Couronnement Charles III © Katie Chan-Wikimedia

En écho au « Charles III Coronation Day » : une liturgie royale radieuse de splendeur pentecostale !

Plus sacrée car consacrée, plus glorieuse et somptueuse, tu ne le fais pas ! Plus fastueuse et plus majestueuse, plus fervente et ardente, cela ne s’imagine pas ! Plus mystique et liturgique, plus solennelle et universelle : tu ne trouves pas ! Plus de grandeur, et d’honneur, plus de beauté et de piété, cela n’existe pas ! Fastueux mais non fastidieux. Plus de noblesse et de liesse : inimaginable !

Quelle fantastique évangélisation que ce couronnement en la lumineuse cathédrale de Westminster ! Comme l’étaient déjà les trois célébrations liturgiques pour l’encièlement de la Reine Élizabeth II.

 Pour ceux qui n’auraient pas eu la grâce de la suivre en TV, ou mieux sur place, je mets ici le curseur sur plusieurs éléments qui m’ont ému en profondeur.

Le premier absolument fulgurant : tout vient de Dieu, à travers l’Église. Ce n’est pas le futur Roi qui est le centre de la liturgie, mais bel et bien le « Roi des Rois » continuellement imploré. En d’autres termes : le Seigneur Jésus lui-même.

 Un symbole de l’ordre de l‘évidence : Le célébrant n’est autre que l’archevêque de Canterbury lui-même en tant que primat de l’Église anglicane[1]. C’est lui qui accueille chacun des 2300 invités, dès leur arrivée et les introduits dans la maison de Dieu. Le Roi est d’un bout à l’autre de la liturgie entouré de deux évêques en chape. Et surtout les « Regalia » sont posés sur l’Autel, ou y reviennent éventuellement.

I. L’ENTRÉE ET LA LITURGIE DE LA PAROLE

Depuis une bonne heure avant l’entrée solennelle, plusieurs orchestres se sont succédé pour jouer déjà les premières des 12 morceaux de musique choisis par Charles, soit du Haendel, soit composés spécialement pour le couronnement. Il a lui-même tenu à être présent aux différentes répétitions.

Sa Majesté entre dans la cathédrale portant le lourd manteau de brocard rouge bordé d’hermines du Canada, et la longue traîne de velours cramoisi. Pendant que résonne en latin le vibrant : « Vivat Rex Carolus ! »

La Croix offerte par le Roi au pays de Galles,précédant le cortège est porteuse d’une relique de la vraie Croix, donnée par le Pape François. Y est inscrite en Gallois, une citation du dernier sermon de S. David, de Galles : « Soyez joyeux. Gardez la foi. Faites toutes les petites choses. »

Le Kyrie (en gallois), et le Gloria en latin et le psaume sont admirablement chantés en polyphonie, par la chorale aux voix d’enfants d’une telle pureté ! Soutenus parfois par un orchestre et par le grand orgue.

La première lecture, tirée de la Lettre aux Colossiens est proclamée par le premier ministre, tout hindou qu’il soit, et le saint Évangile par l’évêque de Londres. : Jésus à Nazareth clamant : « L’Esprit du Seigneur m’a consacré par l‘onction pour porter l’Évangile aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles la vue, aux opprimés la liberté. Proclamer une année de grâce du Seigneur. » (Luc 4,18) Puis, depuis la chaire, la vibrante homélie de Justin Welby tout entière focalisée sur la personne du Seigneur Jésus, sauveur du monde, dont cette phrase : « Le service, c’est l’amour en action ! »

II. L’ONCTION ET LE COURONNEMENT

Puis vient le somptueux rite du couronnement lui-même, dont le rituel actuel date du Roi Édouard, mais que le Roi Charles a voulu relativement simplifier, pour ne pas excéder les deux heures, alors que celui d’Élizabeth II avait duré plus de trois heures.

