Le cardinal Müller en 2017 © Elke-Wetzig-Wikimedia

Cardinal Müller : Questions sur la GPA

Entretien publié en allemand sur https://kath.net/ le 27 septembre 2023. Nous en proposons ici une traduction exclusive réalisée par Jean Bernard.

Dieu a créé les êtres humains en tant qu‘hommes et femmes, ouvrant ainsi à la femme la possibilité d‘enfanter afin d’assurer la perpétuation de la société. Mais enfanter est considéré – pour reprendre les propos de Simone de Beauvoir – comme un esclavage institué au profit des hommes, comme une manière de disqualifier les femmes comme de simples « machines à enfanter », les soustrayant ainsi au processus de production économique. Toutefois, étant donné qu‘une société ne peut survivre que par ses enfants (outre que le régime actuel des retraites suppose de nouveaux cotisants…), il est nécessaire d‘assurer la relève des générations. Puisque certains membres de nos sociétés ne sont pas disposés à en passer par la maternité, rejetée comme prémoderne, la thérapie du « désir d‘enfant » a créé la possibilité, pour mener à bien la grossesse, de recourir aux services de femmes tierces dans le cadre d‘un contrat de service rémunéré, afin qu‘elles puissent porter un enfant. Cette prestation de service est appelée de manière minimisée « maternité de substitution » ou « gestation pour autrui » (GPA), alors qu’il s’agit en fait d‘une « maternité de location » en raison de la rémunération à laquelle elle donne lieu. Cette pratique soulève des questions éthiques que nous souhaitons aborder avec le cardinal Gerhard Ludwig Müller.

Lothar C. Rilinger (D.) : Selon notre système juridique, il est légitime de recourir à l‘aide d‘autrui lorsqu‘on n‘est pas en mesure de fournir soi-même le service souhaité. C‘est sur ce constat que repose notre système économique et juridique. Depuis qu‘il est possible de féconder artificiellement des ovules avec des spermatozoïdes et d‘implanter la cellule fécondée dans l’utérus de la femme, qui est en général la mère, l‘idée est venue d‘implanter l‘ovule fécondé dans l’utérus d’une femme tierce, cette dernière étant chargée du  processus de grossesse contre rémunération et tenue, à l’issue de ce processus, de remettre l‘enfant aux commanditaires. Toutefois, les intérêts de la « mère loueuse » et ceux de l‘enfant sont particulièrement affectés par cette « thérapie de fertilité ». Nous souhaiterions tout d‘abord aborder ceux de la mère loueuse. Est-il compatible avec la dignité de cette femme que, telle une esclave, elle mette son corps à disposition contre le paiement d‘une rémunération et n‘agisse ainsi que comme une chose, à savoir une machine à enfanter, sans jamais pouvoir assurer sa maternité ?

Cardinal Gerhard Ludwig Müller (m.) : Notre ordre juridique respose non pas sur la seule volonté du législateur à un moment donné, selon une conception qui ne serait que pur positivisme, mais sur la reconnaissance de la dignité inaliénable de l’être humain individuel. Cette reconnaissance est accessible à chacun par la raison naturelle, car sa négation signifierait la lutte sans merci de tous contre tous. Le darwinisme social, sous la forme du fascisme, du communisme et du lobby de l‘avortement, qui brasse des milliards, a été et reste l‘idéologie la plus meurtrière de toute l‘histoire de l‘humanité. Sans recourir à la Révélation surnaturelle, Emmanuel Kant (1724-1804) avait formulé l‘impératif moral dans le sens d‘une justification morale purement raisonnable : « Mais l‘homme n‘est pas une chose qui pourrait être utilisé comme un moyen, mais il doit être considéré à tout moment et dans toutes ses actions comme une fin en soi ». (Emmanuel Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs B 67). En effet, des personnes faillibles et marquées par la finitude ne sauraient décider du droit à la vie ou à la mort d’autrui. La vie n‘est pas un produit technique, mais un don immérité qui précède toutes nos pensées et toutes nos actions.

Le croyant juif ou chrétien reconnaît en outre que la dignité inhérente à la nature de l‘être humain est fondée sur le fait qu’il est créé à l‘image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 27 ; Ps 8, 6 ; Col 1, 15-20).

La reproduction sexuée et l‘éducation aimante des enfants est une mission confiée par le Créateur à une femme et un homme unis par un amour intégral. Même ceux qui défendent une pensée philosophique purement matérialiste ne peuvent que reconnaître le fait empiriquement prouvé que la procréation d‘un nouvel être humain est liée à l‘évolution de la dualité génétique du sexe masculin et du sexe féminin. (cf. Ulrich Kutschera, Strafsache Sexualbiologie. Darwinische Wahrheiten zu Ehe und Kindeswohl vor Gericht, Hambourg 2021).

