Juan Donoso Cortès, catholique et traditionaliste : la célébrité européenne

La Communauté de Madrid commémore le 170e anniversaire de la mort de Juan Donoso Cortés (1853-2023) en publiant un catalogue virtuel « Donoso »[1]. Une intéressante approche de la vie et de l’œuvre du marquis de Valdegamas qui fut le secrétaire personnel de la reine, puis régente, Marie Christine de Bourbon-Siciles et de sa fille, la reine Isabelle II, ainsi qu’un homme politique, philosophe et écrivain de premier plan reconnu et célébré de son temps dans toute l’Europe. Depuis la disparition prématurée de Donoso Cortès à l’âge de quarante-quatre ans (1809-1853), l’intérêt et la fascination que suscitent l’homme et sa pensée dans les milieux intellectuels et universitaires du monde ne se sont jamais vraiment démentis. Les articles et les livres qui lui ont été consacrés ne se comptent plus. La thèse que soutiendra dans quelques jours le doctorant José Antonio Pérez Ramos à l’Université CEU San Pablo de Madrid n’en est somme toute qu’un exemple récent. En France, Arnaud Imatz a publié en 2013 aux Éditions du Cerf « Juan Donoso Cortès, Théologie de l’histoire et crise de civilisation (dans la collection « La nuit surveillée » dirigée par Chantal Delsol). Son livre plus récent Résister au dénialisme en histoire (2023), contient un long chapitre sur le marquis de Valdegamas que nous reproduisons avec l’aimable autorisation de l’éditeur Perspectives Libres.

Le penseur espagnol le plus européen du XIXe siècle

Juan Donoso Cortès était un homme d’État sûr, un diplomate fin et efficace, un orateur éloquent et admiré, un écrivain à la plume élégante et facile, un philosophe et un théologien prestigieux. Sa foi chrétienne et son amour de l’Espagne ont fait de lui le plus espagnol de son temps. Mais, paradoxalement, son génie, ses fermes convictions religieuses et son profond attachement à la nation et à la culture espagnoles ont aussi fait a de lui, et peut-être même des deux derniers siècles[2].

L’écrivain monarchiste espagnol, José María Pemán, n’aimait pas « l’utilisation européenne » des auteurs espagnols. Et le philosophe du droit, traditionaliste, Francisco Elías de Tejada définissait Donoso Cortés comme un chevalier au service de l’Espagne contre l’Europe, un combattant « de la chrétienté contre l’Europe ». Néanmoins, avec le temps, on voit mieux aujourd’hui que le marquis de Valdegamas, en raison de son irréductible conviction chrétienne et de sa profonde « espagnolité », était un clair précurseur de la défense des racines chrétiennes non seulement de l’Espagne, mais aussi de l’Europe moderne.

Donoso Cortés a atteint une popularité européenne considérable en très peu de temps. Son « européanité » débute en 1849. Jamais, ni avant, ni depuis, aucun penseur politique espagnol n’a provoqué une telle sensation, une telle émotion à l’étranger. Bon nombre de personnalités historiques espagnoles sont sans doute aussi célèbres que lui, voire plus, mais aucune n’a bouleversé aussi rapidement et aussi profondément l’opinion de l’intelligentsia européenne.

Donoso fait irruption sur la scène européenne avec le Discurso sobre la Dictadura et le Discurso sobre la Situación de Europa. Ses articles, discours et essais sont aussitôt traduits en français, en italien et en allemand. Ils font l’objet de débats et de jugements nombreux et passionnés. L’historien Leopold von Ranke et le philosophe Friedrich Schelling les ont commentés, l’homme d’État autrichien Klemens von Metternich en a fait l’éloge, le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse et probablement le tsar russe Nicolas II les ont lus et médités. Donoso a eu la confiance et l’estime, singulière compte tenu de son statut de représentant étranger, du président français, puis de l’Empereur Louis Napoléon III. Il est consulté par lui sur les questions d’actualité les plus brûlantes. Pratiquement tous les auteurs de son époque, quelle que soit leur tendance, ont mentionné, discuté ou jugé les œuvres donosiennes. Comète brillante et éphémère, Donoso Cortés meurt seulement quatre ans après avoir atteint le sommet de la gloire.

Ce succès fulgurant est suivi d’une période d’obscurité. En Espagne, le silence n’est pas total, grâce aux éditions de ses œuvres par Gabino Tejado et Juan Manuel Orti y Lara. Les œuvres de Donoso sont même publiées relativement régulièrement dans la Péninsule (parfois tous les 15 à 20 ans). Mais dans le reste de l’Europe, le marquis de Valdegamas est oublié et ignoré pendant près de 70 ans. La redécouverte de son œuvre et de sa vie, au niveau européen, se produit à deux moments très différents de l’histoire : entre les deux guerres mondiales et dans les années 1950.

Comment l’Europe a-t-elle redécouvert Donoso Cortés au XXe siècle?

L’initiative de la redécouverte est venue avant tout de trois auteurs allemands. Celui qui s’est le plus tôt intéressé à Donoso est le juriste Carl Schmitt. Il a commencé à analyser la philosophie politique de Donoso en 1922 et a publié plusieurs articles sur le sujet dans la revue Hochland, entre 1927 et 1929. En mai 1944, Schmitt donne une conférence à l’Académie de Jurisprudence de Madrid. Il rassemble ensuite tous ses travaux dans le livre Interpretación europea de Donoso Cortés, publié à Cologne en 1950 et à Madrid en 1952. Mais dès 1936, Ramón de la Serna avait déjà traduit l’ouvrage d’Edmund Schramm Donoso Cortés. Su vida y su pensamiento. Et en 1940, Dietmar Westmeyer avait publié Donoso Cortés, Staatsmann und Theologe (traduit en espagnol, en 1957, sous le titre Donoso Cortés, homme d’État et théologien).

Entre 1936 et 1975, plus de trente auteurs espagnols ont glosé l’œuvre du diplomate d’Estrémadure. Parmi eux, Azorín, Pemán, Pemartín, Lopez-Amo, Legaz Lacambra, Elías de Tejada, Vegas Latapie, Yanguas Messía, Galindo Herrero, Juretschke, Valverde et Federico Suarez. L’œuvre de Donoso et sa signification faisaient l’objet d’une étude presque obligatoire dans les années 1950. Par la suite, l’intérêt s’est émoussé mais ne s’est jamais éteint. Un simple coup d’œil à la bibliographie suffit à s’en convaincre. La littérature abonde. Voici un échantillon réduit mais significatif des auteurs étrangers qui ont consacré des ouvrages à l’auteur et à son œuvre : en Italie Primo Siena (1966), Giovanni Allegra (1972) et Rino Cammirelli (1998) ; en Argentine Alberto Caturelli ; au Chili, Gonzalo Larios Mengotti (2003) ; aux États-Unis John Graham (1974), Frederick Wilhelmsen (1989) et Vincent MacNamara (1991) ; en Allemagne, Günter Maschke (1989 et 1996). Le nombre d’articles sur Donoso publiés dans les différents pays est considérable. En France, Jules Chaix-Ruy a écrit une biographie en 1956, André Coynea préfacé et réédité La lettre au cardinal Fornari,en 1989 ; enfin, j’ai préfacé et réédité L’Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (ÉditionsDMM)en 1986, puis, introduit et annoté l’anthologie de textes Juan Donoso Cortés, Théologie de l’histoire et crise de civilisation (Éditions du Cerf) en 2013.