  1. Tout d’abord le rite dit de reconnaissance. Le roi se présente aux quatre points cardinaux. Trois laïcs symbolisant les vertus de service, d’honneur, de devoir s’adressent à l’assemblée : « Je présente ici devant vous le roi Charles, votre souverain incontestable, venu rendre hommage et servir tous ceux qui sont là aujourd’hui. Voulez-vous faire de même ? ». Et tous : « God save the King ! »
  2. Puis, un petit choriste de la chapelle royale de 10-12 ans s’adresse au roi, les yeux dans les yeux : « Votre Majesté, en tant qu’enfants du royaume de Dieu, nous vous accueillons au nom du Roi des Rois. » Le souverain : « En son nom, et suivant son exemple, je viens non pour être servi, mais pour servir. »
  3. Ensuite, l’ultime examen de passage, avec les questions posées par l’Archevêque, dont celle-ci : « Jurez-vous de favoriser un environnement dans lequel les peuples de toutes confessions et croyances peuvent vivre librement ? Le Roi répond chaque fois : « I am willing ». Puis le serment : « Tout ce que je viens de promettre, je le réaliserai et le préserverai » cela à genoux, la main sur la Sainte Bible qu’il baise longuement. Suivi de sa signature, à la large écriture.
  4. Le Veni Creator, partie intégrante de tout événement décisif (profession, ordination), chanté à genoux, le premier verset en latin. Il s’agit d’une véritable Pentecôte.
  5. Le Roi devant l’Autel, à genoux, prie, selon ses propres termes : « Dieu de compassion et de miséricorde dont le Fils est venu non pour être servi mais pour servir, donne-moi la grâce de trouver à ton service la liberté parfaite et dans cette liberté la connaissance de la vérité. » Ces phrases, absentes du rituel, ont été composées de son propre chef par Charles en personne. Puis, après la belle réponse s’incline demeurant quelques instants en prière.
  6. Vient alors le moment-sommet de l’Onction Ce rite remonte en Grande Bretagne à l’an 787. À partir du Xème siècle, c’est au Pape à accorder officiellement l’onction. Cette année, le saint Chrême a été confectionné avec l’huile des oliviers de Gethsémani, et de l’essence d’oranger, par les moniales russes orthodoxes dont le monastère au Mont des Oliviers, abrite le corps de sainte Élizabeth Féodorovna, la Nouvelle Martyre, la petite Mère Teresa de Moscou, ensevelie vivante dans un puits, sur l’ordre de Lénine, le 17 Juillet 1917, en chantant l’Hymne des chérubins, l’admirable Cherubikon, qui ici même à Westminster va être chanté par des moines grecs orthodoxes. Il faut se souvenir que la grand-mère du Roi Charles est une manière de sainte orthodoxe germano-grecque, parente justement de cette sainte Élizabeth, dont la fondation Marie et Marthe, après l’enfer de la dictature communiste, a ressuscité avec la rayonnante communauté de moniales à Minsk[2]. Cette sainte Élizabeth que la grand-mère de Charles a rejointe en étant enterrée auprès d’elle, dans ce monastère du Mont des Oliviers, dont les coupoles dorées resplendissent au soleil levant. D’où l’amour du Roi pour l’Orthodoxie particulièrement de la Sainte Montagne de l’Athos, au monastère de Vatopédi.
  7. En vue de l’onction, le Roi, à genoux face à l’Autel, est dévêtu non seulement de sa cape d’hermine immaculée, mais de quasiment tous ses vêtements. Il est revêtu du « Colobium Sindonis (Tunique du Linceul) robe au lin fin, aux manches courtes, cela pour montrer pour manifester qu’il n’est qu’un petit pauvre devant Dieu. Puis de la « Super Tunica » des empereurs byzantins, fermée par une boucle brodée d’un aigle. Son attache servant à fixer « l’épée d’offrande » destinée à protéger le bien et punir le mal.
  8. Il s’assoit alors sur le trône en bois sur lequel tous les Rois et Reines se sont succédé depuis Édouard 1er en 1307. Mais a été reconstitué en 1308, après la destruction des Regalia par le terrible révolutionnaire de Cromwell. Y est insérée sous le siège l’énorme pierre blanche dite de Scone– un vrai roc pesant pas moins de 152 kgs – sur laquelle étaient consacrés les Rois de cette Ecosse formant le Royaume uni (avec le pays de Galles et l’Irlande du nord).
