Lectures Juin 2023

ENQUÊTE SUR LA DYSPHORIE DE GENRE
Bien comprendre pour aider vraiment nos enfants
PAULINE QUILLON

Mame, 2022, 160 pages, 15,90 €

Depuis quelques années, les cas de dysphorie de genre, terme médical caractérisant la détresse ou la souffrance de personnes face à un sentiment d’inadéquation entre son identité de genre et son sexe anatomique, semblent s’accroître de manière exponentielle chez les mineurs. En mars 2022, l’Académie de médecine lança une alerte à la prudence auprès du corps médical et des parents. Si désor­mais il est relativement accessible de répondre à cette souffrance réelle, parfois provisoire, par un lourd protocole de transition, celui-ci est souvent irréversible et source de nouvelles souffrances à l’âge adulte, lorsque la personne se rend compte que son consentement d’adolescent n’était pas éclairé ou qu’il n’a pas été entendu par le corps médical : en témoigne la multiplication de nombreuses révélations ou procès de jeunes regrettant leur transition. Alors que « l’attention vigilante » a cédé la place à la « démarche affirmative » qui se refuse à remettre en cause la demande de l’enfant, on observe dans certains pays très favorables à cette dernière démarche des revirements ou un retour au principe de précaution.
Cette enquête très complète et très riche, indispensable pour comprendre les enjeux de cette orientation, aborde à ce propos de nombreux points : juridique notamment quant à la question de l’état civil, quotidien quant à l’entrisme de ces théories dans les écoles encouragées par l’Éducation Nationale. La seconde partie s’attache à comprendre quelle philosophie, quels mouvements et surtout quels lobbies aux vertigineux pouvoirs financiers sont à l’origine de ce déferlement. En conclusion, l’auteur prodigue de nombreux conseils, incitant avant tout les parents à élever leurs enfants dans une vraie liberté.

Anne-Françoise Thès

ERNST KANTOROWICZ
GUILLAUME TRAVERS
Pardès, 2023, 128 pages, 12 €

Paru outre-Atlantique en 1957, ce fut seulement en 1989 (deux ans après la publication chez nous de L’Empereur Frédéric II, autre livre du même auteur donné trente ans auparavant) que Les Deux Corps du roi, maître-ouvrage d’Ernst Kantorowicz, sera proposé aux lecteurs français et reçu avec force louanges par la critique. À une date où, depuis assez longtemps, il avait quitté ce monde. Lui, Allemand né dans la bourgeoisie israélite, courageux combattant, la guerre venue, du terrible affrontement de Verdun, puis, l’an 1919, faisant le coup de feu contre les « rouges » à Munich en pleine ébullition. Happé aussi, un peu plus tard, par le mage, chantre d’une nouvelle communauté spirituelle et poète-éducateur Stefan George, au « cercle » duquel il allait appartenir et qui le mettra sur le chemin d’une puissante et bien étrange figure, propre à cultiver certaine vision nietzschéenne de l’histoire : Frédéric de Hohenstaufen. Peint d’abord, au long de sa vaste fresque de 1927, ce Hohenstaufen, comme un rénovateur de l’Antiquité romaine.
Mais, avec le nazisme bientôt en train d’établir son emprise, voici qu’arrive la période des difficultés croissantes, des menaces même. Notre homme espérait n’avoir pas besoin de garanties spéciales pour attester de ses « sentiments en faveur d’une Allemagne réorientée dans un sens national », et, néanmoins, le climat d’à présent se montre tel que rester dans son pays va devenir impossible. Succédant à une forme d’exil intérieur, le tardif départ de 1938 et le havre américain de 1939 furent l’exil définitif.
Professeur à l’université de Berkeley jusqu’en 1950, à celle de Princeton de 1951 à sa mort en 1963, Kantorowicz, historien et médiéviste, et qui s’est passionnément occupé de ces thèmes : la genèse et la nature de l’État européen, la royauté sacrée, les acclamations liturgiques, les rapports du spirituel et du temporel, etc., saura voir, à l’origine de l’État monarchique « abstrait », ensuite de l’État moderne, des changements de représentations. Bref, par sa mue vers la permanence, cet État émergent (Angleterre, France…) endosse des caractéristiques relevant initialement du seul domaine divin – autrement dit, quand la « Couronne », à compter du XlIIe siècle, est en passe d’acquérir une existence qui accole un corps allégorique et pérenne au corps physique et fragile du souverain. Dédoublement dont procéderait, au sortir de l’âge féodal, la lente impersonnalisation du pouvoir, entité étatique autonome, dotée d’une existence perpétuelle.
Les « deux corps » du roi pensés sur le modèle des « deux natures » du Christ ? Plus généralement, le monde des Lumières issu de concepts religieux sécularisés ? Et les grands principes structurants du politique transposés du christianisme au champ profane ? Kantorowicz nous plonge au milieu de ces questions complexes, embarrassantes. Que son dernier commentateur, aujourd’hui, tente d’aplanir.