Les raisons de la haine et de l’admiration

L’insulte ou le silence ont été les armes favorites contre Donoso pendant sa vie comme après sa mort. Le juriste Carl Schmitt disait que la haine à son égard ne devait pas être confondue avec l’hostilité normale inhérente à la lutte politique. Liée à la rationalité et l’idiosyncrasie de Donoso, cette aversion repose sur des motifs profonds, métaphysiques. Elle n’est pas sans rappeler la diabolisation médiatique d’Alexandre Soljenitsyne suite à son discours de Harvard le 8 juin 1978.

Donoso a été admiré et honoré tout au long de sa vie. Il a été en effet ambassadeur, ministre plénipotentiaire, secrétaire particulier de la reine, décoré de la grand-croix d’Isabelle la Catholique, honoré du titre de marquis de Valdegamas, élevé au rang de grand officier de la Légion d’honneur par la France. Mais cela étant, il était avant tout un catholique à la vie exemplaire.

C’en était trop pour ses adversaires. Ils ne pouvaient pas supporter qu’un tel homme remette en cause leur prétention à détenir la clé de l’interprétation du sens de l’histoire, le monopole de l’intelligence et de la culture. Ils auraient bien sûr préféré que les prédictions tragiques de Donoso soient les élucubrations d’un romantique ou d’un détraqué, d’un autodidacte ou d’un primitif. La voix d’un ermite ou d’un moine n’aurait pas eu le même écho. Mais contre Donoso, le mépris ou l’indulgence bienveillante n’étaient pas de mise : il était trop habile et avait trop de poids.

La pensée dominante, ou, comme on dit aujourd’hui, la « pensée unique » et le « politiquement correct », continuent de juger ses idées comme étant dépassées, démodées. On préfère les ignorer, les déprécier ou les caricaturer. Mais l’histoire lui a en partie donné raison. On ne peut nier l’actualité d’une pensée qui porte un coup fatal à la philosophie progressiste de l’histoire. On ne peut nier l’intérêt d’une œuvre qui annonce la venue d’un gigantesque despotisme, obsession d’un grand nombre de penseurs prestigieux du XXe siècle. Il n’est pas non plus possible de nier la prescience d’un homme capable de prévoir et d’annoncer, à l’apogée du tsarisme, le rôle de la Russie dans la révolution communiste et l’océan de sang qui allait engloutir l’Europe pendant plus de cent ans après la révolution de 1848.

Les trois étapes de la pensée et de la carrière politique de Donoso Cortés

En général, l’attention des commentateurs politiques se porte avant tout sur le catholique traditionaliste, le Donoso Cortés de la dernière période. Une attitude logique, puisque c’est alors que sa pensée atteint sa plénitude et sa maturité. Mais il n’en est pas moins vrai que Donoso n’est pas sorti de nulle part. Sans une lecture attentive des œuvres qui suivent ce qu’il appelle sa « conversion », on ne comprend pas son attitude intellectuelle définitive, mais ceux qui s’y limitent risquent d’arriver à de fausses interprétations. Ainsi, de nombreuses critiques ont été formulées à tort parce que les trois phases de sa trajectoire politique n’ont pas été correctement appréciées. Premièrement : l’étape libérale-modérée (de 1832 à 1836). Une étape rationaliste, pendant laquelle il proclame la suprématie de l’intelligence, de la raison et critique aussi bien les révolutionnaires libéraux que les « fanatiques » traditionalistes partisans du prétendant carliste Don Carlos. Une période de défense des intérêts des classes moyennes, de dénonciation tant du despotisme oriental que des abysses de la démocratie tumultueuse. Une période où il loue Luther, le « régénérateur, l’interprète de la raison humaine », et où il salue le « génie de la magnifique Révolution française ». Deuxième étape : l’étape conservatrice-libérale (de 1837 à 1847). Une étape de reconnaissance du co-empire de la raison et de la foi, ou plutôt de la nécessité pour la raison d’invoquer le soutien de la foi si elle ne veut pas succomber. Il s’agit alors d’une étape marquée par la tentative de réconciliation entre le catholicisme et la philosophie ; une tentative de rapprocher non pas le monde de l’Église, mais l’Église du monde. Après avoir chanté un hymne à la Révolution française, Donoso la définit comme le dernier « déraillement de la raison humaine ». Il ne défend plus la monarchie de la classe moyenne, mais la monarchie en charge des intérêts communs ou collectifs. Esprit éclectique, il cherche à concilier foi et religion, mais ne croit plus au principe de la perfectibilité indéfinie de la société et de l’homme. Troisième étape : l’étape catholique ou proprement traditionaliste (de 1847 à 1853).

Ce que Donoso appelle sa « conversion » n’est pas le fruit d’une illumination soudaine. C’est le résultat d’un processus lent. Rappelons ses paroles à son ami, publiciste et traducteur, Albéric de Blanche Raffin (qui fut aussi le traducteur français de Jaime Balmes). Il lui dit ceci : « J’ai toujours été croyant au plus profond de mon âme, mais ma foi était stérile parce qu’elle ne gouvernait pas mes pensées, ni n’inspirait mes paroles, ni ne dirigeait mes actions » [3]. Ses convictions religieuses ont été étouffées pendant de nombreuses années, refoulées par les nombreuses lectures d’ouvrages français qui suivaient celles des auteurs classiques gréco-latins.

Influencé par les idées du poète libéral, Manuel José Quintana, Donoso dévore Rousseau, Montaigne, Voltaire, Condorcet, Condillac, Destutt de Tracy, Machiavel, Hobbes, Locke, les Encyclopédistes… Puis, pendant des années, il se nourrit des doctrinaires libéraux Mme de Staël, Benjamin Constant, Pierre Royer-Collard, Victor Cousin, le duc de Broglie, François Guizot et Charles de Rémuzat.

Pendant des années, les principales sources qui inspirent sa pensée sont françaises, bien qu’elles soient filtrées par les particularités de son style et de son génie. Les lectures des doctrinaires libéraux du XIXe siècle succèdent donc à celles des classiques des Lumières. Mais les contre-révolutionnaires français Bonald et Maistre, ou les conservateurs romantiques Lamartine et Chateaubriand, influencent aussi la pensée du diplomate d’Estrémadure et sans doute plus tôt qu’on ne le croit.

Donoso Cortés et François-René de Chateaubriand

Esprit ouvert, de formation catholique, jamais tenté par l’athéisme, le marquis de Valdegamas appréciait Chateaubriand. La comparaison entre la pensée de Donoso dans sa seconde étape et les idées du second Chateaubriand, auteur du Génie du christianisme, mériterait à elle seule une thèse de doctorat. Chateaubriand est d’abord un libéral très anticlérical. Il considérait la Révolution française comme irréversible et le christianisme comme un simple fait historique et social. Mais après la mort de sa mère, en 1798, il s’est converti. Il a lui-même expliqué qu’il voulait écrire le Génie du christianisme (ouvrage publié en 1802), pour expier le mal qu’il avait fait à sa mère avec ses écrits anti-chrétiens. Le second Chateaubriand rêvait de réconcilier la France de l’Ancien Régime avec la France née de la Révolution, l’esprit aristocratique de liberté avec l’esprit bourgeois d’égalité. Pour lui, la Révolution était un mécanisme autodestructeur, la conséquence d’une grave crise morale.