  9. Ici se situe un rite de toute première signification. Le trône est totalement caché aux yeux du public, et donc des caméras, par de grands paravents brodés d’un arbre dont chaque feuille représente un pays du Commonwealth survolé de trois anges, avec la citation de Ste Julienne de Norwich : « Tout ira bien, et toutes choses, quelles qu’elles soient, finiront bien », afin que personne ne voie de visu le rite le plus sacré. Un peu comme dans la liturgie byzantine, les rideaux de la porte royale de l’iconostase, se ferment pendant l’anaphore, afin que les paroles sacrées entre toutes, et solennellement chantées ne soient qu’entendues. Mais ici même les paroles du célébrant se disent à mi-voix et sont donc inaudibles du public. (Lors du couronnement d’Élizabeth II, déjà télévisé, ce moment sacré n’était pas retransmis)
  10. L’Archevêque, avec une cuillère d’or du XIIème (seule non détruite par Cromwell) , procède alors à l’onction sur les mains, la poitrine et la tête, (En l’an 1100, on y ajoutait omoplates, coudes et pieds) rappelant au Roi qu’il est Prêtre, Prophète et Roi, de par son baptême. C’est une vraie consécration : une chrismation. Le saint chrême étant parfaitement canonique, du point-de-vue catholique aussi bien qu’orthodoxe L’onction de la Reine se fera un peu plus tard, et uniquement sur les mains et au vu de tous.
  11. Puis, on retire les panneaux et uniquement les plus proches, et les spectateurs par TV, peuvent voir la suite, car le trône demeure tourné vers l’Autel, c’est-à-dire tourné vers l’Orient, vers le Retour en Gloire du Seigneur Christ.
  12. Une troisième fois, le Roi s’agenouille devant l’Autel, comme humble et fragile. Et l’Archevêque lui impose les mains comme pour une épiclèse.
  13. Le nouveau Roi est alors revêtu de la chape impériale tissée d’or et de soie, puis sur les épaules le pallium royal, posé par son propre fils aîné William, pallium ayant la forme d’une longue étole, soulignant le caractère quasi sacerdotal de la Royauté. On croirait…un évêque, mitre en moins, mais bientôt couronne en plus !
  14. Vient alors l’imposition des différents « Regalia » :
    L’Épée dite d’Offrande, pour protéger le bien et pourfendre le mal et symbolisant la défense de l’Église et du peuple. Elle est ensuite portée à bout de bras par la Lord présidente du Conseil, une femme, précédant le cortège final.
    L’Orbe d’or pur, surmonté par la croix, dont le rite remonte à 1016, présenté par l’Archevêque d’Armagh (Irlande).
    – Le gant de chevreau blanc immaculé, où se trouvent brodées les armoiries des Ducs de Newcastle (celui-là même d’Élizabeth II) lui rappelant qu’il doit exercer la justice dans la douceur et la miséricorde.
    – Les deux bracelets dit Armilliaires, présentés par un Lord de confession musulmane, symbole de sagesse et de sincérité, créés pour Charles II en 1661.
    L’Anneau-sceau, rite remontant au Xème siècle, présenté par un Lord de confession hindoue.
    – Le sceptre à la Croix (dès 871) signifiant le pouvoir temporel, tenu en main gauche.
    – Et le sceptre à la colombe d’émail figurant le Saint-Esprit, signifiant le pouvoir spirituel, tenu en main droite.
  15. Vient enfin la Couronne royale, – elle aussi surmontée par la Croix – avec ses 444 pierres précieuses, celle-là même du Roi Édouard. Le premier couronnement remonte à Guillaume le Conquérant en 1066. La couronne actuelle est une reconstitution de l’originale et date de 1661. D’abord élevée très haut pour être visible de tous. Mais celle-ci étant très lourde à porter (2,230kg), il la remplacera plus tard par la couronne d’État, étincelante de saphir, de diamants et de rubis, tout aussi resplendissante.

