L’improbable voyage d’Harold Fry
31 mai
Nouvellement retraité, Harold Fry (irrésistible Jim Broadbent) mène une vie terne aux côtés de sa femme Maureen. Lorsqu’il apprend que sa vieille amie Queenie est mourante, il sort de chez lui bouleversé pour lui poster une lettre. La serveuse d’une station d’essence lui dit comment, par sa foi, elle avait maintenu en vie sa vieille tante cancéreuse. Touché au cœur, Harold décide alors de continuer à marcher pour se rendre au chevet de Queenie. Sa lettre en poche, il se lance, à pied, dans une traversée de l’Angleterre de plus de 700km, avec l’intime conviction que sa marche maintiendra Queenie en vie. L’occasion est donnée d’admirer l’exquise campagne anglaise, qui est à elle seule une raison de marcher. Ce film est écrit et réalisé par des femmes (Rachel Joyce et Hettie MacDonald), ce que traduit le caractère de douceur des scènes et des dialogues, et aussi la gentillesse des personnages entre eux. Comme le dit une femme : « dans le fond, les gens sont en majorité gentils. »
Douceur et gentillesse ne signifient pas naïveté. La vie n’est pas moins dure pour ces personnages même soulevés par la foi, notamment pour la femme d’Harold restée à la maison. On apprend aussi que celui-ci ne fait pas son pèlerinage seulement pour son amie mais aussi pour son fils dont la vie s’est perdue. Avec le parfum de miracle qui flotte sur la marche héroïque d’Harold, on pourrait voir une histoire religieuse mais la foi dont il est question ici est un espoir tout humain ; bordé tout de même d’un léger liseré de foi religieuse car vers qui se tourner quand on espère et qu’on demande l’impossible, sinon vers Dieu ?
L’homme debout
17 mai
Clémence a décroché un CDD dans une petite entreprise de papiers peints, loin de sa famille. Le défi pour elle est de transformer ce CDD en CDI. Pour cela, le directeur lui confie une mission : pousser Henri Giffard, VRP en fin de parcours, à prendre la retraite à laquelle il a droit. Mais Giffard refuse. Son travail est tout ce qui donne encore un sens à sa vie et il sait que légalement personne ne peut l’obliger à s’arrêter. C’est un VRP à l’ancienne, un homme toujours sur la route, allant d’un client à l’autre, avec le mot pour chacun qui lui fait remporter la vente. Sa société voudrait se diversifier en vendant des canapés ? Alors il part dans une diatribe magistrale contre les canapés, qui obligent les gens à se vautrer, alors que lui refuse l’avachissement : il est un homme debout ! Devant cet étonnant caractère, Clémence se lie doucement de sympathie, d’autant que c’est un homme qui, comme elle, n’est pas épargné par les problèmes familiaux mais qui a aussi de jolis talents de savoir vivre comme de goûter les vins.
La réalisation simple, claire et élégante cerne au plus près ces deux personnages qui n’auraient jamais pensé se rapprocher et qui se rejoignent dans la finesse des sentiments. Jacques Gamblin et Zita Hanrot sont les interprètes parfaits de ces deux sensibles.
François Maximin
Sorties DVD à signaler :
Reste un peu
Film de Gad Elmaleh, Studiocanal, 2023, 1h29, 16,99 €. Sortie en DVD de l’excellent film du célèbre humoriste juif qui narre sa conversion au christianisme dans un film aussi touchant que drôle (cf. notre présentation lors de sa sortie en salles, La Nef n°352 Novembre 2022).
Une rose à Auschwitz. La vie d’Édith Stein
Film de Joshua Sinclair, Saje Distribution, 2023, 1h50, 19,99 €. Saje nous offre en DVD ce film de 2011 non sorti en France. Édith Stein, canonisée par Jean-Paul II en 1998 et déclarée co-patronne de l’Europe, a eu une vie hors du commun qui se prête tout particulièrement à une adaptation à l’écran. Cette réalisation, de bonne facture, présente la vie d’Édith Stein, gazée à Auschwitz en 1942, à travers l’enquête du journaliste américain athée Michael Praeger, fasciné par cette femme pour une raison dramatique qu’on ne découvre qu’à la fin. Le film est captivant, mais on regrette la place disproportionnée donnée à l’amoureux d’Édith, Hans Lipps, au point qu’elle aurait presque renoncé à sa vocation carmélitaine pour lui – cet amour n’est jamais évoqué dans ses mémoires, Vie d’une famille juive. Insistant sur cet aspect et sur le sort tragique des Juifs dans l’Allemagne nazie, le film passe bien trop vite sur le reste, si bien que l’on a quelque peine à vraiment retrouver la personnalité qui émane de Vie d’une famille juive.
Patrick Kervinec
© LA NEF n° 359 Juin 2023