le christianisme, comme la chrétienté l’a fait pour l’œuvre des païens Platon et Aristote, qui ont beaucoup apporté à la théologie catholique.

En bref, si la modernité est enterrée, il est temps pour les catholiques de se pencher sur la richesse intellectuelle que contient leur histoire, et d’offrir au monde des alternatives chrétiennes, quitte à passer par un retour aux sources de la sagesse.

Robin Nitot

ISRAËL, UNE DÉMOCRATIE FRAGILE
SAMY COHEN
Fayard, 2021, 286 pages, 22 €

« Israël est la seule démocratie au Proche-Orient », aiment à dire les dirigeants de l’État hébreu. Cette affirmation est-elle réellement fondée ? C’est à répondre à cette question que Samy Cohen, docteur en sciences politiques, consacre son dernier livre dont la lecture s’impose si l’on veut bien saisir les caractéristiques, les subtilités et les complexités d’un système unique : tout en fonctionnant selon des règles démocratiques habituelles, Israël se présente sous les traits d’un modèle sans équivalent dans le monde, un modèle qui, de surcroît, subit des évolutions notables depuis sa naissance en 1948. Dès le début, le nouvel État a reposé sur la conception juive selon laquelle religion et nation ne font qu’un. Tel était le fruit d’un compromis consenti alors par David Ben Gourion, président de l’Agence juive et futur Premier ministre. Il s’agissait de concilier la vision laïque du fondateur du sionisme, Theodor Herzl, et les exigences des Juifs ultra-orthodoxes et antisionistes qui réclamaient, en contrepartie de leur adhésion au projet, le respect officiel des règles religieuses comme marque du caractère juif de l’État.

Cette alliance contre-nature pavait la voie « à une succession de conflits sans fin », note S. Cohen, avant de faire défiler l’histoire d’Israël jusqu’à nos jours, selon une approche thématique qui renforce la pédagogie de l’ouvrage. La conquête de la partie orientale de Jérusalem et de la Cisjordanie lors de la guerre de 1967 fut interprétée comme un signe divin par le sionisme religieux qui n’a cessé de s’imposer depuis lors dans la vie publique, partageant avec la droite nationaliste un même idéal : la sacralisation de l’Israël biblique et donc le refus de toute rétrocession territoriale aux Palestiniens.

Dans la foulée, naquirent des affrontements idéologiques entre sécularisation et « religiosisation », en particulier au sein de l’armée (Tsahal) qui devint l’alliée des colons avec l’appui des dirigeants politiques. Le rapport inégalitaire avec les Arabes (citoyens israéliens et Palestiniens) occupe une place essentielle dans les dénis démocratiques recensés par l’auteur qui montre comment l’État hébreu détourne habilement (au moyen de la peur notamment) le droit international, allant jusqu’à entraver la Cour suprême dans l’exercice de ses prérogatives, y compris en matière de respect des droits de l’homme. Sur tous ces aspects, S. Cohen fournit une abondance d’exemples très précis pour illustrer le processus de délitement d’une démocratie « semi-libérale, fracturée et fragile » qui ouvre des perspectives peu rassurantes pour la paix.

Annie Laurent

MAZARIN
OLIVIER PONCET
Perrin / BNF, 2021, 256 pages, 24 €

Nous nous souvenons, à son propos, d’avoir lu ceci : « Il avait le génie de la diplomatie et de l’intrigue ; il n’en avait guère d’autre. Cet aventurier italien… ne comprit jamais la France et ne sut pas la gouverner. » Ayant « beaucoup moins d’étoffe » que Richelieu, il fut surtout un « voleur fastueux » qu’intéressait d’abord « l’établissement de sa famille ». De qui ces duretés ? D’un bon connaisseur de notre histoire, Jacques Madaule, proche de Mounier et assidu collaborateur de la revue Esprit. Difficile, certes, de contredire davantage, et si longtemps à l’avance, le titre du présent volume – qui accole L’art de gouverner au nom de Mazarin. Alors ? Eh bien, on compare, on examine. Et puis on conclut que Madaule est solide et qu’Olivier Poncet l’est tout autant. Parce qu’il a potassé le sujet, qu’il le possède pleinement. Parce que sa considération pour le personnage n’est pas, loin s’en faut, de l’idolâtrie. Comme, de son côté, la sévérité de Madaule tolérait de fugitives indulgences.

Offrant un texte très dense, très nourri, d’une vraie qualité d’écriture, ce bel ouvrage d’assez grand format se distingue encore par une iconographie abondante issue principalement des collections de la Bibliothèque nationale de France. Le premier XVIIe siècle, jusqu’à la mort en 1661 du célèbre ministre et amasseur d’immenses trésors artistiques, y déroule ses comédies et ses tragédies. Quoique d’une époque éloignée, elles continuent de nous toucher.

