Chartres : bilan d’un pèlerinage

Le 41e pèlerinage de Chartres aura lieu du 27 au 29 mai prochains sur le thème « L’Eucharistie, salut des âmes ». À cette occasion, nous avons rencontré une figure historique de ce pèlerinage : Max Champoiseau, qui en est à l’origine et qui en a été le directeur de 1984 jusqu’en 1989, tout en demeurant ensuite actif dans l’organisation et en étant membre fondateur de Notre-Dame de Chrétienté qui a repris en 1993 la suite du Centre Charlier pour l’organiser.

La Nef – Pourriez-vous nous dire comment est né le pèlerinage de Chartres ?
Max Champoiseau – Fin 1981, je lisais L’Aurore et je fus surpris par un article sur l’Église qui précisait qu’en dix ans, il y avait eu une disparition très importante de la pratique religieuse. Devant ce constat, j’eus la conviction profonde qu’il fallait remettre les catholiques de France sur la route de Chartres. Lors du baptême de notre seconde fille dont Bernard Antony était le parrain, je lui parlai pour la première fois de mon désir de pèlerinage.
Début 1982, à la fin d’une réunion des militants du Centre Charlier à Paris, j’invitais Rémi Fontaine à dîner et profitais de cette occasion pour lui parler de ce que j’avais en tête. En juillet 1982, à l’Université d’été du Centre Charlier dont Bernard Antony était le Président fondateur, Rémi et moi-même avons relancé l’idée du pèlerinage et, après beaucoup de discussions et de conseils prudents de Bernard, la décision fut prise d’organiser le Pèlerinage de Chartres pour la Pentecôte 1983.
À la suite du premier pèlerinage, lors de la réunion de débriefing, Rémi Fontaine posa la question : « Qui doit prendre la direction du pèlerinage ? » ; et Bernard a répondu : « C’est Max ».

Quels ont été les principaux obstacles à l’organisation puis au maintien de ce pèlerinage ?
Après 1983, il nous a fallu repenser toute l’organisation : faire de la publicité ; refaire tout l’itinéraire alors qu’il y a cinq départements à traverser ; reprendre contact avec les préfectures, les mairies, les gendarmeries et les prêtres des paroisses où les bivouacs étaient installés ; améliorer le service de santé ; gérer l’intendance des repas, les tentes collectives, les sanitaires et les lavabos, le transport des sacs, le transport des pèlerins fatigués, l’eau minérale pour trois jours (40 tonnes), l’éclairage des bivouacs et les poubelles, etc. Réorganiser aussi la marche des pèlerins en chapitres, former des chefs de chapitres et des adjoints.
Nous avons aussi eu à affronter les obstacles que les pouvoirs civils et autorités religieuses ont placés sur notre chemin. Pourtant, nous avions l’audace de mettre sur la route, sur 104 kilomètres, des milliers de personnes et des familles entières car, pour nous, il s’agissait d’un pèlerinage de familles.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans les étapes qui ont marqué la vie du pèlerinage de Chartres ?
Après chaque pèlerinage, les militants du Centre Charlier et le secrétariat retravaillaient à l’organisation de la Pentecôte suivante, en tenant compte de l’augmentation importante des participants. Ce qui pour nous était essentiel, c’était de savoir que toutes les équipes (plus de 16 équipes, soit plus de 250 personnes) avaient leur responsable et un adjoint. C’était à eux de trouver des volontaires pour former leurs équipes. Concernant l’itinéraire, il a fallu tous les ans confirmer ou modifier la route qui avait été choisie l’année précédente (chemins impraticables ou voies interdites par la gendarmerie), ce qui impliquait de très nombreux week-ends passés sur le terrain pour établir un roadbook.

Quels ont été vos rapports avec les évêques et les autorités publiques ?
À Paris, nous n’avions pas de contact avec l’archevêque car nous n’y disions pas la messe et Notre-Dame de Paris nous fut toujours ouverte. Le seul évêque avec lequel nous avions des contacts était Mgr Kuehn, qui nous demandait à chaque appel si nous acceptions de célébrer la messe d’arrivée dans la nouvelle liturgie. Comme notre réponse était négative, la cathédrale nous était fermée, la messe était célébrée à l’extérieur. Sauf en 1985, non pas en raison de l’indult de 1984 que nous refusions, mais parce que j’avais lassé Mgr Kuehn excédé par mes inlassables et courtoises relances. Enfin, la cathédrale de Chartres nous fut définitivement ouverte en 1989, après notre refus des sacres et le motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988.

Comment voyez-vous le pèlerinage aujourd’hui ? Quel bilan tirez-vous de toutes ces années ?
Concernant les fruits spirituels obtenus, nous avons en mémoire ce que les prêtres nous ont transmis : nombreuses conversions, vocations sacerdotales et religieuses, mariages, amitiés solides. Deo gratias !
Pour ma part, après 1989, n’ayant plus la responsabilité de l’organisation du pèlerinage, j’ai pris la responsabilité de faire construire et poser trois calvaires sur la route du pèlerinage. Le premier, posé à Choisel en 1994 dans la dernière montée avant le bivouac du samedi soir. Le deuxième en 1995 à l’entrée du bivouac du dimanche soir, à Gas. En 1996, le troisième calvaire fut posé au Plessis-Robinson. Lors de sa bénédiction, le Maire, M. Pemezec, était présent avec une partie de son conseil municipal.

Propos recueillis par Christophe Geffroy

Rens. : https://www.nd-chretiente.com/
Signalons le bel album anniversaire Générations Chartres. 40 ans de pèlerinage de Chrétienté (19,50 € sur le site).

© LA NEF n° 358 Mai 2023