La Marche pour la Vie 2019 © La Nef

L’importance du combat pro-vie

L’avortement s’est tellement banalisé que le gouvernement cherche à en prolonger le délai légal de 12 à 14 semaines ! Face à l’anesthésie des consciences, le combat pour la vie est plus nécessaire que jamais, et la Marche pour la Vie, le 16 janvier 2022, une occasion de montrer que la résistance n’est pas morte.

«Si on veut vraiment attaquer le Fils de l’homme, Jésus-Christ, il n’y a qu’un moyen, c’est d’attaquer les fils des hommes. Le christianisme est la seule religion qui dit : “votre modèle est un enfant”, l’enfant de Bethléem. Quand on vous aura appris à mépriser l’enfant, il n’y aura plus de christianisme dans ce pays. »
Le 25 mars 2017, à l’occasion du 23e anniversaire de la mort de Jérôme Lejeune, le cardinal Robert Sarah introduisait une conférence en l’église Saint-Augustin à Paris par ces quelques mots jadis prononcés par le grand professeur. Dans la bouche d’un cardinal de l’Église catholique, cette citation n’est pas surprenante. Elle révèle pourtant une réalité que certains catholiques aujourd’hui ont du mal à admettre ou à concevoir : le combat pour le respect de la vie n’est pas seulement vital pour le renouvellement des générations et la survie démographique de la vieille Europe, il s’agit d’un projet spirituel et eschatologique lié à la vérité révélée depuis nos origines. Prendre conscience du dessein destructeur représenté par l’avortement oblige à dénouer les œillères de la pensée bienveillante et consensuelle pour s’approprier les armes de la Vérité, fut-elle tranchante et sans concession.
Car l’histoire de l’avortement n’est que celle d’un immense mensonge. Un mensonge qui se fracasse aujourd’hui contre le mur de la désolation et de la souffrance indicible des centaines de milliers de drames vécus depuis 45 ans dans les familles de France : la conscience coupable des hommes de n’avoir pas respecté leurs semblables. Pire, de les avoir éliminés. Près de dix millions d’âmes qui n’auront jamais vu la lumière du jour depuis 1975.
En ces temps sanitaires troublés, dans lesquels un nouveau variant vient chaque mois disputer l’existence d’un ancien variant, l’humanité entière n’aura peut-être compris qu’une seule chose, une seule vérité partagée par tous : on éradiquera définitivement le Covid-19 lorsqu’on aura supprimé la souche du virus. Autrement dit, lorsque la racine du mal aura été coupée. Il en va de même avec les modifications législatives successives adoptées par le Parlement français depuis 1975 qui n’ont fait qu’aggraver la loi Veil – promulguée le 17 janvier 1975 – autorisant, voilà plus d’un demi-siècle, l’avortement en France. Il en serait de même si l’on cédait à la tentation, somme toute parée de bonnes intentions, de revenir à « l’esprit » de la loi Veil. Une loi qui n’aura produit que des mauvais fruits depuis 45 ans ne peut pas être une bonne loi. Rétablir quelques filtres qui permettraient de diminuer l’intensité du mal n’empêchera jamais de l’anéantir définitivement.
« Bien que sa racine soit vieille dans la terre, et que son tronc soit comme mort dans la poussière, l’arbre repoussera encore et il aura des rejetons » (Jb 14, 7-8).