III. ALLÉGEANCE ET ACCLAMATIONS

Enfin, dernier rite spécifique : les allégeances. Le Roi est maintenant assis au milieu du transept, donc enfin visible par têtes couronnées, chefs d’État et membres du gouvernement, ainsi que de sa famille rapprochée. Pour Élizabeth, voici 70 ans, tous les Lords, un à un venaient lui prêter allégeance. Charles a considérablement simplifié. D’abord de son propre fils et héritier William touchant la couronne, suivi d’un baiser filial. Il est en grand uniforme de l’Ordre de la Jarretière, avec la rose d’Angleterre, la jonquille du pays de Galles, le chardon d’Écosse, et le trèfle d’Irlande.

Puis l’allégeance des différents représentants des religions, puisque Charles veut être le défenseur de toutes les croyances présentes dans le Royaume uni, et non uniquement le chef de l’Église anglicane. (Rappelons que le titre de Defensor Fidei, gravé sur les pièces de monnaie, avait été décerné par le Pape lui-même à…Henry VIII, ironie de l’histoire !) Donc : grand Rabbin[3], Imam, représentants des Sikhs, Hindous et Bouddhistes, après ceux des Orthodoxes et des Protestants. Les Catholiques, eux, sont représentés par le Cardinal Nichols, mais sont aussi présents le cardinal Parolin, envoyé par le Pape lui-même, ainsi que le Nonce apostolique.

Rite à vrai dire incroyable, puisqu’il s’agit d’un Roi qui vient d’être couronné de manière on ne peut plus explicitement chrétienne, si ce n’est… catholique !

Pour l’ensemble du peuple,  « l’hommage populaire a remplacé celui des pairs. » Concrètement, l’archevêque appelle chacun à rendre hommage par le cœur et la voix, à leur roi incontestable. Chacun peut lire à haute voix, une formule proposée sur écrans et feuillets, à condition que ce soit librement et en conscience. En fait, on entend un très grand nombre de voix s’exprimant sotto voce. L’allégeance des différents corps d’armée ainsi que de la Garde Royale sera célébrée deux heures plus tard, sur l’immense pelouse du parc de Buckingham. Moment particulièrement émouvant pour Charles qui a servi dans l’armée de l’air, en tant que pilote de jet-chasseur, puis comme son père dans la Royal Navy dont il est amiral.

Enfin, en guise de clôture retentit trois fois le cri spécifique de tous les baptisés du monde entier, depuis celui de Myriam de Magdala au petit matin de l’aube pascale : « Christ is risen from the dead » repris par a foule : « Indeed He is risen ! » Et de trois fois, l’acclamation : « God save the King ! », repris de manière vibrante par toute l’assemblée.

IV. ANAPHORE ET SAINTE COMMUNION

On croit alors que tout est enfin achevé. Pas du tout ! Voilà qu’on reprend la sainte messe, toute cette liturgie du couronnement étant insérée dans l’Offertoire. Mais ici événement complètement inattendu et très émouvant : le Roi disparaît quelques instants dans le sanctuaire proprement dit, quitte et sa couronne et sa grande chape d’or, pour suivre la suite de la messe, en tenue ordinaire. Devant son Seigneur, il est simple enfant de Dieu.

La Préface hélas n’est pas chantée (comme c’est le cas pour tant d’évêques catholiques, même le Pape !). Le rite de l’anaphore, est celui de l’Église Anglicane High Church comme il se doit en une circonstance à ce point solennelle en fait quasiment notre prière Eucharistique II, celle de Hyppolite de Rome (IV ème). Elle est célébrée « ad Orientem », comme cela devrait toujours se faire, face au grand retable représentant la Sainte Cène du Jeudi soir. (Hélas encore les paroles de l’Institution ne sont pas chantées, comme c’est toujours le cas chez les Orthodoxes). Par contre, pendant les chants du Sanctus et de l‘Agnus en polyphonie : on croit entendre les…Anges !

