Ary Scheffer : Le Christ consolateur © Wikimedia

La consolation

Nous recherchons tous la consolation dans les épreuves de la vie. Mais qui est-elle ? Elle nous répond elle-même…

Je vous connais esseulés, malades, souffrants. Vous me cherchez dans vos moments de détresse, de lassitude ou d’abandon. Vous me désirez infiniment dans vos solitudes et vos écorchures. Vous brûlez de me rencontrer lorsque vous êtes abîmés. Abîmés par vos vies. Ces existences heurtées inévitablement par la perte, le deuil, et les épreuves. Vous appelez alors mes bras de réconfort. Nul d’entre vous ne se soustrait à ce besoin. Suis-je donc indispensable ? Incontestablement. Ne dites pas que vous ne me connaissez pas, vous ne m’avez simplement pas reconnue. Qui oserait pareil langage ? Une dame irremplaçable assurément.
Laissez-moi tenter un dévoilement. Un autoportrait, et vous me direz. Je vis dans l’instant et décèle aisément les soucis que vous portez. Je ne tiens pas à les résoudre, simplement à alléger leur poids. Telle une fée, j’apporte une présence et empêche ainsi l’isolement. Mais je partage pleinement votre humanité, je la vis charnellement. Je ne veux rien pour moi-même, je tends à la plus grande gratuité. Je sais sourire avec vous ou accueillir vos larmes. Je vous enveloppe de douceur et de délicatesse. Je ne suis là que si vous le souhaitez. Je ne me décourage nullement si vous me rejetez. Je reviendrai sur la pointe des pieds, plus tard. Pour vous entourer. Je sais vos malheurs immenses. Et je me sais faible, toute petite et peut-être inappropriée. Je ne recule pas cependant. L’un de mes atouts inestimables s’expérimente dans le silence : j’écoute. Je me tais. Je suis là. Simplement là. Et c’est tout. Ce n’est rien, n’est-ce pas ? Et si fort pourtant. Je vous allège. Par ce rien. Je vous apaise lorsque vous éprouvez le besoin d’évoquer les choses graves et je vous soulage à aborder des sujets anodins, d’une banalité rassurante.

La tendresse
Mon arme magique réside dans la tendresse ; un regard de compréhension, une main touchée, une pression sur un bras agissent tel un baume sur vos blessures. Je n’ai pas peur de vos souffrances. Celles que le monde fuit, celles qui effraient tant l’abominable s’est abattu. Et je vous prends contre moi, souvent. Non, je ne vous laisse pas tomber. J’anticipe et devine vos besoins tant et si bien que j’ouvre parfois en vous une brèche. Une brèche de lumière. La brèche de l’espérance, pas encore vaillante mais ouverte vers un possible. Mes mots simples, vrais, présagent que l’inéluctable n’existe pas ; votre guérison aura lieu. La souffrance se transformera. Vous ne serez pas infiniment celui ou celle en décalage, à côté. Votre place parmi les hommes demeure. Je vous la garde et vous la retrouverez totalement bientôt. Si vous l’acceptez. Rien ne se joue sans vous : la peine ne se détache de votre cœur que si vous choisissez de la voir s’éloigner. Cela nécessite souvent un temps, un temps d’accueil. En effet, consentir à ce qui est, à la réalité brute, fait partie de mon travail. Alors, petit à petit, votre âme se libère, retrouve une agilité et se meut.