Chateaubriand condamne la volonté révolutionnaire de niveler les hommes et y voit la redoutable voie de la servitude, de la tyrannie et du despotisme. Il se décrit comme un admirateur d’Edmund Burke, partisan de la monarchie constitutionnelle anglaise. Il dénonce le développement du centralisme, de la monarchie absolue, dont l’héritier est le jacobinisme. Pour lui, les Jacobins sont les plus grands traîtres aux valeurs des Lumières. Il condamne la religion du progrès, le dogme de la perfectibilité indéfinie de l’homme. Il veut restaurer le principe moral qui transcende toutes les idéologies humaines : la religion chrétienne. Il sait aussi que « l’immense apport historique du christianisme a été, comme le dit si justement l’historien du droit, Jean-Louis Harouel, d’opérer la disjonction du politique et du religieux, de permettre la séparation du spirituel et du temporel, et que cela a été le creuset de la liberté de l’individu, d’où est née la société moderne […] le principal ressort de la prodigieuse réussite scientifique, technique, économique et sociale de l’Occident, point de départ du processus de modernisation du monde. »[4].

Le second Chateaubriand était parfaitement en phase avec le second Donoso. Il est probable qu’avant d’écrire l‘Essai, Donoso n’a pas eu le temps de lire Mémoires d’outre-tombe, chef-d’œuvre de Chateaubriand publié en 1848 et 1850. Mais il est certain qu’il connaissait le reste de son œuvre. Chateaubriand a-t-il influencé Donoso ? Dans quelle mesure ? Un seul point est sûr, c’est que le marquis de Valdegamas connaissait toutes les figures de l’intelligentsia catholique française qu’il fréquentait surtout dans le salon littéraire de Madame Swetchine.

Sophie Jeanne Saymonof Swetchine était l’épouse d’un général russe. Dans sa jeunesse, elle avait été la dame d’honneur de l’impératrice russe. Elle était une orthodoxe russe qui s’était convertie au catholicisme sous l’influence de Joseph de Maistre, à l’âge de 33 ans. Au moment de son exil forcé en France (exil dû à sa conversion au catholicisme), Maistre l’avait recommandée à de Bonald. Pendant 40 ans, Madame Swetchine a tenu un salon littéraire très réputé. Y participaient : Chateaubriand, Cousin, Lacordaire, Montalembert, Félix Dupanloup, Armand de Melun, Tocqueville, Augustin Cochin, bref, la crème de la crème du catholicisme intellectuel parisien. Et bien sûr, il y avait parmi eux Juan Donoso Cortés. Certains ont même affirmé que l’influence de Donoso avait aidé Tocqueville à raviver sa foi chrétienne longtemps éteinte. Lequel a le plus influencé les autres ? Il est impossible de le dire. Ce que l’on sait, c’est que dans ce salon littéraire, on échangeait des idées et des opinions sur les sujets les plus divers, et surtout sur la rupture ou le fondement que représentait la Révolution de 1789 : révélation soudaine de valeurs absolues et mythiques : Justice, Liberté, Égalité, Peuple, Raison et Progrès ? pur mécanisme socio-politique ? plan des protestants, jansénistes, francs-maçons et jacobins ? châtiment divin régénérateur ? continuité entre la révolution religieuse du XVIe siècle et la révolution politique du XVIIe siècle ? Toutes ces interprétations étaient en vogue déjà du vivant de Donoso, qui les connaissait toutes.

Pour l’historien des idées, il y a très peu d’idées nouvelles. Ce qui est nouveau, c’est la forme, la présentation. Avec des ingrédients semblables, il y a des cuisiniers médiocres, bons ou brillants… Donoso n’était évidemment pas un cas isolé. Aujourd’hui comme hier, les auteurs prestigieux dont la lucidité s’enracine dans le sentiment aigu de la décadence morale et spirituelle sont légion. Schlegel, Maistre, Dostoïevski, Balzac, Unamuno, Bloy, Papini, voire le « maudit » Baudelaire, aucun d’entre eux ne souscrivait à la philosophie progressiste de l’histoire.

1847 : la « conversion » de Donoso Cortés

Mais revenons à la « conversion » du Marquis de Valdegamas. À Paris, il a rencontré le compositeur et pianiste réputé Santiago Masarnaú y Torres, un homme exceptionnel dont la vie et l’attitude chrétienne l’ont impressionné[5]. Par ailleurs, la mort de la femme et de l’enfant d’un ami dans des circonstances très similaires à celles de sa propre femme et de sa fille, douze ans plus tôt, l’a également fait réfléchir sur le sens de la vie. Mais l’événement décisif, qui a radicalement changé la vie de Donoso, a été l’agonie et la mort de son frère Pedro, et non, comme on l’a souvent dit, la révolution de 1848. Il l’affirme lui-même dans une lettre du 28 juillet 1849 au marquis de Raffin.

Au moment de sa « conversion », au début de l’été 1847, Donoso a trente-huit ans, un âge où l’on est clairement conscient de ses décisions et de ses actes. Cette « conversion » précède de quelques mois son irruption tumultueuse sur la scène européenne à la suite du Discours sur la dictature le 4 janvier 1949. En Espagne, et peut-être encore plus à l’étranger, le succès de cette remarquable pièce oratoire est immédiat. Donoso combat frontalement les opinions qu’il a défendues jusqu’alors et fait des déclarations jugées scandaleuses pour les adorateurs du progrès. Donoso nie le postulat fondamental du libéralisme : tout pour et par la liberté. Il soutient au contraire que la liberté est terminée, que la lutte n’est pas entre la liberté et la tyrannie, mais entre la dictature qui vient d’en haut et celle qui vient d’en bas, entre la dictature de la révolution et celle de l’autorité. Il développe le fameux parallèle entre les deux freins, les deux répressions, la politique et la religieuse. Il ne s’agit évidemment pas d’une simple défense de la dictature : personne ne choisirait de s’agenouiller devant la dictature s’il pouvait embrasser la liberté. Ce n’est pas la question. Il ne s’agit pas de choisir entre la liberté et la dictature, mais entre deux dictatures. Plus la religion s’affaiblit chez les hommes, dit Donoso, plus le pouvoir de l’État grandit sur eux : « Le monde marche à grands pas vers la constitution d’un despotisme, le plus gigantesque et le plus destructeur que les hommes n’aient jamais vu ». « Les voies sont préparées pour un tyran gigantesque, colossal, universel, immense : tout est préparé pour cela »[6]. Il réaffirme que la nature humaine n’est ni bonne ni perverse, mais seulement déchue ; tel est le dogme catholique du péché originel. Pour Donoso, le doute n’est pas permis : seuls les peuples profondément religieux sont authentiquement libres. La religion est le fondement sur lequel repose toute grande culture. « La religion est la clé de l’histoire », dira plus tard Lord Acton.

Donoso : théoricien de la dictature, décisionniste ou jusnaturaliste ?

Ouvrons ici une parenthèse. Il ne fait aucun doute que, pour Donoso, la dictature n’est pas la forme de gouvernement idéale en tout temps et en tout lieu ; elle n’est qu’un recours suprême dans les situations d’urgence : c’est un moindre mal. Donoso avait déjà fait allusion à la question de la dictature dans ses Leçons de droit politique en 1837. La dictature de Donoso n’est pas « commissoire » ou « déléguée », selon la typologie de Schmitt, mais « souveraine », car elle marque le début d’une nouvelle étape du droit. L’approche de Donoso n’est ni juridique ni sociologique, mais empirique. Cela étant, il reste toujours chez lui la perspective éthique ultime, jusnaturaliste. C’est pourquoi, l’interprétation de Schmitt, érudite, fine et brillante, est discutable. Schmitt voit en Donoso un esprit qui lui est proche ; il cherche donc à se l’approprier en l’interprétant en termes décisionnistes. Mais Donoso n’est ni un théoricien du décisionnisme, ni un théoricien de la dictature (comme l’est par exemple le républicain-libéral espagnol Joaquín Costa). Bien au contraire, il y a une constante dans la pensée du marquis de Valdegamas : la méfiance à l’égard de la volonté. Dans sa première phase, Donoso subordonne la volonté à l’intelligence, dans sa dernière étape, il la subordonne à Dieu et aux Évangiles. Donoso défend le droit naturel, l’ordre divin, comme le faisaient les grands juristes espagnols du XVIe siècle. Pour lui, le droit, avant d’être un acte de la volonté souveraine, est « l’ordre établi par Dieu dans le principe ». Comme le dit justement l’écrivain italo-chilien, Primo Siena, « Dans la sociologie donosienne […] la dictature couronnée exprime une conception sacrée et transcendante de l’autorité souveraine, dans laquelle on entrevoit le rêve de Dante d’une monarchie universelle chrétienne »[7].

