Saint Thomas d’Aquin a été canonisé il y a 700 ans, le 18 juillet 1323. Dans les musées du Vatican il est particulièrement présent dans l’une des pièces, en lien avec l’œuvre d’un souverain pontife.
Léon XIII (pape de 1878 à 1903) est à l’origine de la rénovation de la Galerie des Candélabres (1883-1887) faisant partie du palais apostolique. Annibale Angelini devait réaménager les lieux. Domenico Torti et Ludwig Seitz ont été chargés des peintures comme « Le triomphe de la Vérité sur le Mensonge ». Les plafonds et lunettes présentent des éléments liés à l’enseignement du pape commanditaire avec notamment la présence de Saint Thomas d’Aquin et de son œuvre.
Figurent notamment le blason de Léon XIII, ainsi que le rosaire avec, en arrière-plan, la bataille de Lépante.
La mention de saint Benoît-Joseph Labre (1748-1783) pèlerin mendiant décédé et reposant à Rome, canonisé en 1881 par Léon XIII fait écho à une autre représentation plus loin où le saint figure en arrière-plan devant le Colisée, avec Sainte Claire de Montefalco (1268-1308). Saint Laurent de Brindisi (1559-1619) prêchant et saint Jean-Baptiste de Rossi (1698-1764) aidant un pauvre sont en proximité de la basilique saint Pierre.
Ces peintures marquent, comme l’indique un médaillon, leurs canonisations le 8 décembre 1881, les premières pour ce souverain pontife.
La devise des templiers figure sur un autre côté, premier verset du Psaume 115 « Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo da gloria » fait référence à la situation diplomatique : « anno saeculari III a parte in Turcas ad vindobonam victoria parenti sanctissimo polonia obsequens ». Une autre peinture au plafond, remplie d’allégories, mentionne « l’histoire lumière de la vérité ».
Une autre peinture de Ludwig Seitz présente la fête de Notre-Dame du Rosaire, célébrée le 7 octobre : elle a été instituée en 1573 par Pie V. S’il figure dans le pontificat de Léon XIII, c’est qu’en 1883 ce pape a institué le mois d’octobre comme consacré à la Sainte Reine du Rosaire (encyclique Supremi Apostolatus Officio [https://www.vatican.va/content/leo-xiii/fr/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_01091883_supremi-apostolatus-officio.html].
Le Docteur angélique s’élève au-dessus d’Aristote auprès de la Madone « trône de la Trinité » couronnée d’une tiare comme symbolisant l’Eglise, avec le Saint-Esprit rappelant la Doctrine Sacrée au cœur de l’œuvre de Saint Thomas d’Aquin, et le crucifix déclarant « Tu as bien écrit sur moi Thomas ». L’inscription sur le livre rappelle l’extrait de la Somme sur le mystère de l’incarnation. La Prima Pars de la Somme théologique, avec la question sur la Création, est rappelée par la mention « Au début Dieu a créé le Ciel et la Terre » sur le début de la Genèse. Les anges présentent le Saint-Sacrement près de l’auteur du « Pange Lingua ». Il surplombe ainsi Aristote et sa philosophie en se tenant près de la croix : l’aristotélisme et la pensée chrétienne se trouvaient ainsi réunis dans ses travaux. Dans l’Encyclique Aeterni Patris [https://www.vatican.va/content/leo-xiii/fr/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_04081879_aeterni-patris.html] du 4 août 1879, Léon XIII rappelait que l’Aquinate correspondait à la doctrine de l’Eglise, avant de le nommer l’année suivante patron des Universités. Les deux anges rappellent aussi les extases du docteur de l’Eglise dans la bibliothèque à la fin de sa vie. Lorsqu’une question sur le Saint Sacrement lui avait été posée, il s’était mis en prière devant le Crucifix en présentant son livre, les bras en croix. A Naples à la fin de sa vie il prie de nouveau pour méditer la Passion du Christ. Il entre en lévitation et le sacristain entend le crucifix lui dire : « Tu as bien parlé de Moi Thomas. Quelle sera ta récompense ? », ce à quoi il répond « Rien d’autre que Toi, Seigneur ».
La Somme théologique est bien présente parmi les œuvres tenues dans les mains d’un ange, tandis que d’autres élèvent la Somme contre les Gentils, et le Commentaire des Saints Ecritures. Devant des ruines antiques, d’un côté, Averroès, Avicenne et Maïmonide qui avaient commenté Aristote ainsi que d’autres philosophes sont représentés comme tombant à la renverse devant cette œuvre. De l’autre seraient représentés les païens et les hérétiques.
Dans Aeterni Patris sur la philosophie chrétienne, Léon XIII avait recommandé la philosophie de saint Thomas d’Aquin dans la formation des séminaristes, suscitant ainsi un renouveau. Le néo-thomisme se développe alors, avec notamment le futur cardinal Mercier et l’Université catholique de Louvain. Autant d’inscriptions marquantes dans l’enseignement d’un pape, sa mise en application et dans les œuvres d’art présentes dans son palais.
Marie-Thérèse Duffau
Docteur en histoire, Université de Toulouse 2, chargée de recherche CNRS, FRAMESPA (France, Amériques, Espagne – Sociétés, pouvoirs, acteurs), UMR 5136. EFR.
© LA NEF, mis en ligne le 10 février 2023, exclusivité internet.