Le Linceul de Turin face à la science

De nombreuses études scientifiques ont été menées sur le Linceul de Turin. Petit panorama de ce que peut dire la science et de ce qu’elle ne peut pas expliquer.

Le Linceul conservé à Turin reste toujours « provocation à l’intelligence », comme le disait déjà saint Jean-Paul II en 1998. Il interroge les scientifiques du monde entier, dans tous les domaines.

Ce que disent les images imprégnées dans le tissu
– Sur l’objet lui-même, qu’on appelle le « positif », on devine (assez difficilement) l’image d’un homme, de face et de dos, entièrement nu (contrairement à toutes les autres représentations du Christ) ; cette image est inversée de droite à gauche (la plaie du cœur est à gauche).
– Sur le « négatif », on voit parfaitement tous les supplices subis par l’homme du Linceul, conformes à tout ce que disent les Évangiles, et même plus détaillés ; le négatif restitue les positions normales (plaie du cœur à droite).
– L’image dite « sanguine » (celle des caillots de sang) vient de sang humain (hémoglobine, albumine, porphyrine) ; elle est « normale », ou « positive » : les taches de sang sont foncées et traversent le tissu ; certaines taches, rouge vif encore aujourd’hui, attestent d’un très violent traumatisme (émission de bilirubine) ; la netteté des caillots (n’ayant pas atteint le stade de la putréfaction) atteste d’un séjour du supplicié de courte durée dans le Linceul.
– L’image dite « corporelle » (celle des chevrons colorés) ne traverse pas le tissu et n’est présente que sur quelques dizaines de microns ; elle ne comporte aucun contour, aucune trace de pinceau ni aucune trace de pigments ; ce n’est pas une peinture, mais le résultat d’une oxydation acide déshydratante des fibres de lin (cf. travaux du STURP en 1978) ; les fibres ont toutes la même couleur (jaune paille) ; l’image est thermiquement stable (non altérée par l’incendie de 1532), et ne peut pas être effacée ; elle s’apparente à un négatif photographique : en effet, les zones normalement éclairées (nez…) sont foncées, et les zones en retrait (orbites, creux des cheveux…) sont claires.
– Ces deux images sont parfaitement superposées, mais l’image corporelle a été réalisée après l’image sanguine, car elle n’existe pas sous les taches de sang.
– En chaque point de l’image corporelle, l’intensité est inversement proportionnelle à la distance corps-tissu : l’enregistrement de cette intensité relative a permis à un ingénieur français, en 1974, de reproduire le relief réel du visage (photo ci-contre) ; en 1976, la Nasa a confirmé, pour le corps entier, cette propriété tridimensionnelle qu’aucune autre image au monde ne possède.

Ce que disent les dépôts et les traces sur le tissu
– Il comporte des traces d’un coton caractéristique du Moyen-Orient, resté lors du tissage ; mais il n’y a aucune trace de laine (ce qui est conforme aux règles bibliques, cf. Dt 22, 11).
– Sous les pieds et sur le nez du supplicié, il y a des traces d’une aragonite (calcite) existant à Jérusalem ; elles attestent de probables chutes de l’homme du Linceul.
– Sur ses yeux sont restées marquées des traces de pièces de monnaie, comme on en mettait pour fermer les paupières des morts.
– Des traces de myrrhe et d’aloès ont été mises en évidence ; de tels produits sont mentionnés dans les Évangiles lors de l’ensevelissement du Christ (cf. Jn, 19, 39).
– Autour du visage, des « fantômes » d’écritures (invisibles à l’œil nu) indiquent que l’homme est un Nazaréen, nommé Jésus, con­damné à mort.
– Contrairement à ce qui est souvent avancé, les taches d’eau ne correspondent pas du tout au pliage du tissu lors de l’incendie de 1532, mais à un pliage beaucoup plus ancien, en accordéon, compatible avec un stockage dans un récipient cylindrique, comme les urnes de terre cuite qu’on trouvait en Palestine.
– De nombreux pollens ont été observés à partir de 1972, notamment par le Dr Max Frei. Certains viennent naturellement d’Europe ; mais d’autres viennent de Turquie (Constantinople et région désertique proche d’Edesse), d’autres de Palestine et des bords de la mer Morte, certains provenant de plantes qui ne poussent qu’au printemps ; parmi elles trois types de plantes qui ne poussent ensemble qu’entre Hébron et Jérusalem.