La théologie politique classique du catholique Donoso doit donc être soigneusement distinguée de l’anthropologie politique moderne du juriste, par ailleurs catholique, Carl Schmitt. Là où le prestigieux juriste et politologue allemand a raison, c’est lorsque, se plaçant sur un plan rhétorique et littéraire, il avoue, non sans une pointe de provocation : « Je n’ai pas honte aujourd’hui, en tant que sexagénaire, après toutes mes expériences avec les hommes et les livres, avec les discours et les situations, d’affirmer que le grand discours de Donoso sur la Dictature, du 4 janvier 1849, est le plus magnifique discours de la littérature mondiale, sans excepter Périclès et Démosthène, ni Cicéron, Mirabeau ou Burke « [8].

Le 6 novembre 1848, le marquis de Valdegamas est nommé ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire d’Espagne à Berlin. En février 1849, il quitte Madrid via Paris pour prendre ses fonctions en Prusse. Il est déjà célèbre. Son Discours sur la dictature a été traduit et publié en France dans L’Univers de son ami Louis Veuillot et dans plusieurs journaux berlinois. Il a fait l’objet de nombreux commentaires et de critiques dans la presse européenne. Une fois à Berlin, Donoso échange une abondante correspondance avec un autre ami, l’ambassadeur de Prusse à Madrid, le comte de Raczynski. Il écrit également des lettres à la presse dans lesquelles il rejette un prétendu manichéisme : « Il y aurait manichéisme, dit-il, si j’avais donné aux ravages du mal une existence indépendante de la volonté de Dieu […] En affirmant d’une part le triomphe naturel du mal sur le bien, et d’autre part le triomphe surnaturel de Dieu sur le mal, je ne fais que réduire à une formule concise les grands principes du catholicisme, fondés entièrement sur la toute-puissance divine et la fragilité humaine[9]. »

Méfions-nous des conclusions hâtives. Donoso est un pessimiste mais pas un fataliste, il n’est ni résigné, ni vaincu, ni déserteur de la lutte. Il a perdu la foi dans la philosophie progressiste de l’histoire, dans l’optimisme des systèmes qui prêchent le bonheur futur des hommes, la société paradisiaque vers laquelle l’histoire de l’humanité conduit inéluctablement ; il ne croit pas à la loi de la perfectibilité et au développement progressif de l’homme et de la société. Il a perdu la foi aveugle en l’homme parce qu’il a trouvé la foi absolue en Dieu. « Et qu’on ne me dise pas que, si la défaite est certaine, la lutte est inutile », précise-t-il dans une lettre au comte Charles Montalembert. « En premier lieu, la lutte peut atténuer, adoucir, la catastrophe et, en second lieu, pour nous qui nous faisons gloire d’être catholiques, la lutte est l’accomplissement d’un devoir, et non le résultat d’un calcul »[10]. Tel est le pessimisme tragique de Donoso.

1850 : le discours sur la situation en Europe

En 1850, à nouveau Donoso attire l’attention de l’Europe sur lui. Le 30 janvier, il prononce son Discours sur la situation générale de l’Europe, immédiatement traduit et publié dans des journaux allemands, belges, français et italiens. à Paris, une édition en forme de brochure circule avec un tirage de plus de 14 000 exemplaires.  

Sommet de l’éloquence donosienne, le Discours sur l’Europe contient une critique acerbe de l’économisme. Donoso nie que les véritables hommes d’État de l’histoire, les fondateurs d’empires, de nations et de civilisations, ne se soient jamais appuyés sur la vérité économique. « Tous ont fondé les nations, dit-il, sur la base de la vérité sociale, sur la base de la vérité religieuse. Cela ne veut pas dire, car je prévois les objections, qu’à mon avis, les gouvernements doivent négliger les questions économiques, que les peuples doivent être mal administrés ; je ne manque pas de raison et de cœur au point de me laisser à une semblable extravagance. Je ne dis pas cela, mais je dis que chaque question doit être placée à son rang, et que le rang de ces questions est le troisième ou le quatrième, et non le premier »[11].  

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler ici ce que déclarait il y a quelques années, Régis Debray, ancien camarade de Che Guevara, puis, conseiller du président socialiste, François Mitterrand : « Le libéralisme et le marxisme ont communié […] pendant un siècle dans le même présupposé, à savoir que dans la hiérarchie des choses sérieuses, l’économie occupe la première place, avant la politique suivie elle-même de la culture. Le jour n’est pas loin où l’on s’apercevra, dans notre monde postindustriel, que l’ordre des préséances et des préoccupations devait se lire en sens inverse. Que la culture est première par rapport à la politique, elle-même plus importante que l’économie[12]. » Bien sûr, l’agnostique Debray ignore la religion et fait l’éloge de la culture, mais paradoxalement, ses commentaires sur l’avenir du libéralisme ou du capitalisme démocratique ne sont pas sans rappeler les réflexions donosiennes de 1850.  

Cela étant, Donoso affirme et proclame « contre la révolution et le socialisme, il n’y a qu’un remède radical et souverain : le catholicisme, seule doctrine qui soit la contradiction absolue de la doctrine révolutionnaire et socialiste[13] ».  

Dans le Discours sur l’Europe, on trouve l’étrange prophétie selon laquelle la révolution aura lieu à Saint-Pétersbourg et non à Londres, et des visions prémonitoires sur l’avenir de la Russie, et sur les évènements sanglants qui dévasteront l’Europe. Après avoir conquis l’Europe, dit-il, la Russie tombera bientôt elle aussi en décadence. Résumons la thèse de Donoso : en prétendant construire des systèmes en dehors ou contre l’ordre divin, les hommes déclenchent inéluctablement la plus grande catastrophe, le chaos ultime, le despotisme gigantesque, la tyrannie absolue.

Critiqué, éreinté, pour « ses visions catastrophiques et apocalyptiques », Donoso répond, le 11 avril 1850, dans une lettre adressée à Louis Veuillot : « Je dois protester et je proteste contre ce rôle de voyant qu’on veut m’attribuer. Je n’ai pas annoncé la catastrophe finale du monde ; j’ai dit simplement tout haut ce que tout le monde dit tout bas ; j’ai dit : Les choses vont mal ! si elles suivent ce train, nous aboutirons à un cataclysme. L’homme pourrait se sauver – qui en doute ? Mais à condition de le vouloir ; or il me semble qu’il ne le veut pas. Eh bien, s’il ne veut pas se sauver, je crois que Dieu ne le sauvera pas malgré lui « [14]. En réalité, les adversaires de Donoso ne supportent pas de le voir proclamer préférer la loi d’amour du christianisme à tout autre idéal humain.