Retour sur l’histoire

Reprenons le fil de l’histoire. Le 20 décembre 1974, l’Assemblée Nationale adopte la loi dite Veil, du nom du ministre qui l’a portée et défendue. L’avortement peut être alors pratiqué par un médecin, avant la fin de la 10e semaine de grossesse. Par ailleurs, et c’est une mesure que beaucoup découvrent encore aujourd’hui, la loi autorise depuis 1975 l’interruption dite « médicale » de grossesse pour les femmes enceintes d’un enfant handicapé, jusqu’à la veille de l’accouchement. La Fondation Jérôme Lejeune ne cesse de le rappeler, les enfants porteurs d’une trisomie 21 pouvant être avortés jusqu’au bout du neuvième mois de grossesse.
Le 31 décembre 1982, la loi Roudy prévoit le remboursement de l’avortement par la Sécurité Sociale. Les contribuables français financent désormais l’avortement.
Le 27 janvier 1993, le délit d’entrave à l’avortement est créé par la loi Neiertz. Perturber l’accès à un centre d’avortement est passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende. Le 4 juillet 2001, le délai légal pour avorter est allongé de 10 à 12 semaines de grossesse. Les mineures obtiennent le droit d’avorter sans autorisation parentale.
En 2013, le législateur prévoit le remboursement à 100 % de l’avortement ainsi que de tous les actes médicaux qui l’accompagnent. Le 4 août 2014, la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes supprime la notion de détresse dans les conditions de recours à l’avortement. Le 26 janvier 2016, la loi de modernisation de notre système de santé portée par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, supprime le délai de réflexion d’une semaine. Le texte voté sur fond de campagne « Mon corps, mon choix, mon droit » justifie cette évolution par la nécessité de déculpabiliser les femmes. Peut-on y voir autre chose que l’aveu d’un acte qui est tout sauf anodin ?
Elle permet également aux sages-femmes de pratiquer des avortements médicamenteux et aux centres de santé de pratiquer des IVG instrumentales.
Le 20 mars 2017, la loi étend le délit d’entrave au numérique. Désormais, toute personne qui apporterait sur internet des éléments scientifiques objectifs sur la réalité d’un avortement pourrait être condamnée à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, au motif que ces informations pourraient apporter des informations de nature à dissuader une femme d’avorter. Si seulement il pouvait en être autrement, mais seulement la réalité est têtue. « La vérité existe. On n’invente que le mensonge », disait Georges Braque.
Nous voici désormais en avril 2020, durant la période du premier confinement : Olivier Véran, ministre de la Santé, saisit la Haute autorité de santé pour allonger le délai de l’IVG médicamenteuse de 7 à 9 semaines d’aménorrhée, et par ailleurs justifie pour « détresse psychosociale » l’allongement exceptionnel du délai de l’IVG chirurgicale de 12 à 14 semaines, répondant selon lui, aux nombreuses demandes des femmes empêchées d’avorter dans les délais légaux. L’occasion était idéale pour transformer cette nouvelle transgression, décrite comme un acte de boucher – démembrer et écraser la tête du fœtus ossifié –, en proposition de loi déposée par le député Albane Gaillot et soutenue par le chef de file de la majorité à l’Assemblée Nationale, Christophe Castaner, loi votée comme un seul homme il y a quelques semaines.

Au terme de la logique

Comment a-t-on pu en arriver là ? Dostoïevski disait que « la meilleure définition qu’on puisse donner de l’homme, c’est un être qui s’habitue à tout ». Y compris malheureusement au mal et au mensonge.
Ce qui commence mal finit toujours mal. Nous sommes au bout de la logique destructrice, dans laquelle il ne peut plus y avoir de limite. Hier l’avortement à 10 semaines, aujourd’hui à 14. Demain, on justifiera les infanticides dans les salles de naissance. Par compassion. Dans le silence glacial des blocs obstétricaux qui seront devenus de tristes sépulcres, où tout semble vivant.
En 2021 en France, l’avortement et les actes médicaux qui l’entourent sont mieux pris en charge que les frais et les examens liés à la grossesse. Par principe d’humanité. C’est la même logique qui prédomine depuis la Révolution. La terreur par principe d’humanité.
Devant cet abîme de désolation, une petite flamme vacille. C’est la génération des éveilleurs de conscience et d’espérance. « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse », disait Albert Camus au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Nous n’étions pas nés en 1975. Nous n’avons pas voté la loi Veil qui devait nous libérer de toute entrave et nous promettre l’enfant désiré – si et quand nous le voulions. Nous n’avons pas vu le bonheur, seulement le malheur des femmes seules, et des enfants tués dans le sein de leur mère. Nous ne voulons plus de l’embryon objet et de l’enfant projet. Le chemin sera long et difficile, et il doit commencer par un examen de con­science approfondi. Celui-là seul nous permettra de comprendre qu’aucune autre option n’est possible que celle de s’approprier les armes de la Vérité, fut-elle tranchante et sans concession. Des grands serviteurs de la vie, comme le vénérable Jérôme Lejeune, nous indiquent ce chemin : « Il n’y a point d’Homme avec un grand H. Il y a des hommes, des personnes, et chacun d’eux est respectable. Si chacun veut bien verser une larme sur la condition de l’Homme, si les grandes consciences s’enorgueillissent de grands élans en parlant des droits de l’Homme, bien peu se préoccupent de chaque homme, si ce n’est la loi élémentaire de la charité, un mot fort décrié ces temps-ci, et pourtant irremplaçable, car la charité s’étend à tous et à chacun, et surtout au premier venu, celui qui est juste à côté de nous, le “prochain” comme nous le disent nos catéchismes. »

Nicolas Sévillia*

*Secrétaire général de la Fondation Jérôme Lejeune.

La Marche Pour la Vie aura lieu le dimanche 16 janvier 2022 à Paris : rendez-vous à 13h30 Place de Catalogne. Informations sur le site : www.enmarchepourlavie.fr

© LA NEF n°343 Janvier 2022