Michel Toda

SITUATION DU CATHOLICISME AUJOURD’HUI
JEAN BORELLA
L’Harmattan, « Theoria », 2023, 282 pages, 28 €

Si le titre en est gentiment trompeur – il s’agirait plutôt de la « situation de la pensée de Jean Borella devant le catholicisme aujourd’hui » – ce fort ouvrage mérite le détour : les « borelliens », qui se comptent certainement en petites centaines, n’auront pas besoin de nous pour aller vers le dernier ouvrage du maître ; mais c’est certainement aux néophytes, ceux qui n’ont jamais entendu parler du catholique professeur d’université de Nancy, ou bien qui ne l’ont jamais lu, qu’il s’adresse. Recueil de textes de diverses époques, fort bien ordonné, il débute par une prière touchante et s’achève par une prosopopée mettant en scène « la religion ». Entre les deux, le philosophe et théologien parle en historien surtout, s’appesantissant sur les Pères, puis sur saint Thomas, enfin sur les mystères mariaux. Dans la lignée du cardinal de Lubac, il relit les premiers à l’aune de Vatican II et en conclut la perpétuelle actualité de l’Église. D’une langue agréable et accessible à tous, cet opus, souvent composé d’articles de revue, découvrira un panorama sûr, large et clair au lecteur curieux.

Jacques de Guillebon

BERNANOS MAÎTRE SPIRITUEL
FRÈRE ROBERT, osb
Préface de Sébastien Lapaque, Éditions Sainte-Madeleine, 2023, 340 pages, 17 €

Bernanos, auteur à contre-courant de l’idéologie dominante, suscite toujours nombre d’études. Encore un essai, donc, direz-vous ? Sans doute, mais celui-ci se démarque par sa qualité et sa profondeur. Vous ne trouverez pas ici une analyse des positions politiques de Bernanos, son engagement royaliste sans faille, son soutien à l’Action française face à la condamnation romaine de 1926, puis sa rupture avec Maurras en 1932 et ses longs démêlés avec l’ancien maître, sa virulente critique des exactions commises par les franquistes, sans pour autant soutenir les Rouges, ni la question de Vichy ou de la Résistance… non, comme son titre l’indique, le Père Robert, moine du Barroux, s’en tient à nous présenter le « maître spirituel » qu’a été Bernanos. Et il le fait avec une connaissance exhaustive de son œuvre, tout y passant, romans principalement, mais aussi écrits de combat, conférences, lettres ; et cela avec une rare finesse qui montre combien Bernanos était un génial observateur de l’âme humaine et combien il est toujours d’actualité de se mettre à son école.
À travers des chapitres thématiques précis, l’auteur cerne la personnalité spirituelle de Bernanos et ce qu’il nous enseigne. De l’esprit d’enfance à la place de l’espérance, en passant par le combat entre la grâce et le péché (Satan), Bernanos, qui pestait contre la tiédeur des catholiques, nous rappelle les exigences de notre foi et nous trace un chemin vers ce qui doit être le but de toute vie chrétienne : la sainteté. « Aux chrétiens, précisément, que dit-il ? demande le Père Robert. Que la foi n’est pas une assurance-vie pour l’éternité mais un risque qu’il faut courir ; que l’espérance n’est pas l’optimisme tourné vers les lendemains qui chantent, mais la victoire sur le désespoir ; que l’Église n’est pas un refuge fortifié pour quelques privilégiés mais un instrument de rédemption pour tous ; que l’Évangile n’est pas de la pieuse littérature inoffensive mais un fer rouge qui éclaire et brûle à la fois ; que le salut enfin n’est pas affaire individuelle mais fruit de la communion des saints. Plus fondamentalement encore, il rappelle aux disciples du Christ qu’ils sont appelés à être non le miel mais le sel de la terre (Mt 5, 13). »