C‘est un retour à la barbarie lorsque, dans les idéologies modernes sans Dieu du national-socialisme, du marxisme-léninisme et du capitalisme consumériste, l‘être humain est rabaissé au rang d‘instrument de la politique ou de marchandise. Il ne faut pas confondre le désir naturel d‘enfant, qui coexiste avec la masculinité ou la féminité de l‘être humain, avec un objet matériel de convoitise. L‘enfant n’est pas une chose, mais une personne. Lorsque l’homme et la femme s‘unissent corporellement dans la communauté aimante du mariage (c‘est-à-dire dans le respect qu’ils ont l‘un pour l‘autre en tant que personnes), ils s‘ouvrent à la possibilité de mettre au monde un enfant qui est le fruit de leur amour. Ils conçoivent leur enfant, en espérant le meilleur, comme une personne d‘une dignité inaliénable. La procréation humaine se distingue essentiellement de la procréation dans le règne animal ou de l‘élevage agricole par le fait que l’enfant qui vient au monde est reconnu, dans son être même, comme étant une personne échanppant  à toute instrumentalisation. Les parents ne possèdent pas leurs enfants comme s’ils en étaient propriétaires. Leurs enfants sont au contraire confiés à leurs soins et à leur amour, de la même manière qu’eux-mêmes, enfants, ont été seulement confiés à leurs propres parents et, personnes âgées, ils dépendront des soins prodigués par leurs propres enfants.

R. : Avec la prostitution, les femmes mettent leur corps à disposition pour que les hommes puissent, contre paiement, assouvir leurs pulsions sexuelles. Or, un tel « service » est considéré comme contraire aux bonnes mœurs, bien qu‘il soit soumis à l‘impôt sur le revenu. N‘est-il pas étrange que la prostitution soit considérée comme répréhensible, mais que la maternité de location deviennet juridiquement possible ?

M. : La législation étatique, à la différence de la loi morale naturelle dont Dieu est l‘auteur, émane d‘hommes faillibles et guidés par leurs intérêts personnels. Même dans le cas où il existe une véritable démocratie constitutionnelle et où un État de droit fonctionne un tant soit peu, il existe un risque permanent que les institutions étatiques soient capturées par des idéologues et corrompues par des mafieux. Ce n‘est qu‘un cynisme inhumain que de regarder comme de simples « services commerciaux » la prostitution commerciale, la pornographie légalisée ou l‘industrie du sexe, parce que ces activités reposent sur rien de moins qu‘une violation fondamentale de la dignité humaine. Même si quelqu‘un se prostitue volontairement et vend son corps pour la simple satisfaction du désir d‘un autre, il commet une grave injustice parce qu‘il a fait de sa personne une marchandise et a ainsi trahi sa propre dignité.

R. : Même si la maternité de prêt/de location est encore interdite en Allemagne, elle est déjà autorisée dans d‘autres pays. Peut-on imposer à un être humain le fardeau de savoir que, dans le cadre d‘un contrat de service, il a été porté par une femme qui lui est totalement étrangère pendant sa grossesse et que le lien ainsi créé a été rompu après que le service a été fourni ?

M. : La maternité de location et le modèle commercial capitaliste qui la sous-tend ne sont rien d‘autre qu‘un grave crime contre l‘humanité et le genre humain, tel qu‘il a été condamné moralement et juridiquement, à juste titre et de manière exemplaire, lors des procès de Nuremberg (1946) instruits contre l‘idéologie raciale biologiste des nationaux-socialistes. Puisque tout être humain est issu d‘une conception sexuée, il a le droit naturel de savoir qui est son père et qui est sa mère. Même si les tribunaux étatiques, en raison d‘une législation inhumaine, refusent ce droit, il est clair sur le plan du jugement moral que le refus opposé par le droit à la possibilité de connaître ses origines est un grave crime contre l‘humanité. En effet, par ce refus, il est officiellement attesté qu‘une personne est une chose qui peut être achetée et vendue comme dans une société esclavagiste ou qui, même après avoir été libérée, doit toujours porter la marque de l‘humiliation subie auparavant.

R. : On recherche de plus en plus les moyens d‘épargner aux femmes les affres de la grossesse. Dans ce contexte, le professeur de philosophie Anna Smajdor, qui enseigne en Norvège, a proposé d‘empêcher artificiellement les femmes en état de mort cérébrale de mourir afin de leur implanter des ovules fécondés pour qu‘elles puissent porter un enfant. La question liminaire qui se pose est de savoir si une femme en état de mort cérébrale est réellement morte alors même que ses organes peuvent être maintenus artificiellement en fonctionnement. Autrement dit, la « mort cérébrale » peut-elle déjà être considérée comme la mort ou n’est-elle qu‘une convention permettant de prélever des organes avant qu’ils ne deviennent inutilisables en raison de la décomposition ? En outre, l’utilisation comme « machines à enfanter » de personnes en état de mort cérébrale est-elle compatible avec l‘éthique chrétienne ?