Michel Toda

LE PROPHÉTISME POLITIQUE ET ECCLÉSIAL DE JEANNE D’ARC
JACQUES OLIVIER

Cerf, 2021, 806 pages, 29 €

Si le Seigneur a pris la peine d’intervenir dans les affaires temporelles du royaume de France, s’il a envoyé une jeune Lorraine pour quérir Charles VII et l’aider à se faire sacrer roi, on peut supposer que le message de cette envoyée était aussi important que ses accomplissements militaires… c’est ce que défend l’abbé Jacques Olivier dans sa thèse, aujourd’hui éditée aux éditions du Cerf. Pour lui, Jeanne d’Arc n’est pas qu’un coup de pouce de la Providence pour sortir la France de la guerre de Cent Ans : elle est avant tout une prophétesse, envoyée pour délivrer des indications précieuses, non seulement sur les siècles qui allaient suivre, mais encore sur la conduite politique, religieuse, à adopter face à la modernité. Les prophéties, sainte Jeanne d’Arc les a multipliées sa vie durant, annonçant ici ou là que telle bataille serait victorieuse, qu’il ne lui restait qu’un an à vivre, que telle ville serait prise… Dans l’ouvrage imposant de l’abbé Olivier, ses prophéties prennent une allure plus large, et embrassent la question des liens entre autorité spirituelle et temporelle, la question de la liturgie, et de l’avenir de la chrétienté. L’enseignement de la pucelle d’Orléans est encore loin d’être épuisé !

Robin Nitot

Romans à signaler

WESTERN STAR
CRAIG JOHNSON
Gallmeister, 2021, 380 pages, 23,80 €

Inutile de le cacher, nous apprécions beaucoup Craig Johnson et sa série policière mettant en scène Walt Longmire, shérif du comté imaginaire d’Absaroka dans le Wyoming. Ce quatorzième opus ne décevra pas les admirateurs du grand Walt. L’histoire se passe ici à deux époques. Aujourd’hui, le shérif est confronté à une remise de peine « compassionnelle » d’un vieux criminel sur le point de mourir qu’il a lui-même arrêté plusieurs décennies auparavant, en 1972, alors qu’il venait juste d’être le nouvel assistant du shérif Lucian Connally : c’est cette enquête de 1972, qui se passe à bord du Western Star, train légendaire de l’Ouest, qui occupe une partie importante du roman, occasion de connaître le jeune Longmire tout juste marié. Un roman passionnant où l’on retrouve toutes les qualités d’écriture de Craig Johnson, l’atmosphère rude du Wyoming, des personnages vraiment attachants… et une fin très inattendue !

Christophe Geffroy

LA GRANDE AVENTURE PAROISSIALE DU PÈRE JEAN-MICHEL
HERVÉ RABEC
Quasar, 2021, 162 pages, 13 €

Le Père Jean-Michel, curé de la paroisse Sainte-Rita, quelque part dans la France profonde, s’interroge sur sa vocation et le sort de sa paroisse qui s’endort tranquillement dans le ronron des habitudes. Alors qu’il reçoit chaque semaine un personnage mystérieux, encouragé par son jeune évêque qui vient d’être nommé, il décide un jour de convoquer tous ses fidèles pour leur expliquer qu’il est décidé à révolutionner le fonctionnement de sa paroisse afin d’essayer de toucher ses concitoyens tout proches et cependant éloignés de Dieu et des choses spirituelles.

Sur un mode assez proche du Monsieur le curé fait sa crise de Jean Mercier (2016), sans en avoir cependant l’étoffe, l’auteur nous offre un roman sympathique et agréable à lire qui interroge les catholiques – et pas seulement les prêtres – sur leurs engagements. Trop de structures ou d’habitudes nous empêchent souvent d’aller à l’essentiel, témoigner du Christ, avoir le souci du pauvre de notre quartier, etc.

Patrick Kervinec

Sélection beaux livres

ROIS JOURS ET TROIS NUITS. Le grand voyage des écrivains à l’abbaye de Lagrasse, préface de Nicolas Diat, Fayard, 2021, 360 pages, 23 €. Des célèbres écrivains comme Pascal Bruckner, Sylvain Tesson, Jean-Marie Rouart, Frédéric Beigbeder, etc. racontent leur court séjour dans la prestigieuse abbaye. Témoignages surprenants, parfois décalés et dérangeants… mais qui montrent le rayonnement des chanoines.