Christophe Geffroy

FRANÇAIS, OUVREZ LES YEUX !
DRISS GHALI
L’Artilleur, 2023, 238 pages, 18 €

L’auteur est marocain, « élevé à l’ombre de la culture musulmane et de la civilisation française ». Ses parents lui ont « enseigné les valeurs françaises, dans leur versant cartésien, pour [s]’émanciper des dérives de [s]a culture d’origine qui a coulé ». Après de brillantes études (Centrale Paris et EDHEC), il se sent toujours « immigré » mais, dans son livre il lui arrive souvent de s’identifier aux « Français de souche ». Et il lui arrive aussi de parler comme Éric Zemmour : « Les voyous sont en grande partie issus des civilisations maghrébines et africaines qui n’ont tout simplement pas subi le mouvement de civilisation des mœurs propre à la France. » Il a des analyses lucides quand il parle de l’« abdication démographique » et note que les 200 000 avortements annuels sont surtout « le fait des femmes autochtones » et que « l’IVG n’est pas plébiscité par les femmes immigrées ».
Son livre est une sorte de radiographie de la France, souvent lucide et courageuse. Il estime en conclusion qu’« une révolution est en marche. Il y aura un avant et un après. Elle est ethnique, culturelle, émotionnelle, morale, esthétique et bien sûr économique et sociale ». Trois solutions sont possibles, selon lui : l’acceptation (espérer « une fusion réussie entre le substrat européen et les greffes arabes et africaines ») ; la révolte, en sachant qu’elle sera forcément celle d’une « minorité agissante » ; ou l’exil (« refaire la France ailleurs », à titre individuel).

Yves Chiron

LE PRIX DE LA JUBILATION
CHARLOTTE SEINCE
Artège, 2023, 218 pages, 17,90 €

Comme l’Histoire d’une âme de la petite Thérèse qu’elle admire tant, ce témoignage est une commande. Charlotte Seince y raconte, dans de brefs chapitres qui s’apparentent à des pensées, sa vie de souffrances – elle est atteinte de cryopyrinopathie, maladie auto-inflammatoire provoquant une réaction excessive du système immunitaire – son combat pour être totalement unie au Christ. « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu l’expliquer, mais il est venu la remplir de sa présence », disait Paul Claudel. Elle navigue de Bernanos aux Évangiles, d’Isaïe à Simone Weil pour réfléchir à ces questions : ces auteurs peuplent sa réflexion comme des amis invités à la discussion. Norme, société, éducation, médecine, pleine conscience, prière, incarnation, compassion, espérance, amitié, dignité, progrès, euthanasie ; les sujets sont variés mais tout semble cohérent, bâti sur le roc. 
Sa « jubilation » ne tient pas à cette souffrance inouïe qui échappe aux médecins, elle n’est pas une posture intellectuelle désincarnée, elle est la rencontre du Christ qui se manifeste au cœur de cette souffrance, au plus profond d’elle-même : c’est la jubilation de se savoir aimée infiniment, de savoir que le Christ l’appelle à être sainte et non pas « normale », c’est la jubilation de l’espérance d’une éternité de contemplation de son Seigneur. 
Est-ce un hasard si ce témoignage paraît au cœur des débats sur « l’aide active à mourir » (quelle mascarade !), l’euthanasie et le suicide assisté ? C’est peu probable. Elle qui n’a ni santé, ni diplôme, ni réussite sociale, ni époux, ni enfants, que vaut donc sa vie ? Que vaut une vie qui peut se laisser surprendre à tous moments par la souffrance et qui ne peut rien prévoir, rien asseoir ? Que vaut une vie si évidemment fragile ? Elle vaut le prix du sang du Christ.

Constance de Vergennes

EN ARRIVANT AU PARADIS
RICHARD DE SÈZE
Cerf, 2023, 158 pages, 14,90 €

L’arrivée simultanée de Sœur Roseline au Paradis et, au Purgatoire, de Christophe Pouzulu, célèbre éditeur d’une non moins célèbre collection littéraire imprimée sur papier bible, nous vaut ce petit opuscule plein d’humour, tel un petit guide de ces lieux chargés de mystères. N’espérez pas trouver là un traité complet de théologie, d’ailleurs l’auteur avertit de certaines omissions, mais une visite guidée du Ciel par nos deux protagonistes avec en contrepoint, une petite hymne aux prières en souffrance, celles promises et jamais dites, et qui s’entasseraient en ce haut lieu.