Les messagers
En toute franchise, me connaître requiert une contribution : je passe par des messagers. Ces messagers font partie de votre entourage et il est requis de les laisser vous approcher. Si vous êtes en pleine confiance évidemment. À cette condition, si vous osez ouvrir vos cœurs et vous montrez vulnérables, vous saurez qui je suis. Vous devinerez alors que j’ai aidé à l’expression de vos besoins, à vous sortir de votre bulle. Certes, je n’agis pas seule. Des acolytes m’aident grandement. Ils se nomment beauté, bonté, nature. Je raffole de leur pouvoir sur vous : une lumière de fin de journée, une musique, un parfum, un sourire rendent vos fardeaux moins lourds. Nous nous servons de vos sens, eux qui vous ramènent à la réalité, dans ce qu’elle a de plus simple, de plus appréciable. Et vous possédez cette richesse, que j’ose appeler un privilège, vous qui souffrez : vous êtes sensibles, au malheur certes, mais aussi aux merveilles du quotidien. À ces « insignifiants » qui changent tout. Soyez fiers de cela.
Je vous garde vivant, car je vous garde en lien. Les uns avec les autres. Par une présence partagée. Je suis la consolation. Je suis celle que vous offrez pour réconforter, celle que vous éprouvez par le biais d’une présence apaisante. Je suis celle qui atténue la dureté des épreuves, celle qui adoucit vos maux. Plus encore, je suis une façon de voir la vie ; je suis celle qui empêche le désespoir. Je mène au Consolateur. Celui qui est la Présence même. Dieu. Dieu toujours avec vous.

Le consolateur divin
En quoi est-il consolateur ? Mon maître s’est fait homme. Il est entièrement Dieu et il est entièrement homme. Il sait non seulement tout, mais tout aussi de vous. Il connaît intimement chaque douleur, chacune il les a ressenties à Gethsémani. « Jésus souffre infiniment. Chez lui, tout est infini » (P. Descouvemont). C’est le premier vers qui crier : il vous comprend entièrement. Bien plus. Il vous a rejoint avant même votre cri. Il a souffert du mal qui est le vôtre. Lui, l’Innocent. Il l’a porté sur la Croix. Il est mort pour que vous en soyez vainqueur. Le Christ n’est pas venu supprimer vos épreuves ni les expliquer. Il leur confère une fécondité. Il s’est offert pour cela. Le cœur de Dieu représente ainsi le lieu ultime de consolation. Là où la consolation des hommes apaise, la consolation divine apporte la paix. Une paix amoureuse. La souffrance abîme le regard de façon générale. Sur les personnes, les circonstances, soi-même. La paix de Dieu restaure cette vision, permet d’accéder à la certitude d’être follement aimé. Il vous aime tant, d’un amour si incroyable qu’Il tient non seulement à vous consoler mais également à être consolé. D’égal à égal. Il réclame votre amour. Il inverse le paradigme : consoler Jésus donne sens à ses propres afflictions, aux adversités rencontrées. Partage unique. C’est n’être plus jamais seul. Il vous offre la possibilité de lui procurer de la joie. Au milieu des ténèbres les plus noires. Il est non seulement là. Toujours. Mais, plus encore, Il a soif de vous. « Étrange chose, n’est-ce pas, qu’une créature puisse consoler son Dieu ! Cependant, c’est ainsi », disait le Christ à Gabrielle Bossis. Apôtre de la consolation, Il l’invitait à ne jamais douter de son pardon et à croire à son regard d’amour permanent sur elle. Quoi de plus consolant ? Un amour à jamais, seule la confiance accède à cela. La peur s’éloigne ; le mal est vaincu. Voilà la victoire du Ressuscité dans vos états quotidiens. Au milieu des tribulations, jaillit alors votre propre Magnificat : « le Seigneur fit pour moi des merveilles, et mon cœur exulte de joie. » Et, par là même, vous devenez à votre tour puissance de vie, de consolation. Témoin de l’Amour de Dieu pour les hommes.

Laurence Geffroy
Psychologue clinicienne

Pour aller plus loin (livres qui ont inspiré cet article) :

  • Père Descouvemont, La joie de consoler Jésus, Salvator, 2021, 124 pages, 14 €.
  • Christophe André, Consolations. Celle que l’on reçoit et celle que l’on donne, Iconoclaste, 2022, 330 pages, 21,90 €.
  • Anne-Dauphine Julliand, Consolation, J’ai lu (Poche), 2022, 192 pages, 6,90 €

© LA NEF n°349 Juillet-Août 2022