Cinéma Septembre 2022

De l’autre côté du ciel (17 août 2022)

Le petit Lubicchi, enfant ramoneur, à la suite de son père, vit comme tous les terriens au milieu de grandes cheminées qui crachent continuellement d’épaisses fumées qui cachent le ciel. Mais son père lui assurait que, par-delà les nuages, il existe des étoiles. Lubicchi aimerait prouver à tous que son père disait vrai. À la fête d’Halloween, il rencontre Poupelle, une créature bizarre, faite entièrement de déchets. Il part avec lui à la recherche du ciel.
Le dessin animé japonais a-t-il trouvé un successeur au grand Miyazaki ? On peut le croire quand on découvre ce premier film de Yusuke Hirota, étourdissant de la première à la dernière image. Ce n’est pas le scénario qui fait son originalité, car il est adapté d’un récent livre d’enfants, mais sa réalisation extraordinaire. D’emblée on est plongé dans cet incroyable décor d’immenses cheminées dont la fumée bouche chaque parcelle du ciel.
La vérité d’un film n’appartient pas forcément tout entière à ses auteurs. Il est vraisemblable qu’ici Hirato n’ait pas eu d’intention religieuse. Pourtant il est facile à un spectateur chrétien de penser que le sens de ce ciel masqué n’est autre que le monde surnaturel, le royaume des cieux, offusqué par nos propres obscurités et qu’une parole peut dissiper.

Sans filtre (28 septembre 2022)

La Palme d’Or a été attribuée à Sans filtre du Suédois Ruben Östlund, qui l’avait déjà reçue pour The Square en 2017. Le titre français est moins fin que l’original Triangle of sadness (zone du front où le botox peut éliminer toute expressivité) mais plus explicite car il suggère une franchise crue qui est bien dans le propos du film. Ce triangle, les deux personnages du début, Carl et Yaya, le connaissent bien puisqu’ils sont mannequins. Ils se disputent à propos de notes de restaurant, difficiles à attribuer entre un homme et une femme quand celle-ci a le plus gros salaire. Ce premier chapitre du film, qui en compte trois, est le meilleur, par l’acuité de la psychologie. Il ouvre bien le jeu de massacre qu’est le film, où les nouveaux riches et les stars du pipolisme valdinguent. Les deux tourtereaux sont invités à une croisière à bord d’un yacht pour milliardaires. Là, l’humour du réalisateur montre ses limites, s’attardant par exemple à des dégobillages parmi tous les passagers. Mais il y a aussi un festival de comédiens de la plus réjouissante inventivité.
Certains voudraient que le film soit une satire du capitalisme post-moderne, à travers ses plus dérisoires héros, mais le film ne semble pas vouloir porter si loin. Sa critique des nouveaux riches n’est pas aussi pertinente que celle de The Square contre l’art contemporain. On n’y rit donc pas tout à fait autant.

François Maximin

DVD à signaler

LE DERNIER PIANO, film libanais de Jimmy Keyrouz, DVD Blaq Out, 2022, 1h50, 20 €.
Quelque part en Syrie ou en Irak, un village subit la tyrannie de l’État islamique (EI) qui occupe la région. Karim est un jeune pianiste prometteur, privé d’avenir, l’EI ayant interdit la musique, signe de décadence occidentale, et ayant détruit son piano. Le réparer pour le vendre lui permettrait de payer son exfiltration vers Vienne. Mais peut-il abandonner ses proches, doit-il rejoindre la résistance armée ? Magnifique film, prenant, bouleversant et admirablement joué, tout sonne vrai. On perçoit l’horreur de subir le joug de ces islamistes qui imposent à tous « une vie de chien », comme le dit Karim. Tourné en partie dans Mossoul détruite, ce film offre des images saisissantes et donne la mesure des souffrances de ces peuples martyrs de l’islamisme le plus barbare. À voir absolument.

Patrick Kervinec

© LA NEF n°350 Septembre 2022