Le 102e Katholikentag qui s’est tenu le week-end de l’Ascension à Stuttgart avait choisi pour thème « partager la vie » (Das Leben teilen). Mais cet événement a surtout marqué, dans le contexte de crise aiguë que connaît l’Église en Allemagne, l’acte de décès d’un certain catholicisme outre-Rhin.
Alors que le Katholikentag est, en Allemagne, depuis la moitié du XIXe siècle, une véritable institution où se rassemblent, chaque année ou tous les deux ans, des dizaines de milliers de catholiques autour de forums de discussion, de cérémonies religieuses et de stands mettant en valeur la diversité et le dynamisme des associations de fidèles, celui qui s’est réuni à Stuttgart, organisé par le « Comité central des catholiques allemands » (qui co-parraine par ailleurs le Chemin synodal), est apparu comme une étape supplémentaire de la vaste opération de déconstruction du catholicisme à l’œuvre en Allemagne, et ce avec le soutien d’un certain nombre d’évêques.
Tout d’abord, déconstruction de la morale catholique. Autant le thème de la défense de la vie brillait par son absence (l’association dédiée à cette cause, traditionnellement présente, s’est vue refuser le droit d’installer un stand au prétexte qu’elle n’était pas « clairement chrétienne »…), autant les thématiques « LGBT » ont saturé l’espace, comme en témoignait la profusion des drapeaux, affiches et écharpes aux couleurs de l’arc-en-ciel. Ainsi, quelques mois après l’opération « #OutInChurch », qui a vu plus d’une centaine d’ecclésiastiques, agents pastoraux, responsables d’associations catholiques et étudiants en théologie révéler leur homosexualité, leur asexualité, leur transsexualité ou encore leur non-binéarité (sic), quelques mois après la bénédiction en fanfare d’unions de même sexe dans des dizaines de paroisses du pays, le 102e Katholikentag s’est inscrit résolument dans ce sillage. N’y a-t-on pas vu ainsi une table ronde intitulée « Perspectives non binaires sur la foi, Dieu et l’Église » ? Et entendu des conférenciers appeler à « briser la structure doctrinale inhumaine » constituant la morale du catéchisme catholique ?
Déconstruction du sacerdoce catholique, ensuite. La question de l’accès des femmes aux ministères ordonnés a également été au cœur du Katholikentag, brandie notamment par l’inénarrable sœur Philippa Rath, de la célèbre abbaye bénédictine fondée sur les bords du Rhin par sainte Hildegarde de Bingen. Déplorant que l’histoire de l’Église soit marquée par une « longue culpabilité envers les femmes », notre religieuse, gagnée très tardivement, selon ses propres termes, à la cause du féminisme, s’est ainsi déclarée persuadée qu’elle assisterait, un jour, à des ordinations sacerdotales féminines.
Déconstruction de la messe catholique, enfin. Lors de la cérémonie finale, Mgr Bätzing, président de la Conférence épiscopale allemande et ardent défenseur du Chemin synodal, n’a pas hésité à donner la communion à Thomas de Maizière, chef de l’Église évangélique allemande, sans que celui-ci ait, bien entendu, abandonné la doctrine luthérienne de la Cène. Quant à l’évêque du lieu, Mgr Fürst, il s’est prêté au même geste à l’égard de la présidente du Landtag de Bade-Württemberg, de confession musulmane.
Mais, à la vérité, plus qu’à une fête de la foi, c’est à un véritable service funèbre auquel les participants au Katholikentag ont été conviés. Service funèbre de cette « Volkskirche » qu’a longtemps été l’Église catholique en Allemagne, caractérisée par un taux de pratique élevé, des moyens financiers considérables, des multiples associations de fidèles, et qui était sortie vainqueur du Kulturkampf bismarckien, du totalitarisme nazi et même de la dictature communiste en RDA. Alors que les précédentes éditions avaient rassemblé jusqu’à 100 000 personnes, moins de 20 000 (dont 7000 organisateurs, conférenciers et animateurs de stands) se sont rendues cette année à Stuttgart. De même, en dehors de la présence obligée du président fédéral et du chancelier, seuls des responsables politiques de second rang – d’ailleurs essentiellement issus de la gauche – avaient fait le déplacement.
Un dernier mot. Ces « obsèques » ont été, en fait, des obsèques civiles et non religieuses, tant la quasi-absence de tout symbole chrétien a frappé. Retenons ce constat, dressé par le grand quotidien Die Welt : « Au Katholikentag, rien, ou presque rien n’avait à voir avec la foi catholique. Personne ne savait s’il se trouvait dans un atelier consacré à l’avenir du parti socialiste allemand, aux Diversity Days de Google ou à un camp d’été de la jeunesse écologique. »
Jean Bernard
Envoyé spécial à Stuttgart
© LA NEF n°349 Juillet-Août 2022