La sainte Communion est donnée au Roi et à la Reine, en toute intimité, sous la double forme de l’Hostie et de la Coupe consacrées. Enfin l’oraison finale et la bénédiction par l’Archevêque Justin Welby.

V. CORTEGE FINAL ET PROCESSION ROYALE

L’apothéose. Le Roi rentre à nouveau dans le sanctuaire afin de se revêtir et de la couronne d’État et de la grande chape d’or (en tout 10 kgs). Il redescend avec la Reine très lentement la longue travée remplie des 2300 invités personnellement invités. Cela au son retentissant des sept grandes trompettes d’argent, du Te Deum, puis du chant vibrant du « God save the King ! », aux paroles tellement chrétiennes. Le bourdon de Big Ben sonne à toute volée, entrainant toutes les cloches de Londres et des mille clochers constellant le Royaume uni. Pendant que les salves d’honneur sont tirées par la King’s Troop Royal Horse Artillery, même à Windsor et jusqu’à Gibraltar.

Contraste saisissant : alors que Charles, dans les bains de foule est tout sourire, éclatant parfois de rire, lançant partout une bonne blague avec son humour légendaire, ici, tout au long de cette longue liturgie, il est grave, intensément recueilli, fermant souvent les yeux, profondément intériorisé. Même durant le cortège final.

Ici précision importante. On l’a vu, les chants sont chantés dans les différentes langues du Royaume uni, mais il y a davantage. Les délégations des 15 pays du Commonwealth reconnaissant sa souveraineté sont placées, avec leurs drapeaux nationaux, au plus près. Un groupe d’Afrique du Sud chantera un vibrant gospel. Ces mêmes délégations nationales escorteront le cortège final, au plus près du carrosse royal.

Par ailleurs pratiquement tous les chefs d’État – Rois, présidents, 1er ministres – y représentent près de 20 nations. Et, enfin quelque 3 milliards de personnes, de toute latitude et longitude, suivent la retransmission télévisée. Il s’agit donc d’un événement aussi planétaire qu’extraordinaire, aussi universel que solennel        !

In fine, c’est l’acclamation délirante de son peuple, tout au long des 2 Km du cortège final, le carrosse (le Golden State Coach de 1762). Toute proche, la Princesse Anne, sœur du Roi, amiral de la Royal Navy, à cheval en grand uniforme de colonel des Blues and Royals. Le carrosse est précédé ou suivi par les différents corps d’armée. Ils sont un million de personnes massées le long des 2km du cortège. Certains y ont passé toute la nuit, sous une pluie fine, et même d’autres depuis plusieurs jours !

Et, in fine, l’apparition au balcon de Buckingham, devant une véritable marée humaine massée sur la place et jusqu’aux extrémités visibles du long Mall !

VI. NOTRE AUJOURD’HUI ÉPHÉMÈRE RAJEUNI PAR UN PASSE TROIS FOIS MILLÉNAIRE

On l’a déjà deviné grâce aux nombreuses dates citées : en Angleterre, ce rite est jeune d’un bon millénaire. Il est d’ailleurs sidérant qu’il ait pu survivre à la violente protestantisation de l’Église au XVème, supprimant pratiquement tous les sacrements. Mais en fait, il plonge ses racines bien au-delà. L’intronisation, l’onction, le couronnement, s’inspire largement du cérémonial de l’empire romain d’Occident, et particulièrement celui des Francs. Il remonte, en fait à Pépin le Bref en 752, puis à Charlemagne, couronné à Rome par Léon III, le jour même de Noël en l’an 800. Puis, non-stop à Reims pour 33 rois francs successifs jusqu’à Louis XVI, puis encore Charles X.