En avance sur son temps, Donoso perçoit le danger du clergé « progressiste », pour lequel l’Église doit s’adapter, modifier son discours pour être plus « humaniste », céder aux temps et aux circonstances. Dans une lettre du 9 juillet 1850, à François Christophe Kellermann, troisième duc de Valmy, il déplore : « Je suis effrayé, je vous l’avouerai franchement, de la voie où s’est jetée une certaine partie du clergé français […] Comment ces malheureux ne voient-ils pas que ce chemin aboutit forcément à une catastrophe ? […] Comment ces prêtres dont je parle ne voient-ils pas qu’en conseillant à l’Église de renier ses fidèles, de rougir de ses amis, ils ne font que lui conseiller de commettre ce grand péché de la honte pusillanime et de l’ingratitude ? C’est peut-être le conseil de la prudence humaine ; mais la prudence humaine est parfois bien misérable et bien imprudente »[15].

Le Discours sur la situation de l’Espagne du 30 décembre 1850est lui aussi une terrible diatribe contre le libéralisme, contre l’opportunisme et la corruption de la classe moyenne et de ses représentants. Il contient également une critique cinglante du centralisme, un réquisitoire contre la presse et le journalisme aux mains des riches et une dénonciation de la confiscation de la liberté par les partis. « Gouverner, dit-il, ce n’est pas être servi, c’est servir… ».

Pour Donoso, l’ordre matériel n’est rien sans l’ordre moral. La bourgeoisie, « classe discuteuse », lui semble incapable de faire face à une époque de luttes sociales exacerbées. Les classes moyennes sont « gangrenées jusqu’à la moelle des os », elles n’ont que des acclamations et des applaudissements pour la force dont elles disposent. Quant aux classes aisées, « elles suscitent l’envie et les instincts révolutionnaires des classes nécessiteuses » par leur « égoïsme insolent et criminel ». Seul le peuple, dont le « mal n’est pas aussi désespéré », lui semble pouvoir faire l’objet d’un espoir[16].

Tel est le sens de sa lettre du 31 août 1850 à Mgr Gaume, Protonotaire apostolique, et de celle du 26 novembre 1851 à S.M. la Reine Mère Marie-Christine. « La question est, dit-il à cette dernière, de distribuer convenablement la richesse, qui est mal répartie. Voilà, Madame, l’unique question qui agite aujourd’hui le monde. Si les gouvernants ne résolvent pas le problème, le socialisme le résoudra en mettant à sac les nations. Ce problème ne peut plus être maintenant résolu pacifiquement que d’une seule manière. Il faut que la richesse accumulée par un égoïsme gigantesque soit distribuée en larges aumônes ». Les « larges aumônes » qu’il préconise ne sont pas de simples actes de charité, mais des actes de justice chrétienne. Il considère que la charité ne peut pas rester strictement interindividuelle et que le pouvoir doit intervenir sans délai. Ces « larges aumônes » seront le premier exemple, « le point de départ de la complète restauration de l’esprit du catholicisme dans la législation économique et politique[17] ».

Utopique, son affirmation de la nécessité d’une profonde réforme morale, seule capable de sauver les peuples dont les mœurs se sont perverties, diront les esprits qui se proclament « progressistes ». Mais n’est-ce pas une plus grande utopie que d’attendre d’une simple modification des institutions politiques, voire d’une transformation des structures économiques ou de la victoire d’un parti ou d’une classe l’avènement d’une communauté dans laquelle toute contradiction disparaîtrait ? Donoso n’est sans doute qu’un précurseur du catholicisme social dans sa version traditionaliste, comme Lacordaire ou Ozanam le sont dans sa version libérale et démocrate-chrétienne, mais Donoso a du moins le grand mérite d’agir et non pas seulement de prêcher. Distribuant généreusement aux indigents la plus grande partie de ses émoluments, il prêchait par l’exemple. à Paris, les Petites Sœurs des Pauvres n’avaient pas de serviteur plus dévoué et plus charitable.

L’Europe devant l’Essai et la lettre au cardinal Fornari

Il n’est pas possible de condenser en quelques lignes un ouvrage aussi riche en réflexions et en suggestions que l’Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851). Mais avant toute autre considération, il faut souligner l’idée fondamentale : un monde séparé de Dieu est métaphysiquement impossible, « toute grande question politique et humaine suppose et enveloppe une grande question théologique »[18]. L’Essai est un défi à toutes les idées à la mode, une opposition résolue et consciente à la mentalité moderne. Face à la foi illimitée dans la science, dans la raison, dans l’humanité, dans le progressisme, Donoso énonce les principes sur lesquels la société doit être construite depuis la Rédemption, c’est-à-dire les doctrines que l’Église enseigne depuis des siècles.

Donoso juge les idées dominantes, les compare à la doctrine catholique et montre leur radicale inefficacité à résoudre les problèmes vitaux auxquels l’homme a toujours été confronté. Il voit le monde divisé en deux civilisations, celle du catholicisme et celle du philosophisme, entre lesquelles il existe un abîme infranchissable. L’un et l’autre sont radicalement opposés, ils se combattent sans relâche. Donoso rejette et nie tous les systèmes rationalistes qui reposent sur le principe que la raison est indépendante de Dieu et que toutes choses relèvent de sa compétence. Du libéralisme, affirmation dogmatique de l’indépendance absolue de la raison individuelle et sociale, il dénonce non seulement l’infaisabilité pratique, mais aussi les contradictions théoriques. « Une école libérale qui jamais n’ose dire : J’affirme, qui n’ose pas non plus dire : Je nie, mais qui répond toujours : Je distingue. L’intérêt suprême de cette école est que le jour des négations radicales ou des affirmations souveraines n’arrive pas, et, pour l’empêcher d’arriver, elle a recours à la discussion, vrai moyen de confondre toutes les notions et de propager le scepticisme »[19].

L’essence du libéralisme est de négocier, de discuter. Tout comme il discute et fait des compromis sur chaque point de détail de la politique, il dilue, dit-il, la vérité métaphysique dans la discussion. Si les libéraux se limitent à reléguer Dieu au ciel comme une chose inutile, à l’exiler ou à le pousser dans un coin, les socialistes, plus cohérents, le renient simplement. C’est pourquoi Donoso méprise les libéraux tout en respectant le socialisme comme l’ennemi mortel en qui il reconnaît une grandeur diabolique. Le libéralisme n’est, pour lui, qu’une solution bâtarde qui ne vénère, sous le nom d’ordre, rien d’autre que l’équilibre statique de pouvoirs commodément dosés. « Si la société est saine et bien constituée, dit Donoso, sa constitution sera assez forte pour subir impunément toutes les formes possibles de gouvernement ; si elle n’est pas capable de les porter, elle est faible ou malade. Le mal ne peut être conçu que comme un vice organique de la société ou comme un vice de constitution de la nature humaine ; pour le faire disparaître, ce n’est donc pas la forme du gouvernement, c’est ou l’organisme social ou la constitution de l’homme qu’il faut changer « [20].

En d’autres termes, explique Jules Chaix-Ruy[21], soit l’aliénation de l’homme provient d’un vice inhérent à l’organisation sociale, soit elle est le résultat d’une perversion originelle de sa volonté, dont les désordres sociaux, les contradictions économiques et les conflits politiques ne sont que le reflet. « Entre socialistes et catholiques, proclame Donoso, il n’y a sur ce point qu’une différence : les catholiques affirment que le mal vient de l’homme et la rédemption de Dieu ; les socialistes affirment que le mal vient de la société et la rédemption de l’homme »[22]. Pour le socialiste, le mal disparaîtra dès que la question sociale sera résolue. Pour le catholique, il ne peut disparaître que par une intervention surnaturelle. Pour les uns, il est nécessaire de travailler à la fondation d’une véritable communauté sans conflits de classes. Pour les autres, il faut recréer la communauté en l’ordonnant à Dieu ; il faut redresser la volonté de l’homme, l’orienter vers son principe et sa fin. Comparées aux problèmes sociaux et religieux, les questions d’institutions politiques et de gouvernement ne sont rien. C’est pourquoi le débat réel, tragique, la lutte finale sera entre le catholicisme et le socialisme athée.

