Je m’abandonne à toi
22 mars
Le jeune « Padre » Paul est l’aumônier des légionnaires, qui se dévoue à la tâche et aux hommes avec une scrupuleuse attention. Prêtant son oreille et son cœur à toutes les demandes, il n’en a pas moins conscience de ses limites, qu’il s’efforce de ne pas faire peser sur autrui. Il est sur le même pied que les hommes car en tant qu’aumônier, sans grade, il a le grade de son interlocuteur, soldat avec un soldat, officier avec un officier. Le film va constamment des servitudes de la vie militaires aux grandeurs de la foi chrétienne. Ne craignant pas pour sa vie, le Padre affronte l’image d’une mort plus douloureuse, celle, probable, de sa mère.
L‘admirable pertinacité de Cheyenne-Marie Carron à reprendre sans cesse la caméra pour de nouveaux films, en dépit des difficultés sans nombre qu’elle doit affronter comme unique scénariste, réalisatrice et productrice, lui permet d’atteindre, comme aujourd’hui avec ce portrait d’un Padre de la Légion, des hauteurs remarquables. Le film se compose surtout de dialogues du Padre avec des personnes elles aussi en profonde réflexion, comme un ancien prêtre légionnaire, un moine dans son cloître, un prêtre orthodoxe, ou la garde-malade de sa mère. Avec ce qui semble une vocation pour la compassion, Padre Paul sort bousculé des conversations, où il ne peut pas toujours cacher ses larmes. À la fin il a la joie de baptiser un enfant de légionnaire mais aussitôt il se love au pied d’une statue de la Vierge, en disant la célèbre prière de saint Charles de Foucauld, qui donne son titre au film. Lequel cesse alors d’être énigmatique pour devenir lumineux.
The Fabelmans
22 février
Dans les années 50, les parents, juifs, de Samy Fabelmans – double de Steven Spielberg – l’emmènent voir son premier film au cinéma. Devant Le plus grand chapiteau du monde, de Cecil B. DeMille, Samy est profondément marqué par la scène du déraillement du train. Tellement choqué qu’il ne trouve pour s’en délivrer que de filmer le déraillement de son train électrique reçu à Hanouka. Le cinéma est maintenant sa passion. Si sa mère, d’un naturel artiste, le soutient, son père, ingénieur, n’y voit qu’un hobby dérisoire. Mais il persiste et, malgré l’antisémitisme de certains, se taille un beau succès au lycée en filmant ses camarades de promotion. Il regarde maintenant vers Hollywood, où règne John Ford.
Steven Spielberg, célèbre surtout pour ses productions énormes, change la voilure ici en offrant un film intime sur ses souvenirs. Ses personnages ont l’air véritables parce qu’ils l’ont touché. C’est un beau film, où la reconstitution d’époque, sans tape à l’œil, offre un écrin discrètement merveilleux à des acteurs choisis. La fin laisse entendre l’arrivée d’une suite et ce « good-bye » à la place de « the end » a le charme de la règle d’or du spectacle, dont Spielberg est un maître : « the show must go on ».
François Maximin
© LA NEF n° 356 Mars 2023