Ce que dit le tissu lui-même
– C’est un sergé de lin, très coûteux, tissé en chevrons ; il mesure 4,41 m x 1,13 m (depuis la restauration de 2002).
– Plusieurs éléments attestent de la très grande ancienneté du tissu lui-même : type de tissage, présence de coton, blanchiment après tissage, couture longitudinale supérieure (7 cm) qui n’existe sur aucun tissu ancien fabriqué en Europe, mais qui existe sur les restes de tissus trouvés à Massada (forteresse juive prise par les Romains en l’an 73). La présence du Linceul à Constantinople est attestée par les quatre séries de quatre trous très particuliers reportés très minutieusement sur un manuscrit datant de 1195.
– D’autres éléments permettent également de dater « indirectement » le Linceul : le flagrum romain utilisé pour la flagellation était inconnu en France au Moyen Âge ; les pièces de monnaie sur les yeux (leptons courants) ont été fabriquées entre 29 et 32 en Palestine ; et la forme des lettres autour du visage est compatible avec l’écriture du Ie-IIe siècles en Palestine.
– Trois datations « directes » ont eu lieu :
1/ Le test au C 14 de 1988 a indiqué une coupure du lin entre 1260 et 1390, avec un niveau de signification de 5 % seulement (ne pas confondre avec le niveau de confiance) : il y avait donc déjà officiellement 95 % de chances pour que les trois échantillons confiés aux trois laboratoires, pourtant prélevés dans la même petite zone (7 cm x 1 cm), ne soient pas homogènes (cf. revue Nature de février 1989). Ce test a été vivement contesté, bien sûr en raison de son résultat contraire à toutes les autres études, mais également par de nombreux statisticiens. La dernière analyse statistique, faite en 2018 avec les « données brutes » (qui n’avaient encore jamais été communiquées) a montré (cf. revue Archéomtry de 2019) qu’il y a en fait un écart de 255 ans entre deux laboratoires (104 ans seulement indiqués en 1998), et qu’il n’y a que 1 % de chances pour que les trois échantillons soient homogènes.
2/ Un test par spectrométries Infrarouge et Raman a eu lieu en 2013 (Pr. Fanti), indiquant une probable fabrication du tissu au tournant de l’ère chrétienne (à -/+ 250 ans).
3/ Un nouveau test par rayons X a eu lieu en avril 2022, indiquant que le tissu a environ 2000 ans, comme les tissus trouvés à Massada.

Le mystère de l’image
– Malgré de nombreuses tentatives, personne n’a jamais pu reproduire l’image de l’homme du Linceul avec la totalité de ses caractéristiques sanguines et corporelles. Aucun peintre du Moyen Âge n’aurait d’ailleurs pu représenter le Christ de cette manière (nudité, bras repliés, pas de croix ni de couronne d’épines …). En plus des nombreuses traces peu ou pas visibles à l’œil nu, nous ne pouvons évoquer ici que quelques-unes des nombreuses autres particularités qu’un faussaire aurait dû reproduire, en créant et en superposant exactement (com­ment ?) deux images inversées par rapport à un corps normal :
1/ distinction, sur l’image sanguine (positive), entre le sang veineux et le sang artériel, et entre le sang séché qui a coulé avant la mort et le sang liquide qui a coulé après la mort ; traces de sérum autour des plaies ; clous dans les poignets et non dans les paumes ; quatre doigts seulement à chaque main… ;
2/ absence d’image corporelle à certains endroits (côtés, dessus de la tête, fessier) ; mais présence de cette image sur quelques microns dans les autres zones, avec une intensité inversement proportionnelle à la distance corps-tissu permettant de découvrir au XXe siècle seulement qu’elle est tridimensionnelle… ;
3/ anatomie du corps du supplicié : torse gonflé, rigidité cadavérique, écoulements angulaires du sang différents pour chaque bras…
– Une certitude, cependant, en plus de l’image sanguine (qui s’est naturellement formée lors de la mise au tombeau) : l’image corporelle a été formée par une émanation venant directement du corps lui-même ; elle ne comporte en effet aucune ombre portée qui aurait résulté d’un « flash » extérieur. Il n’y a donc que deux hypothèses possibles :
1/ adsorption naturelle de solides, de liquides, et de vapeurs chimiques (ammoniacales) ; mais cette hypothèse, dite de la « vaporographie », qui concerne une image obtenue en grande partie par contact (capillarité du lin) mais aussi par diffusion gazeuse pour les zones hors contact corps-tissu, suppose que l’image traverse le tissu, ce qui n’est pas le cas ; elle continue à être étudiée ;
2/ projection non naturelle d’un rayonnement de particules : parmi les hypothèses avancées, celle de Jean-Baptiste Rinaudo suppose la rupture de noyaux de deutérium présents dans le corps : les protons émis auraient entraîné une oxydation acide déshydratante des fibres de lin, avec une coloration proportionnelle à la distance corps-tissu. Selon cette hypothèse, qui répond à l’aspect négatif de l’image et à sa tridimensionnalité, les neutrons émis au même instant auraient pu entraîner par ailleurs un enrichissement du tissu en C14, ce qui pourrait expliquer en grande partie l’écart de datation constaté en 1988.

Pierre de Riedmatten

Pierre de Riedmatten, ingénieur retraité, est président honoraire de Montre-Nous Ton Visage (MNTV).

© LA NEF n°350 Septembre 2022, mis en ligne le 19 octobre 2022