M. : La mort cérébrale est une définition controversée de la mort effective en tant que séparation définitive de l‘âme (immortelle, selon les Chrétiens) et du corps mortel. Une fois que le principe moral de l‘inaliénabilité de la dignité humaine a été abandonné, les possibilités de la médecine moderne ne servent plus qu‘à déconstruire complètement la personne humaine. « C‘est précisément la malédiction de la mauvaise action : en continuant à engendrer, elle doit toujours donner naissance au mal » (F. Schiller, Les Piccolomini, acte 5, première apparition). Qui peut empêcher un navire inondé de sombrer?

La grossesse signifie la relation personnelle et charnelle la plus profonde entre la mère et son enfant. C‘est là que se noue, même après la naissance et jusqu‘à la fin de la vie et au-delà, le lien d’amour le plus tendre, qui est aussi un symbole de l‘amour le plus intime de Dieu pour nous les hommes (cf. Is 49, 14-16). L’idée d‘instrumentaliser une femme en état de mort cérébrale, voire une femme morte, contre sa volonté qu’elle ne peut plus exprimer, pour en faire une sorte d’incubateur organique, ne peut provenir que d’une imagination déshumanisée, qui réduit l’être humain à un biomatériau.

R. : Est-il envisageable qu’un être humain soit porté par un corps en état de mort cérébrale ? Et comment ce même être humain, une fois né, pourrait-il s’arranger avec le fait d’être né d’une « machine morte » ?

M. : Il est certainement terrible pour un être humain d‘avoir conscience d’avoir été maltraité comme une chose ou d’avoir été abusé comme un produit biologique dans la première phase de sa vie ou d’être victime de l‘industrie pornographique et de criminels pédophiles. On ne peut que prier pour que ces victimes rencontrent des personnes qui les reconnaissent en tant que personnes et les accompagnent dans l’amour et l’amitié. En effet, il restera toujours la  certitude que personne ne peut nous séparer de l‘amour de Dieu pour nous, ses fils et ses filles, dans le Christ Jésus (cf. Rm 8, 18-39). Nous pouvons vivre dans la consolation de savoir que, malgré tout le mal qui existe dans le monde et la souffrance que les hommes infligent à leurs semblables, l‘amour de Dieu perdure.

R. : Hypothèse différente de la précédente, on envisage également de recourir à des femmes en coma végétatif pour porter des enfants. Contrairement aux personnes en état de mort cérébrale, les patients en coma dépassé (ou végétatif) peuvent se réveiller. Puisque les patients en état végétatif conservent leurs fonctions physiques, ils pourraient également porter des enfants et les mettre au monde de manière naturelle, sans que les fonctions organiques soient maintenues artificiellement en vie. Cette possibilité pourrait-elle être mise à profit pour disposer de davantage de « machines à enfanter » ?

M. : Rendre enceintes des femmes en état végétatif sans leur consentement est moralement assimilable à un viol. La parentalité est une question de libre arbitre et de volonté de servir la volonté de Dieu de mettre au monde un nouvel être humain, une créature à son image et à sa ressemblance. Dans un monde où, avec 73 millions d‘enfants tués dans le ventre de leur mère, l‘avortement est la première cause de mortalité, il est proprement démoniaque d‘engendrer des enfants par tous les moyens techniques en dépit de toutes les règles fondamentales de la moralité.

R. : La maternité de location/de prêt est saluée comme un instrument de cette « thérapie du désir d‘enfant », comme un grand progrès de la médecine reproductive. En même temps, elle présente l’avantage de  préserver entièrement la force de travail de la femme (laquelle force pourrait être diminuée par une grossesse) et de la laisser dans le cycle de la production, pour reprendre un mot de Marx. Mais le fait de faire porter un enfant par une femme totalement étrangère n’est-il pas plutôt un retour à des temps pré-modernes et antérieurs aux Lumières, où le fait de qualifier une partie des hommes en tant que chose, c‘est-à-dire en tant qu‘esclave, était courante ? De sorte que le prétendu progrès se révèlerait être alors une régression flagrante, avec pour effet de rendre l’héritable même des Lumières nul et non avenu ?

M. : Emmanuel Kant qui, avec sa célèbre question « Qu‘est-ce que les Lumières ? » (1783) se voyait comme celui qui accomplit « l‘âge de la raison » (Thomas Paine), aurait condamné comme un recul de la civilisation le fait de disposer d‘autres personnes ou de son propre corps comme de simples objets matériels. L‘erreur de raisonnement consiste simplement à penser que les possibilités techniques peuvent repousser les limites du bien et du mal. Si les désirs personnels, les objectifs politiques ou les postulats idéologiques sont le critère suprême, alors nous arrivons inévitablement à la production d‘êtres humains en tant que marchandise que l‘on peut acheter et dont on peut se débarrasser si elle ne plaît pas.