Les pages de l’Essai se perdent souvent dans de longues digressions théologiques. Les principales attaques sont dirigées contre l’anarchisme de Proudhon ou le socialisme d’Owen, et non contre le socialisme dit « scientifique » de Marx. Le style semble aujourd’hui un peu emphatique, mais malgré ses défauts, la force de l’œuvre est considérable. L’illusion du XIXe siècle résidait dans l’association du progrès, de la technique et de la science à celui de la liberté et de la perfection morale de l’homme, dans la conception uniforme du progrès.

Donoso voit l’essentiel et le proclame : la pseudo-religion de l’Humanité, la doctrine de l’immaculée conception de l’homme, est le début du chemin qui mène à la terreur inhumaine. Un siècle plus tard, Hannah Arendt dira que le rêve de l’homme idéal est le début de tous les totalitarismes et que la terreur totalitaire ne vient pas de la folie furieuse d’un autocrate, mais de la planification d’un paradis terrestre.

L’Essai a été rédigé au printemps et au début de l’été 1850. Le 7 août, le manuscrit terminé est envoyé à Louis Veuillot. Selon l’auteur, il contient les principes généraux qui serviront de point de départ à un travail plus ambitieux. Le texte est aussitôt traduit en Français et révisé[23].

Les observations, suggestions et corrections faites par de savants amis sont suivies à la lettre. Lors des premiers mois de 1851, Donoso est en contact permanent avec l’éditeur français. Enfin, le 18 juin, quelques jours après la parution de l’édition espagnole à Madrid, l’Ensayo est publié à Paris. L’effet est retentissant. Des journaux comme La Gazette de France, Le Messager, La Patrie, L’Ordre, L’Univers et Le Messager de L’Assemblée en font l’éloge, d’autres s’en font l’écho. Plusieurs éditions sont bientôt publiées en Allemagne et en Italie. Une traduction italienne, basée sur la traduction française, paraît en 1852 à Foligno, dans les États romains, avec la double autorisation de l’évêque de la ville et du Saint-Office. Elle est accompagnée de notes destinées à éviter les fausses interprétations auxquelles des passages, pris isolément, pourraient donner lieu.

L’Essai est loué, mais aussi critiqué et parfois violemment attaqué. Aux yeux de ses adversaires, Donoso est le plus radical des contre-révolutionnaires, un réactionnaire extrémiste, un mystique apocalyptique, un conservateur défenseur du fanatisme médiéval, un obscurantiste, un demi-fou, un représentant de la barbarie médiévale, un apôtre de la violence, pire, un ennemi de l’humanité. Le message est clair : auteur dangereux, à ne pas lire ! Même dans la revue parisienne, très conservatrice, Revue des Deux Mondes, Albert de Broglie prétend que Donoso idolâtre le Moyen Âge et conseille à l’Église de chercher une domination universelle et absolue.

Le 15 novembre 1852, l’incriminé s’explique dans une lettre non publiée : « Dans le Moyen Âge, c’est uniquement la création de l’Église que je trouve admirable […] Le Moyen Âge, même au milieu de la confusion de toutes choses, était dominé par le principe catholique, tandis que les sociétés modernes, même au milieu de l’ordre matériel, sont dominées par l’esprit révolutionnaire […] Il ne s’agit pas ici […] de la question de savoir si la suprématie appartient au sacerdoce ou à l’empire ; il s’agit seulement de savoir s’il est avantageux ou non à la société civile de recevoir de l’Église les grands principes de l’ordre social, s’il lui est avantageux ou non d’être chrétienne… ».

Donoso insiste à nouveau sur sa condamnation de la monarchie absolue « négation de la monarchie chrétienne ». « Un pouvoir sans limites, dit-il, est un pouvoir essentiellement anti-chrétien, qui outrage à la fois la majesté de Dieu et la dignité de l’homme ». Il réitère sa dénonciation du parlementarisme qui introduit la guerre dans l’esprit, qui partout affaiblit et énerve. Il ne condamne pas le Parlement, mais le parlementarisme, pas la liberté, mais le libéralisme, pas des formes de gouvernement, mais des doctrines et des principes. Il conclut : « Dieu […] condamne toujours les peuples disputeurs à la servitude »[24].

Dans sa longue lettre Sur le principe qui engendre les erreurs les plus graves de notre temps, adressée au cardinal Fornari le 19 juin 1852, Donoso résume sa thèse fondamentale : les conceptions morales, politiques ou économiques et toutes les manifestations de la vie humaine dépendent en définitive du concept que l’on a de Dieu. Il conclut : « …l’ordre hiérarchique, immuable en soi, que Dieu a mis dans les choses, a été méconnu ou faussé. Cet ordre établit la supériorité hiérarchique de tout ce qui est surnaturel sur tout ce qui est naturel et, par conséquent, la supériorité hiérarchique de la foi sur la raison, de la grâce sur le libre arbitre, de la providence sur la liberté humaine, de l’Église sur l’État ; et pour tout dire en un seul un mot, la supériorité de Dieu sur l’homme « [25].

Les interminables polémiques françaises sur l’Essai

Donoso ne se laisse pas décourager par les critiques sévères et implacables formulées à l’encontre de l’Essai par les camps libéral et socialiste, athée et agnostique. En revanche, il est profondément affecté par les accusations de certains milieux catholiques. Un an et demi après la parution de l’ouvrage, la revue catholique libérale, L’Ami de la Religion, publie une diatribe passionnée de l’abbé Gaduel, vicaire général de l’évêque d’Orléans, Mgr Dupanloup. Gaduel accuse publiquement Donoso d’erreurs grossières. Il prétend prouver que l’Essai contient presque toutes les hérésies qui ont affligé l’Église : trithéisme, luthéranisme, calvinisme, baïanisme, jansénisme, fatalisme, lammenaisisme, pseudo-traditionalisme ; bref, la charge est si féroce et si excessive qu’il ne manque plus que l’accusation d’athéisme.

L’Essai est en fait l’occasion rêvée pour les catholiques libéraux d’attaquer le traditionaliste, ultramontain, Louis Veuillot, rédacteur en chef de L’Univers. Veuillot, ami de Donoso et rédacteur de l’introduction pour le public francophone de l’Essai, était un brillant écrivain et journaliste, défenseur intransigeant du catholicisme romain et monarchique contre le catholicisme gallican et libéral. Veuillot se déclarait par ailleurs partisan de tous les régimes tant qu’ils servent le catholicisme. Il avait donc un grand nombre de partisans, mais aussi de farouches opposants. C’était un laïc et les clercs libéraux essayaient de taire sa voix influente en faisant valoir que les laïcs ne pouvaient et ne devaient pas intervenir dans les questions théologiques.

