Nous nous limiterons à la synodalité dans l’Église d’Angleterre qui est une des quarante Églises autonomes qui composent la Communion Anglicane.
Au IXe siècle existent les Convocations qui sont des synodes rassemblant les évêques du sud du pays à Cantorbéry et ceux du nord à York. Elles furent supprimées au XVIIIe siècle. Au siècle suivant, des évêques encouragent la tenue d’assemblées au niveau du doyenné et du diocèse. En 1919 fut instituée une Assemblée de l’Église, dotée du pouvoir de préparer et soumettre au parlement ce qui concernait la gouvernance de l’Église. Elle fut bientôt transformée en 1970 en Synode Général de l’Église d’Angleterre. Ces lois sont appelées « measures » et, si elles sont approuvées par le parlement, elles deviennent lois du pays.
Deux niveaux inférieurs ont été conservés. Il existe un synode de doyenné qui couvre un petit territoire avec des représentants élus dans chaque paroisse. Chaque diocèse a également son synode diocésain qui participe au gouvernement de chacun des 42 diocèses.
Le Synode Général comporte trois Chambres qui comptent en tout 483 membres. La Chambre des Évêques compte les 42 évêques diocésains ainsi que 9 évêques suffragants, élus parmi les nombreux évêques suffragants. Cette Chambre peut se réunir indépendamment du synode pour traiter d’affaires concernant l’Église. La Chambre du Clergé comprend environ 200 membres. Pour la plupart, ce sont des prêtres diocésains élus dans chaque diocèse, avec des doyens de cathédrale, des chapelains de l’armée ou de prisons, et quelques moines et religieuses. La Chambre des Laïcs comprend aussi quelque 200 membres élus dans les diocèses, avec quelques membres ex officio.
Le Synode Général se réunit deux fois par an, en février (à Westminster, à Londres) et en juillet (à York), exceptionnellement une troisième fois en cas de travail supplémentaire. Les élections se tiennent tous les cinq ans, et chaque fidèle inscrit dans une paroisse peut élire les représentants de la Chambre des Laïcs et du Clergé.
Le Synode Général est principalement un corps s’occupant de la législation. Il propose, étudie, débat et approuve la législation qui touche à tout ce qui concerne l’Église, depuis la doctrine, la liturgie, les règles concernant le clergé… Il doit également approuver le budget annuel de l’Église d’Angleterre. Il approuve des « résolutions » qui n’ont pas force de loi, mais expriment la pensée et la volonté de l’Église d’Angleterre, par exemple sur les questions écologiques, de politique internationale…
Comment la synodalité fonctionne-t-elle en ce qui concerne les « measures » ? Un groupe composé de plusieurs membres étudie une question et publie un rapport qui encourage à agir dans un sens, et à effectuer un changement de législation ou à préciser un point encore flou. Le rapport va être débattu par tout le Synode Général qui va accepter ou rejeter la motion. Si elle est acceptée, un comité va rédiger un projet de loi qui sera débattu aux différents niveaux (doyenné, diocèse) et enfin par le Synode Général qui va également proposer des amendements. Il va y avoir un travail de rédaction et d’intégration ou non des amendements. Une fois la période des amendements écoulée, le Synode va débattre sur un texte définitif qui n’est plus modifiable. Pour les mesures les plus importantes, qui traitent de doctrine, il faut que le texte recueille l’approbation des deux tiers dans les trois chambres pour être adopté.
Une fois la mesure adoptée par le Synode, un comité spécial de députés et de lords l’examine et la présente aux deux chambres (celle des Communes et des Lords), et si elle est adoptée elle est présentée au souverain pour le Royal Assent.
Cette présentation montre la capacité et les instruments de débats qui existent, mais aussi un processus synodal très influencé par le parlementarisme. On peut prendre l’exemple de la « measure » qui a permis l’accès des femmes au sacerdoce. Entre les deux sessions du Synode Général, on assista à des pressions très fortes exercées sur des membres du synode s’opposant (1) à la mesure, et le résultat ne fut en faveur de la motion qu’à une très courte majorité : si deux membres de la Chambre des Laïcs ou cinq évêques avaient voté différemment, la motion aurait été repoussée.
fr. Patrice Mahieu*
(1) Il y avait eu un vote (public) en juillet 1992 à la Convocation de York où la chambre des laïcs – où siégeaient 50 % de femmes – n’avait pas obtenu les 2/3 des voix. « Dans les mois qui ont suivi, on exerça une grande pression sur les membres du synode, spécialement ceux qui avaient voté contre en juillet », Colin Podmore, Aspects of Anglican Identity,London, Church House Publishing, 2005, « Chapter 8. Synodical government in the Church of England, illustrated by the case of the ordination of women to the priesthood », p. 129.
*Moine de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Auteur de : Paul VI et les Orthodoxes, Éditions du Cerf, 2012 ; Se préparer au don de l’unité. La commission internationale catholique-orthodoxe 1975-2000, Éditions du Cerf, Collection Patrimoines, 2016 ; En quête d’unité. Dialogue d’amitié entre un catholique et un orthodoxe, avec le P. Alexandre Galaka, Éditions Salvator, 2021.
© LA NEF le 1er décembre 2022, exclusivité internet (article qui complète le dossier de La Nef du n°353 de décembre 2022 sur le thème « Les synodes hier et aujourd’hui »)