Le Père Charles de Foucauld (1858-1916) a été canonisé à Rome le 15 mai 2022 : il est ainsi un exemple spirituel pour tout chrétien.
Charles de Foucauld se révèle être un maître expérimenté, lui qui a voulu donner sa vie entière à Jésus et dont toute la vie dans le Sahara peut se résumer à la prière et au témoignage de la charité.
Charles nous partage sa propre expérience spirituelle en nous avouant que son retour vers Dieu est essentiellement le fruit de l’action de Dieu en lui. Il écrit : « Une grâce intérieure extrêmement forte me poussait : je me suis mis à aller à l’église, sans croire, ne me trouvant bien que là et y passant de longues heures à répéter cette étrange prière : “Mon Dieu, si vous existez, faites que je Vous connaisse !” »
Ainsi, c’est par la présence de l’amour de Dieu qui a fait irruption en lui, que Charles sent grandir en son cœur le désir de connaître Celui qu’il ignore encore. Sa prière, qui appelle la connaissance, traduit la présence en lui de l’amour de Dieu. Alors qu’il demandait à l’abbé Huvelin des cours de religion, le prêtre le fit mettre à genoux et le fit se confesser, avant de l’envoyer communier sur-le-champ. Un des premiers fruits de la prière de Charles : « Faites que je vous connaisse ! », consiste en un bouleversement intérieur, une révolution de ses points de repère et de ses valeurs. Alors, sa prière devient expression de sa reconnaissance, car il contemple, débordant de gratitude, l’œuvre de Dieu en lui. Sa prière est contemplation de la beauté et de la bonté de Dieu, ce Dieu qui a la tendresse d’un Père.
Alors que Charles s’était jeté à corps perdu dans les plaisirs sensuels, le changement profond qui s’est produit en lui, a métamorphosé son approche de la réalité, des créatures, des personnes rencontrées sur son chemin : « Mon Dieu, faites-moi cette grâce de vous voir en tout bien, toute bonté, toute beauté, qui paraît dans les âmes, dans les créatures, et dès que j’aperçois une de ces petites gouttes d’être, de tomber en adoration, en admiration devant celui qui est tout être, qui seul est vraiment être, qui est toute beauté, toute bonté, toute perfection. »
Dans les termes mêmes de cette prière, il nous donne à comprendre que la vie en Dieu ne nous fait pas sortir du monde dans lequel nous vivons. Ainsi, la prière de Charles de Foucauld est tout entière nourrie, pétrie de l’amour, qui est le vrai visage de Dieu : « Oh ! mon Dieu, vous aviez la main sur moi et comme je la sentais peu ! Que vous êtes bon ! Que vous êtes bon ! Comme vous m’avez gardé ! »
Dans sa prière, qui est devenue un dialogue permanent avec Dieu, Charles de Foucauld revoit sa vie passée et se rend compte que dans la période où il était loin de Dieu, ne croyait plus en lui, Dieu a toujours été là, à ses côtés, et l’a protégé avant tout contre lui-même. Il nous enseigne par sa vie, que la prière authentique est l’expression limpide de notre amour pour Dieu, une conversation avec Dieu, une écoute de la parole de Dieu, un accueil de sa grâce, de son amour.
À n’en pas douter, la prière produit un effet sur celui qui prie, afin qu’il ne vive que pour Dieu dans l’accomplissement des tâches de sa vie quotidienne, dans sa vie professionnelle, dans sa vie de famille. En des termes forts, Charles de Foucauld nous partage cette révélation : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui ; ma vocation religieuse date de la même heure que ma foi : Dieu est si grand ! »
Dans le désert du Sahara, Charles de Foucauld n’est pas solitaire. Au contraire, il vit pleinement la communion des saints et ne cesse de mettre l’accent sur l’Église dont il se sait membre, en communion avec tous les baptisés. Il vit surtout et intensément la présence de Jésus dans l’Eucharistie.
Ainsi, Charles aime à rester longtemps en silence devant le Saint-Sacrement, car il se trouve alors tout près de Jésus présent dans l’Eucharistie. La prière devant le Saint-Sacrement, tellement prisée de nos jours, notamment par beaucoup de jeunes, est un signe parlant et un témoignage de foi. Ainsi, il nous enseigne que la prière d’adoration, la contemplation de l’Eucharistie, porte comme fruit l’union au Christ et notre assimilation à Jésus, notre frère aîné dans la grande famille de Dieu.
La prière est tellement devenue le « milieu de vie » de Charles de Foucauld, et Jésus est tellement et continuellement présent à son intelligence et à son cœur, qu’il n’y a plus de place pour les faciles illusions. Dans son ardent désir de sainteté, il a approfondi son dessein d’imiter Jésus en le suivant, en se faisant son disciple dans son abaissement, notamment durant les heures de sa Passion.
S’il vit en communion habituelle avec Jésus dont il est le disciple, Charles de Foucauld se sait aussi entouré par la grande famille des saints. Ainsi s’adresse-t-il à Dieu, à la veille de la Toussaint : « Toute la terre aura demain, et à ce soir les yeux fixés sur le ciel : elle regardera le trône où resplendit le Père du Fils de l’homme, de l’Agneau, de l’Époux, et autour de Lui, des millions d’anges, de saints et de saintes… elle se réjouira de cette gloire. […] Mais il faut que pour arriver où sont les saints, elle prenne le chemin qu’ils ont suivi. »
Charles de Foucauld nous enseigne aussi que les saints sont non seulement des exemples, des intercesseurs, mais encore des maîtres. Loin de vivre dans une relation hermétique avec Jésus, Charles de Foucauld est lui-même transformé par sa prière, au point d’ouvrir son cœur et de reconnaître en tout homme un frère à aimer, ce qui le conduit à se reconnaître comme « Frère universel ».
Tout récemment et en vue de la canonisation du bienheureux Charles de Foucauld, Pierre Sourisseau, auteur en 2016 d’une magnifique biographie de Charles de Foucauld, vient de publier Les lumières d’un phare. Charles de Foucauld, aux Éditions Salvator. En voici la conclusion : « “Il fait de la religion un amour”, avait écrit l’abbé Huvelin […]. Jusqu’au terme de sa vie, il sera dans la lumière de la “seule chose nécessaire : aimer Jésus !” Le message de ce “phare”, le suprême “conseil” qu’il laisse, ne serait-il pas de “faire de la religion un amour” ? »
Mgr Bernard Ardura
Mgr Bernard Ardura, président du Comité Pontifical des Sciences Historiques, a été postulateur de la cause de canonisation de Charles de Foucauld.
Signalons pour ceux qui souhaitent découvrir Charles de Foucauld l’excellente biographie de Pierre Sourisseau, Charles de Foucauld, 1858-1916, Salvator, 2016, 720 pages, 30 €.
© LA NEF n°348 Juin 2022