Par ailleurs, à Constantinople, c’est le Patriarche qui procédait à l’onction avec l’huile consacrée et au couronnement, en la vaste église de la Haghia Sophia.

Après l’onction, il s’écriait : Saint ! Après le couronnement : Digne ! Acclamations reprises par la foule des dignitaires de la Cité sainte. Le premier Basileus à vivre ce rite serait Phocas en 602. Cela jusqu’à la catastrophique chute de cette merveille du monde, sous les hordes ottomanes en 1453.

Les grands ducs de Russie, eux, sont couronnés à partir du Tsar Valdimir Monomaque (+ 125), au Kremlin de Moscou, dans la cathédrale de la Dormition. Le métropolite procédait à l’onction sacrée, mais le Tsar lui-même se posait la couronne sur la tête

Mais encore, au-delà, il faut remonter aux sources bibliques, aux onctions royales de Saül, David et Salomon, si bien décrits en : 1 Sam,16 – 16,12 – 1 Rm 1,34ss, puis tous les rois de Juda et sans doute d’Israël.

VII. LE PEUPLE DÉCOUVRE SON SOUVERAIN : SERVITEUR DES PAUVRES

Les Anglais vont maintenant découvrir la personnalité de leur souverain. Jusqu’à présent les medias cruels ne parlaient que de ses deux terribles tragédies : celle de Diana, le blessant dans sa conjugalité. Celle de Harry le blessant dans sa paternité.

C’est sans doute parce que sa vie a été marquée au fer rouge par la Croix, que l’immense majorité des Anglais lui sont à ce point attachés. Car quelle famille aujourd’hui, n’a-t-elle pas connu de telles blessures ?

Ce n’est que récemment que son engagement passionné pour l’écologie – depuis 50 ans – est jugé étonnamment prophétique. On a aussi trop oublié combien il a œuvré à la beauté qu’elle soit musicale ou architecturale.

Mais surtout, on a trop occulté ses mille engagements pour les pauvres, les petits, les marginaux. . Charles crée une ville-modèle, reconstruit un village en Transylvanie roumaine. Il fonde le Prince’s trust dédié aux jeunes en difficulté, les sortis de prisons, les addicts à différentes drogues. Il en a sauvé un bon million d’entre eux, qui lui doivent une immense reconnaissance.

Alors que seule une poignée de pairs a été invitée (40 sur 650 pour la Chambre des communes et 40 sur celle des Lords), ce sont les représentants de 850 œuvres sociales et caritatives qui sont présentes dans la Cathédrale ! Bref, la « méritocratie l’emporte sur l’aristocratie ». Une vraie révolution.

Les somptueux bouquets de fleurs seront offerts après la cérémonie, aux malades des nombreux hôpitaux et hospices. Lors du grand dîner la veille à Buckingham Palace, rassemblant ses nombreux invités, il exige un repas bio et sobre, le même que ceux de son peuple.

Encore ceci : il décrète une journée chômée le surlendemain très explicitement pour que tout, partout, se mette au service d’une œuvre sociale ou caritative. Le couple royal, ainsi que William et Kate servent eux-mêmes à différentes soupes populaires.

Finalement, sa Majesté se révèle être un homme d’une profonde simplicité, si proche de son peuple, mûri par tant de souffrances, approfondi par tant d’humiliations, forgé par tant de dévouement !

Enfin ceci : sur le plan religieux, il a toujours pris courageusement la défense des chrétiens persécutés dans le monde (steadfast opposition to religious persécution) soutenant inlassablement l’« Aide à l’Église en détresse ». Le Cardinal Nichols le soulignait à Buckingham Palace le 9 mars dernier.