Anne-Françoise Thès

L’INVENTION DE LA FAMILLE OCCIDENTALE
THOMAS HERVOUËT
Salvator, 2022, 298 pages, 22 €

L’historien Thomas Hervouët nous plonge dans une histoire peu commune de la famille occidentale car il l’aborde sous l’angle de la littérature, à travers l’histoire des représentations. Les exemples littéraires qu’il donne depuis l’Antiquité grecque jusqu’au XXe siècle, permettent d’entrevoir une progression de la relation dans le couple. Le mariage d’amour s’ancre dans le plus lointain héritage de l’Occident. Dès Homère, on n’entrevoit plus le couple sous la simple nécessité de reproduction. Le foyer domestique est aussi un « foyer spirituel » : « Ulysse est un homme constitué parce qu’il peut se parler à lui-même, de ce qu’il a laissé derrière lui : Pénélope, fidèle épouse, infrangible abri. »
L’homme et la femme ne s’inscrivaient pas dans des rapports de domination, mais dans le cadre d’une relation complémentaire, notamment à l’époque médiévale. Des témoignages racontent que les hommes et les femmes sortaient ensemble dans des lieux de sociabilité, comme la taverne. « La société tout entière [était] animée par cette rencontre, ordonnée en vue de celle-ci. » Les auteurs les plus célèbres témoignent à travers leurs œuvres, de la construction du modèle occidental de la famille, monogame et hétérosexuel : Corneille, Marivaux, Saint-Simon… Thomas Hervouët dépasse le seul cadre de la littérature en étudiant de grandes œuvres cinématographiques comme celle d’Alfred Hitchcok, ou en passant par la peinture comme le tableau des époux de Van Eyck.

Pierre Mayrant

L’ÉVIDENCE
LUCAS TIERNY
Artège, 2023, 202 pages, 17,90 €

C’est l’histoire, touchante et contemporaine, et certainement touchante parce que contemporaine, de la conversion d’un jeune homme français à la foi catholique. Un jeune homme au nom banal, Lucas Tierny, et qui aurait pu continuer d’être n’importe quel étudiant d’école de commerce, superficiel, fêtard, mû seulement par les impressions de succès et l’appât de l’argent. C’est une histoire des années 2010, où la grâce, à son habitude, se manifeste si elle veut et où elle veut.
Venu de la classe moyenne, ce Lucas qui perd sa mère à 20 ans dans de tragiques circonstances, quoiqu’il tente de s’oublier dans l’alcool, les filles et le vice si répandu dans sa génération de se rêver en winner sur un modèle anglo-saxon, ce Lucas donc est bientôt rattrapé, de rencontres improbables en appels mystérieux, par la question du sens de sa vie, la présence de l’homme crucifié dans les églises, et le vide abyssal de son hédonisme. Enfant des œuvres du père Gréa à Lyon, il survit spirituellement au brusque changement de vie de ce prêtre charismatique, de même qu’aux calomnieuses accusations jetées contre le cardinal Barbarin ; il survit spirituellement à la mort accidentelle et injuste de cet ami qui fut son modèle de chrétien. Ce qu’il appelle ainsi superbement « l’évidence » n’en est pas du tout une, quand on le suit au fil de ses chapitres. Et c’est ce qui fait le sel de cette histoire que l’on peut dire inachevée : Lucas doit-il embrasser les ordres ? Doit-il demeurer un catholique laïc engagé au service des faibles et des pauvres ? Ce livre n’a pas de chute, si l’on ose dire : et c’est tant mieux. C’est un livre de compagnonnage où, même si l’on n’a pas l’âge du narrateur ni connu le même environnement, on redécouvre sous un tempérament différent les attaques communes et semblables du Malin, la même providence de la grâce, les mêmes embûches naturelles, les mêmes morts au monde, le même sempiternel recommencement. Et elle se situe peut-être là, l’évidence : il y a toujours un nouveau matin, aussi nouveau que ce qui est éternel, quoiqu’on ne sache ni le jour ni heure de sa manifestation.

Jacques de Guillebon

LA SAINTE RUSSIE CONTRE L’OCCIDENT
KATHY ROUSSELET
Salvator, 2022, 128 pages, 18,50 €

Dans cet ouvrage nourri de connaissances et au style clair, Kathy Rousselet, politiste spécialiste de la Russie contemporaine, se penche sur le rapport entre l’Église orthodoxe et Poutine. Elle montre comment de nouveaux rapports se sont tissés après la chute de l’URSS, dans lesquels les élites russes ont apporté un parrainage à la renaissance de l’Église orthodoxe tout en se servant de l’orthodoxie comme d’une source de légitimité. Cela a notamment favorisé la constitution de multiples réseaux locaux et a entraîné en réaction une verticalisation accrue de l’Église orthodoxe sous la conduite du patriarche Kirill.
Elle examine comment une partie des élites russes et de l’Église orthodoxe convergent dans un discours mêlant hostilité à un Occident vu comme décadent, nostalgie pour la période tsariste, exceptionnalisme russe et… admiration de Staline et de l’URSS. Elle démontre que l’éloge des « valeurs traditionnelles russes » par Poutine est surtout lié à la reprise d’un discours de l’époque soviétique et que l’influence de l’Église orthodoxe sur ces sujets n’est réelle que lorsqu’elle converge avec les intérêts d’acteurs politiques.
Enfin, elle décrypte la manière dont la guerre en Ukraine redéfinit et perturbe la place que l’Église orthodoxe russe avait reconquise dans l’orthodoxie mondiale. Elle décrit notamment de manière pédagogique la situation complexe de l’orthodoxie ukrainienne divisée entre une Église autocéphale dynamique et une Église dépendant du patriarcat de Moscou mais s’éloignant de plus en plus vite de celui-ci.
Un ouvrage bref mais utile pour mieux comprendre les dynamiques de l’Église orthodoxe en Russie.

