She said (23 novembre 2022)
Quand Megan Twohey et Jodi Kantor, deux journalistes du New York Times, ont publié le livre tiré de leur enquête, elles l’ont titré sobrement She said (elle a dit). Cette « elle » qui a parlé, c’est chacune des nombreuses femmes que les deux enquêtrices ont convaincues de témoigner, sur les agressions sexuelles qu’elles ont subies à Hollywood. Le résultat, c’est la chute emblématique du magnat du cinéma indépendant, Harvey Weinstein. C’est aussi l’origine du mouvement #MeToo, où s’est libérée la parole des femmes victimes d’abus sexuels.
Pour les deux enquêtrices tout commence, dans le film, par des alertes anonymes de victimes. Elles les convainquent qu’il y a un réel sujet à explorer, rendu urgent par l’empathie qu’elles ressentent. Commence l’enquête, ample et méticuleuse. On retrouve le ton des grands films de journalisme, notamment le modèle ancien du genre, Les Hommes du Président d’Alan Pakula. Zoe Kazan et Carey Mulligan incarnent les journalistes avec détermination et une discrète émotion : elles sont elles-mêmes des jeunes mères, attentives à l’exemple donné aux enfants. La fin du film montre Harvey Weinstein – ou du moins sa nuque ! – sortir de la forteresse où il s’abritait de ses victimes, faite d’intimidation grossière et d’indemnisations. Les panneaux de conclusion montrent en quelques chiffres la diffusion du mouvement #MeToo, des quelques signataires du début à des centaines de milliers dans de nombreux pays. Quand le quatrième pouvoir a du pouvoir…
Vivre (28 décembre 2022)
Londres 1953. Gagnant tous les jours en train la capitale depuis sa modeste banlieue, Williams est un petit fonctionnaire, âgé mais respecté de ses pairs, à qui il en impose. Il eût été un aristocrate très convenable. Au lieu de cela il mène une vie morne et sans intérêt. Tout change quand on lui découvre une maladie grave qui l’oblige à faire le point. Une jeune employée sera son Pygmalion pour recommencer à vivre. Comme l’affiche honnêtement le réalisateur de cette comédie « so british », Oliver Hermanus, elle est l’adaptation du film éponyme d’Akira Kurosawa (1952). L’agent de cette métamorphose est le romancier « japonais-britannique » Kazuo Ishiguro. Réalisé avec une alacrité rehaussée de distinction, le film est une fable humaniste touchante montrant comment un homme ordinaire peut découvrir tardivement le sens de la vie.
Les décors de cette échappée sont tout le charme gourmé des rues londoniennes et de leurs intérieurs capiteux, mais ils ne comptent que comme l’écrin des deux acteurs. C’est d’abord la jeune Aimee Lou Wood, délicieuse comme un fruit sauvage, dont le visage est à lui seul une invitation à la vie. C’est surtout Bill Nighy, acteur d’exception qui porte son âge comme une victoire.
François Maximin
© LA NEF n°353 Décembre 2022