UN AVANT-GOÛT DU PARADIS. Guide des produits monastiques, de Bénédicte de Saint-Germain et Théophane Leroux, Mame, 2021, 264 pages, 29,90 €. Un guide complet pour connaître les produits monastiques et les communautés qui perpétuent ces traditions.

NOTRE HISTOIRE AVEC MARIE. Retrouver les racines chrétiennes de la France, Association Marie de Nazareth/MDN Productions, 2021, 216 pages, 29 €. À travers quelque 80 récits rédigés par des spécialistes, on revit l’histoire chrétienne de la France et le rôle tout particulier qu’y tient la Vierge Marie, patronne principale de la France.

NOTRE-DAME DES SIÈCLES. Une passion française, de Mathieu Lours, Cerf, 2021, 208 pages, 39 €. Quelque 800 ans d’histoire de Notre-Dame de Paris défilent, chronique des grandes et petites heures de la cathédrale expliquées par une belle iconographie.

LA BELLE HISTOIRE DES CATHÉDRALES, d’Alain Billard, De Boeck Supérieur, 2021, 320 pages, 29,90 €. Magnifique panorama de l’évolution architecturale des cathédrales par un architecte et archéologue.

TRÉSORS INCONNUS DU VATICAN. Cérémonial et liturgie, de Bernard Berthod et Pierre Blanchard, CLD, 2021, 190 pages, 99 €. Un magnifique album qui, à travers les objets et costumes, relate la vie quotidienne de la papauté au Vatican, hier et aujourd’hui.

HISTOIRE DE FRANCE. De la souveraineté du roi à l’unité du royaume, tome 8 (1468-1643), de Reynald Secher, Guy Lehideux et Vas, Reynald Secher Éditions, 2021, 48 pages, 15 €. L’œuvre magnifique de Reynald Secher qui présente l’histoire de France en BD se poursuit ici avec le tome 8 couvrant la période qui va de Louis XI à Louis XIII. Une façon intelligente de faire aimer l’histoire aux jeunes.

VISAGES DE THÉRÈSE DE LISIEUX, de Didier-Marie Golay, Cerf, 2021, 232 pages, 29 €. Une approche originale de la « petite Thérèse » par le biais de photos de la sainte qui sont l’occasion d’un commentaire permettant d’entrer dans la vie et la spiritualité de Thérèse.

ARNAUD BELTRAME. Le don de l’engagement, de Delalande et Bidot, Plein Vent, 2021, 46 pages, 14,90 €. Belle bande dessinée qui relate la vie héroïque du plus célèbre des gendarmes contemporains.

NOËLS DE FRANCE, recueillis par Thibaud Dubois, Via Romana, 2021, 268 pages, 22 €. Noëls, sous forme de contes ou de poésies, par des grands auteurs de la littérature française ici rassemblés.

JÉSUS DE NAZARETH, Roi des Juifs, de Roland Hureaux, Desclée de Brouwer, 2021, 560 pages, 23 €. Encore une « biographie » de Jésus, direz-vous ? Sans doute, mais celle-ci tient la route et mérite d’être signalée, car elle est sérieuse et écrite dans un esprit catholique qui réfute d’emblée la distinction entre un Jésus de l’histoire et un Jésus de la foi.

SANCTUAIRES CHRÉTIENS D’OCCIDENT IVe-XVIe SIÈCLES, d’André Vauchez, Cerf, 2021, 336 pages, 25 €. Comment ces lieux saints que sont les sanctuaires se sont formés, comment s’est faite leur popularité au sein de la chrétienté occidentale, tel est l’objet de cette étude fouillée.

DICTIONNAIRE des auteurs catholiques des îles britanniques, de Gérard Hocmard, Cerf, 2021, 492 pages, 29 €. 500 notices biographiques de plus ou moins célèbres catholiques anglais, irlandais et écossais, depuis la christianisation des deux îles à aujourd’hui. Original.

UNE HISTOIRE MONDIALE DU COMMUNISME, de Thierry Wolton, Tempus/Perrin, 2021 ; tome I : Les bourreaux, 1146 pages, 16 € ; tome II : Les victimes, 1368 pages, 17 € ; tome III : Les complices, 1476 pages, 17 €. Ce travail gigantesque, publié en grand format chez Grasset en 2015, la plus grande synthèse sur le communisme depuis Le livre noir en 1997, est offert en format poche à miniprix dans une édition revue et augmentée. Une œuvre pour l’histoire à ne pas manquer.

Patrick Kervinec

© LA NEF n°342 Décembre 2021