Rainer Leonhardt

SANDRA SABATTINI
Le Ciel n’attend pas
ABBÉ HUBERT LELIÈVRE
Artège, 2023, 168 pages, 15,90 €

Née en 1961, Sandra Sabattini, morte accidentellement en 1984 alors qu’elle venait de se fiancer, est proclamée bienheureuse le 24 octobre 2021 par le pape François. Cette jeune fille, étudiante en médecine, engagée dans la Communauté Jean XXIII, au service des marginaux et des handicapés et souhaitant être missionnaire en Afrique, manifesta depuis l’enfance une très grande vie spirituelle qu’elle consigna dans son journal. S’appuyant sur de nombreux extraits de ce journal, l’abbé Lelièvre nous permet de découvrir la vie de cette nouvelle bienheureuse, vie marquée par un choix décisif de Dieu, la prière, le combat spirituel, la joie et la gratitude.

Anne-Françoise Thès

RIEN N’ÉCHAPPE À L’HISTOIRE
Dans l’atelier des historiens
AMBROISE TOURNYOL DU CLOS
Salvator, 2023, 202 pages, 18,90 €

C’est un remarquable essai qu’Ambroise Tournyol du Clos, agrégé d’histoire, nous offre sur le travail et la vocation de l’historien et son rapport avec la vérité que celui-ci est amené à dévoiler. Certes l’histoire peut être sujette à manipulation, à contresens et il est indispensable de donner un sens au sens de l’histoire, mais parce qu’elle est traversée par le christianisme, elle s’inscrit dans une vision plus universelle et eschatologique. L’analogie du travail de l’historien avec un humble mais rigoureux geste artisanal est une magnifique réflexion sur son rôle et sa transmission, notamment son enseignement qui se doit d’être un chemin à vivre dans la vérité.

A.-F. T.

Romans à signaler

LA FACE CACHÉE DU DOLLAR
ROSS MACDONALD
Gallmeister, coll. Totem, 2023, 364 pages, 11 €

Nous avons eu l’occasion de présenter ici l’an dernier une réédition d’un « polar » de Ross Macdonald (1915-1983), auteur à succès américain des années 60-70 qui a créé le personnage du détective privé Lew Archer, incarné sur grand écran par Paul Newman. Dans ce roman de 1964, doté d’une nouvelle traduction, Lew Archer est engagé pour retrouver Tom Hillman, fils d’une personnalité riche et influente de Los Angeles, qui a disparu et semble avoir été enlevé. La demande de rançon accrédite cette thèse, néanmoins Archer découvre vite une affaire bien plus complexe qu’il n’y paraît, faisant remonter à la surface un passé trouble qui révèle les dessous peu ragoûtants de l’Amérique des nantis. Un polar classique bien ficelé et bien mené.

Patrick Kervinec

MOI, « BOB », CURÉ DE SAINT-FRUSQUIN
Histoire d’une crise
GÉRARD AUTHIER
Presses de la Délivrance, 2023, 212 pages, 19,50 €

Malgré un titre prêtant à sourire, cette petite chronique d’un désastre annoncé et de la lente agonie d’un certain clergé français de l’après-concile, gangrené par le communisme, la théologie de la libération et l’air du temps, se lit et se referme avec une infinie tristesse.

Oui, les prénoms ont été changés, à l’instar de ce petit astérisque qui renvoie à la fin d’un article d’une mauvaise actualité journalistique ; mais beaucoup d’entre nous ont connu ou reconnaîtront Robert, Georges, Didier et les autres… leurs œuvres et leurs victimes.

Pourquoi rouvrir ces pages douloureuses ? Peut-être parce qu’elles restent encore une explication aux dernières convulsions encore palpables aujourd’hui, peut-être surtout parce qu’en contrepoint c’est un hommage silencieux à ceux qui, dans une telle tourmente, surent rester fidèles à leur vocation de pasteurs fidèles à l’Église.

A.-F. T.

© LA NEF n° 359 Juin 2023, mis en ligne le 30 juin 2023