Chaque camp comprenait d’éminents intellectuels séculiers et de prestigieux représentants de l’Église. Conscient de la manœuvre, Donoso refusa d’entrer dans la controverse et se limita à écrire une lettre ouverte au directeur de L’Univers, le 23 janvier 1853 : « Il me suffit de savoir que l’on m’accuse d’être tombé dans un si grand nombre d’hérésies pour déclarer, comme je le déclare, que je condamne tout ce qu’a condamné, tout ce que condamne, tout ce que peut condamner à l’avenir, dans les autres ou dans moi, la sainte Église catholique, dont j’ai le bonheur d’être le fils soumis et respectueux[26]. »

À Turin, des érudits ecclésiastiques prennent sa défense. Dans un article d’Armonia traduit et publié par L’Univers, le 21 janvier, ils affirment que les censures de Gaduel ne sont pas fondées. « Si le critique voulait exécuter sur l’un des ouvrages de saint Augustin le travail anatomique qu’il fait subir à Donoso Cortés, nous croyons que le saint docteur s’en trouverait fort mal ». La controverse culmine. Mais le marquis de Valdegamas y met fin soumettant publiquement son livre, ses opinions et sa personne au jugement de Rome. Le 24 février 1853, il envoie l’Essai au Pape, accompagné d’une lettre et de tous les éléments relatifs à la controverse. Apaisé, il attend.

Le 23 mars, Pie IX répond par une lettre très affectueuse ; le 16 avril, la Civilta Cattolica, organe faisant autorité dans la tradition théologique, qui exerce une influence universelle sur la pensée catholique, examine attentivement les objections soulevées par l’Essai. La revue du Vatican affirme finalement l’orthodoxie des doctrines professées par l’auteur. Elle a, soulignons-le, la réputation de combattre avec ténacité l’immersion confusionniste de la foi et de la Révélation dans la tradition sociale et l’autorité humaine, tout en dénonçant fermement la pensée du traditionalisme philosophique saturé de sentimentalisme romantique, de symbolisme théosophique, d’absolutisme théocratique et de légitimisme féodal. Or, la revue romaine reconnaît en Donoso l’héritier des modes d’expression reçus de la tradition des Saints Papes et des Pères de l’Église, et dans son œuvre une compréhension authentiquement théologique et surnaturelle de la réalité catholique.

La Civilta Cattolica paraît avec l’imprimatur du Maître du Sacré Palais. Son verdict est donc d’une importance capitale. Et il ne laisse pas de place au doute. En voici les phrases clés : « Le marquis de Valdegamas est connu des catholiques, et il doit être cher à nos lecteurs, qui ont déjà eu l’occasion d’admirer l’élévation de son génie et la noblesse de ses doctrines […] Sans se laisser effrayer par les difficultés de son sujet, le grand écrivain l’aborde hardiment […] répandant autour de lui des torrents de lumière qui rendent accessibles, même aux intelligences communes, les questions les plus abstraites et les plus ardues […] On ne sait ce qu’on doit le plus admirer, la magnificence du style ou la beauté du plan, la clarté et la hauteur des pensées ou la vigueur de l’argumentation et la vivacité pénétrante de la polémique, la profondeur de la doctrine ou la pureté de la foi et la noblesse d’un sentiment toujours élevé, généreux, éminemment catholique, qui est l’attribut particulier de cette nation espagnole dont le marquis de Valdegamas est une gloire […] Autant que l’on peut en juger par son ouvrage et certains passages d’une de ses lettres, [il] s’est nourri de la lecture des Pères ; il s’en est approprié la substance, et ses écrits portent l’empreinte des locutions, des figures, des comparaisons qui étaient en usage de leur temps, alors que le langage théologique n’avait pas encore atteint cette unité et cette perfection qu’il a eu depuis. En fait, nous croyons pouvoir dire sans trop de témérité que toutes ou presque toutes les expressions relevées par son critique se retrouveraient facilement, sous une forme semblable ou équivalente, dans les écrits des anciens docteurs les plus célèbres […]. À vrai dire, nous ne pouvons qu’admirer comment un laïc formé ailleurs que dans un séminaire ou dans l’enceinte sacrée d’un cloître possède si complètement l’économie de la science théologique et pénètre d’une manière aussi sûre dans les mystères les plus élevés et les questions les plus délicates. »

L’auteur de l’article, vraisemblablement le père Luigi Taparelli d’Azeglio, le plus célèbre théologien et philosophe du Vatican, indique clairement de quel côté se trouvent la présomption, l’ignorance et la témérité. Se référant directement au critique de Donoso, il censure l’« exagération d’un esprit excité » et conclut : « Que dirait le critique, lui-même ecclésiastique et maître dans les sciences sacrées, si l’on voulait peser chacune de ses paroles et scruter chacune de ses propositions ? Nous ne voudrions assurément pas pour notre compte, accepter comme article de foi ce qu’il affirme ça et là, même dans les matières les plus délicates[27]. » Le coup est très dur pour le censeur Gaduel ; l’accusateur devient l’accusé.

Le pape Pie IX a non seulement refusé de condamner l’Essai, mais il est intervenu pour lever l’interdiction de lire L’Univers qui avait été imposée par l’archevêque de Paris (Mgr Sibour). Enfin, pour couronner le tout, le Pape a inclus Donoso dans la liste des experts, ecclésiastiques et laïcs, chargés des travaux préparatoires de l’encyclique Quanta Cura et du Syllabus. Bien entendu, ni le clerc imprudent, qui s’était érigé en champion de l’orthodoxie contre Donoso, ni ses supérieurs n’admettront la défaite. L’Ami de la Religion refusa de dire un seul mot à ses lecteurs qui leur fasse soupçonner l’existence ni des approbations des réviseurs de l’édition de Foligno, ni des éloges de la revue ecclésiastique Armonia, ni bien sûr du jugement de la Civilta Cattolica.

La passion déchaînée par l’Essai résistera même à la disparition de son auteur. Des théologiens de la stature de Garrigou-Lagrange, célèbre théologien néo-scolastique et thomiste, voire un saint comme Don Bosco, pourront manifester leur respect et leur affection pour la figure et l’œuvre de Donoso, rien n’y changera. L’antipathie et la haine des adversaires ne s’éteindront jamais.

La mort d’un chrétien

Le 3 mars 1853, avant son 45e anniversaire, Juan Donoso Cortés meurt d’une crise cardiaque à la légation d’Espagne à Paris. Son ami Louis Veuillot et son biographe Jacques Melchior Villefranche relatent avec émotion ses dernières paroles[28]. Le docteur Cruveilhier ayant dit à la sœur de Bon Secours qui s’occupait du malade : « Vous soignez là un malade comme vous ne devez pas en avoir beaucoup ; c’est un vrai saint ! » Donoso l’entendit ; se redressant pour s’asseoir, il apostropha durement le médecin : « Que dites-vous, Monsieur Cruveilhier ? Avec de telles idées, on me laissera au purgatoire jusqu’à la fin des temps. Moi, un saint ? Je suis le plus faible des hommes. Quand je suis avec de braves gens, ils me font du bien, mais si je vivais avec de mauvaises personnes, je ne sais pas ce que je serais ! » Puis, regardant son crucifix, il ajouta : « Vous le savez, mon Dieu, que je ne suis pas un saint ! » Lorsqu’on lui annonça l’arrivée de l’envoyé personnel de l’Empereur, il le remercia d’un signe de tête et, regardant le crucifix, murmura simplement : « Pourvu que lui s’intéresse à moi, c’est tout ce dont j’ai besoin. »  

Célébré en l’église Saint-Philippe du Roule, l’office funèbre de Don Juan Donoso Cortés, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. la Reine Isabelle auprès de Napoléon III, empereur des Français, revêtit une solennité exceptionnelle. Selon un témoin de l’époque : « M. Quiñones de León, Marquis de San Carlos, Chargé d’Affaires depuis la mort du Ministre, présidait le deuil avec Monseigneur Garibaldi, Nonce de Sa Sainteté à Paris. Le carrosse était tiré par six chevaux et les cordons du drap funéraire étaient tenus par plusieurs ministres français et étrangers et des ambassadeurs. Le corps diplomatique suivait, en grande tenue, la tête découverte. Napoléon III était représenté par l’un de ses aides de camp. Tous les ministres français étaient présents en uniforme, ainsi que les présidents du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d’État, le cardinal-archevêque de Bordeaux, des ducs, des maréchaux, des publicistes, le comte de Montalembert, le baron Rothschild et tous les Espagnols importants qui se trouvaient à Paris, dont le général Narvaez, le duc d’Osuna et le marquis de las Marismas. Un bataillon de sapeurs avec armes rendait les honneurs. Au fond de tous les cœurs, il y avait une profonde et sincère tristesse. Nul n’ignorait la fidélité, l’honnêteté, la noblesse et la générosité de Donoso. Depuis les dernières années de sa vie, ses actes avaient pris le pas sur ses écrits.