Le Roi lui-même, dès septembre 22, s’adressant aux dignitaires religieux : « Les fois » qui fleurissent (the beliefs that florish) ne peuvent que tendre vers ces principes vitaux (vital principes) que sont la liberté de conscience, l’esprit de générosité, le soin (care) pour les autres, qui forment l’essence de notre nation. » (Catholic Herald, mai 23)

VIII. EN FRANCE ET DANS LE MONDE : UNE SECRÈTE NOSTALGIE ?

On sait combien Charles aimait venir souvent en France, y compris au Barroux au point de vouloir en faire sa toute première visite d’État avant l’Allemagne et les USA.

Inimaginable ! D’innombrables revues y consacreront des numéros spéciaux, mais surtout trois chaînes nationales de télé consacrent à l’événement plus de sept heures d’affilée non-stop, sans compter les émissions préparatoires. (Seul reproche : trop de commentaires forcément répétitifs, empêchant d’entendre les chants et les mélodies pourtant d’une beauté céleste !) En tout 9 millions de Français sont rivés à leur écran.

Serait-ce que notre peuple ait une inconsciente nostalgie de la monarchie ? Paradoxe : il connaît bien mieux la Famille royale britannique que celle des Bourbons ou des Orléans !

Ce sacre nous a actualisé le sacre, avec pratiquement un rituel identique, de nos 33 souverains, dans la cathédrale de Reims, cela depuis Pépin le bref et Charlemagne[4] !          

À l’échelle planétaire (largement plus d’1 milliard de téléspectateurs !) : cet engouement général ne trahit-il pas un profond besoin d’institutions stables, de fidélité à la tradition dans un monde en perpétuel changement et vitesse, sans cesse accélérés, donnant tourniquet et vertige (Stat Rex, dum volvitur orbis) ?

Mais plus profondément une immense soif de sacré, de verticalité, de transcendance, finalement, de divin[5] ? Telle une nappe phréatique, elle se met à sourdre, au plus creux d’un monde réduit à lécher les trottoirs, plutôt qu’à s’émerveiller des étoiles.

POINT D’ORGUE

Enfin, il faut ajouter à la dimension tactile, auditive, celle du visuel. Véritable symphonie de couleurs vives, grâce aux rutilants uniformes et tenues chamoirées, contraste saisissant avec le banal costar-cravate sombre de nos cérémonies officielles, même à l’église !

Oui le passé rejoint l’actualité, car relevant de l’éternité. La tradition s’harmonise avec le présent. Un chef-d’œuvre d’équilibre et de beauté !

Événement unique au monde. Le Monarque d’Angleterre est le seul et unique à être sacré, consacré, chrismé chrétiennement ! Pour le moment !

Un seul mot vient aux lèvres : « Awsom ! » impossible à traduire, évoquant l’émerveillement, le tremblement sacré, l’éblouissement, si ce n’est l’enthousiasme !

Pour clore, le mot de la fin. Un seul : GOD SAVE THE KING !

Daniel-Ange
Ce 9 Juin 23, anniversaire de la naissance de l’impératrice Zita de Bourbon et d’Autriche-Hongrie.
Et 10 Juin. Martyre de Madame Élizabeth, sœur du Roi Louis XVI, guillotinée.


[1] Dont la mère est Française. Particulièrement lié à la Communauté du Chemin Neuf (avec elle, il vivra toutes les JMJ de Cracovie)

[2] Voir mon article dans France Catholique du 12 mai 2023

[3] . Le Samedi étant jour de Shabbat, ne peut se déplacer plus d’un kilomètre et ne peut prendre de voiture, le Roi le loge dans sa résidence tout proche de Clarence House.

[4] Sur Twitter, les jours suivants : « ça  donne envie de devenir tradi »

[5] « Peu de sociétés démocratiques modernes  disposent encore d’un lien avec leur passé incarné par un homme qui tient tant bien que mal le fil de la continuité historique. En ce jour de couronnement royal, le Royaume Uni montre que la permanence, le sacré, la marque du mystère, même ténue, la verticalité, le goût de la transcendance ont aussi leur place en démocratie ». F.J. Schichan, diplomate. Figaro, 5.05.2023

© LA NEF, le 18 mai 2023, exclusivité internet