On a souvent répété qu’en réduisant le phénomène révolutionnaire à une simple négation, Donoso Cortés n’a pas su anticiper la réorientation vers des revendications d’égalité démocratique, ni l’amélioration ou la possibilité du rétablissement ultérieur du lien social. Mais les événements récents ont atténué les sourires sarcastiques de beaucoup : tout particulièrement, la chute du mur de Berlin en 1989, l’attaque des tours jumelles en 2001, la crise financière en 2008 et la guerre d’Ukraine en 2012. L’optimisme irrationnel a disparu…. Chaque jour, nous entendons les personnes les plus diverses déplorer l’effondrement des valeurs structurantes : la religion, le sens de l’appartenance à une communauté, l’esprit de famille, la discipline éducative, l’éthique du travail bien fait… Les critiques donosiennes de l’individualisme, du collectivisme, du matérialisme, de l’économisme et du grand mortier mondial semblent devenir plus audibles.

Ce que le marquis de Valdegamas ne pouvait ni savoir, ni imaginer, c’est qu’une fois les idées chrétiennes devenues folles (Chesterton, Bernanos), les sociétés occidentales connaîtraient un redoutable affaissement de la distinction entre politique et religieux et, par la volonté expresse de leurs élites mondialisées, une terrifiante soumission de leurs peuples à la morale renouvelée des droits de l’homme érigée en nouvelle religion séculière ou d’État.

Mais Donoso lègue néanmoins un message qui est somme toute d’une étonnante actualité. L’essence de sa pensée peut être résumée en quelques mots : la religion est la clé de l’histoire. Une société qui perd sa religion perd tôt ou tard sa culture. Les idées fondamentales qui façonnent l’Europe et l’Occident sont pratiquement toutes d’origine chrétienne ou ont été retravaillées et réadaptées par le christianisme[29]. Le déclin de l’Europe et de l’Occident trouve son origine dans la séparation radicale de la religion et de la culture. Nier les racines chrétiennes, c’est renoncer à la fois à l’Europe et à l’Occident historiques et à l’Europe et à l’Occident possibles. Un point de vue très contesté aujourd’hui par la classe politico-médiatique, mais qui n’en mérite pas moins d’être pris en considération et médité.

Arnaud Imatz


[1] https://www.comunidad.madrid/noticias/2023/05/06/comunidad-madrid-presenta-catalogo-virtual-donoso-filosofia-politica-servicio-monarquia

[2] Voir : Obras Completas de Donoso Cortés, I et II, BAC, 1970 ; en français : Œuvres de Donoso Cortés, I, II et III, Librairie d’Auguste Vaton, Éditeur, 1858 ; Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, avant-propos d’Arnaud Imatz, DMM, 1986 et Juan Donoso Cortés – Théologie de l’histoire et crise de civilisation, Introduction, textes choisis et bibliographie de Arnaud Imatz, Les Éditions du Cerf, 2013.

[3] Voir : Correspondance à Monsieur Albéric de Blanche, marquis de Raffin, 21 juillet 1849, Œuvres de Donoso Cortés, II, p. 119 ; « Carta a Blanche-Raffin », Obras completas de Donoso Cortés, II, Madrid, BAC, 1970, p. 342.

[4] Jean-Louis Harouel – Le vrai génie du christianisme, Laïcité, Liberté, Développement, Jean-Cyrille Godefroy, 2012, p.8.

[5] Santiago Masarnaú était un musicien romantique, libéral, qui s’était converti au catholicisme en 1838. Ami de Mendelssohn, Rossini et Paganini, mais aussi de Frédéric Ozanam, Masarnaú devait consacrer sa vie à la création et au développement des Conférences de Saint Vincent de Paul en Espagne (voir : Federico Suarez Verdaguer – Santiago Masarnaú y las conferencias de San Vicente de Paul, Madrid, Rialp, 1994)

[6] « Discours sur la dictature », Œuvres de DC, I, p. 316, 319, 325, 331.

[7] Primo Siena – « Categorias de la pólitica », Arbil, nº 100.

[8] Carl Schmitt – Glossarium. Aufzeichrungen der Jahre 1947-1951, Berlin, Duncker & Humblot, 1991, p. 40.

[9] « Polémiques avec divers journaux de Madrid, Œuvres de DC, I, 360-362.

[10] « Lettre de DC à Montalembert », 26 mai 1849, Œuvres de DC, I, p. 349.

[11] « Discours sur la situation générale de l’Europe » dans Œuvres de DC, I, p.385.

[12] Régis Debray – « Le retour de l’histoire », in Le Monde, 17 novembre 1989, p. 2.

[13] « Discours sur la situation générale de l’Europe », Œuvres de DC, I, p. 400-401.

[14] « Lettre à Louis Veuillot », Œuvres de DC, II, p. 473-475.

[15] « Lettre à Monsieur le duc de Valmy », Œuvres de DC, II, p. 131-132.

[16] « Lettres à Mgr Gaume », Œuvres de DC, II, p. 193-195.

[17] « Lettre à la Reine mère Marie-Christine de Bourbon », Œuvres de DC, II, p.161-167.

[18] C’est le titre du premier chapitre, du premier livre, de l’Essai.

[19] Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, avant-propos Arnaud Imatz, réimpression tome III de l’édition de 1858, DMM, 1986, p. 55-58.

[20] Essai, p. 226.

[21] Jules Chaix-Ruy, Donoso Cortés : Théologien de l’histoire et prophète, Beauchesne, 1956.

[22] Essai, p. 254.

[23] Comme tout bon diplomate de son époque, Donoso parlait et écrivait très correctement le français.

[24] « Lettre au directeur de la Revue des deux mondes », 15-11-1852, Obras completas de Donoso Cortés, p. 763-780.

[25] « Lettre au Cardinal Fornari », Œuvres de DC, II, p.238.

[26] « Carta al director de L’Univers », Obras completas de D.C., II, p. 971.

[27] Civiltà Cattolica, IV (1853), série II, vol. II, p. 171-188.

[28] Voir Jacques-Melchior de Villefranche – Dix grands chrétiens du siècle. O’Connell, Donoso Cortès, Ozanam, Montalembert, De Melun, Dupont, Louis Veuillot, Garcia Moreno, De Sonis, Windhorst, Paris, Bloud et Barral, 1892, p. 17-19.

[29] Parmi les nombreux livres sur le sujet, citons Jean-Louis Harouel – Le vrai génie du christianisme : Laïcité, liberté, développement, Éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2012 ; Dalmacio Negro – Lo que Europa debe al cristianismo, Unión Editorial, 2007 ; Christopher Dawson – Religion and the Rise of Western Culture, Sheed and Ward, 1950 ; Thomas E. Woods Jr. – How the Catholic Church Built Western Civilisation, Regnery, 2012 ; Rodney Stark – Bearing False Witness, Templeton Press, 2016.

© LA NEF, exclusivité internet, mis en ligne le 20 juin 2023.