R. Nous savons que les enfants adoptés se mettent un jour ou l’autre à la recherche de leurs parents biologiques afin de connaître leur origine et leur véritable famille. Qu’en est-il alors des enfants nés d‘un ovule ou d’un spermatozoïde étranger, ou des deux ?

M. : Il existe suffisamment de témoignages d‘enfants ainsi conçus qui, une fois adultes, souffrent de ne pas connaître leurs parents. Ces enfants ont été victimes de l’une des plus graves injustices. La faute en incombe aux politiciens aveugles et aux juges idéologiquement corrompus. Quant à la loi sur laquelle ces derniers peuvent s’appuyer, elle apparaît comme contraire à l‘esprit de vérité et de justice.

R. : Puisque vous vous êtes fermement opposé à toute forme d’avortement, la question se pose inévitablement de savoir quel sens pourrait avoir le diagnostic préimplantatoire, puisqu’il est utilisé pour détecter précocement des handicaps, afin que l’enfant à naître puisse être avorté ?

M. : Il ne s‘agit pas de mon opposition subjective à l’avortement, mais du fait qu’objectivement, l’avortement est le meurtre absolument injustifié d’un être humain sans défense et, théologiquement parlant, un péché mortel qui exclut son auteur du royaume de Dieu tant que ce péché n‘est pas repenti et pardonné. Le diagnostic préimplantatoire doit être évalué en fonction de son utilisation dans le cadre des principes éthiques. La médecine est destinée à guérir les maladies ou même à les éviter. Tout être humain conçu a droit à la vie dès le début de son existence, même s’il devient handicapé. La question de la distinction entre vie humaine digne d’être vécue et vie humaine non digne d’être vécue n‘est pas une discussion académique abstraite. Nous autres, Allemands, devrions être les plus avertis des crimes de masse contre l’humanité perpétrés contre des millions de nos semblables au moyen de cette distinction.

R. : Dans le cadre de la « thérapie du désir d‘enfant », les ovules fécondés surnuméraires peuvent être également utilisés pour produire des « pièces de rechange » destinées à l’enfant malade ou handicapé qui vient de naître. Cette production est-elle éthiquement défendable, étant donné que, à partir d’un ensemble d’ovules fécondés, un seul enfant doit voir le jour, tandis que les autres enfants à naître doivent être supprimés – comme des déchets ?

M. : L’amour du prochain le plus élevé est le sacrifice de sa propre vie pour les autres, comme l’a fait le père Maximilien Kolbe qui s‘est volontairement substitué à un père de famille dans le bunker de la faim du camp de concentration d‘Auschwitz. Le contraire est le sacrifice des autres pour sa propre vie, à l’instar de ce que Hitler a fait avec les jeunes dans la bataille de Berlin, en les envoyant cyniquement à la mort. Certes, s’agissant du cas particulier du don d’organe, le donateur peut agir pour le bien d’autrui. Mais cela doit se faire volontairement et dans le cadre de la loi morale naturelle.Toute autre est l’hypothèse où des êtres humains, y compris au stade le plus précoce de leur développement, sont instrumentalisés comme des pièces de rechange pour d‘autres et donc dépersonnalisés. Bien sûr, il faut faire tout ce qui est possible pour aider médicalement, psychologiquement et pastoralement les enfants et les adultes malades et handicapés. Mais cela a pour limite la dignité d’autrui, qui ne doit pas être réifiée. La loi fondamentale de l‘amour veut que l‘un vive de l‘autre, mais son contraire est la défense inconsidérée de mes intérêts au détriment de ceux de mon prochain, de sa vie, de son mariage et de sa famille, de son honneur et de ses biens, comme nous l‘enseigne le Décalogue.

En fin de compte, nous ne gagnons rien à vouloir acheter une vie longue et comblée de plaisirs avec le malheur des autres. Ce qui compte, c‘est le bilan final qui doit être dévoilé devant Dieu. « À quoi cela sert-il à l‘homme de gagner le monde entier, mais de perdre sa vie en même temps ? » ou, comme Faust, de vendre son âme au diable ? « À quel prix l‘homme peut-il racheter sa vie ? Le Fils de l‘homme viendra avec ses anges dans la majesté de son Père et rendra à chaque homme selon ce que ses actes auront mérité ». (Mt 16,26s).

R. : Pour finir, parlons d‘une situation dans laquelle les intérêts et les droits fondamentaux de deux groupes de personnes différents entrent en conflit, à savoir celle où un couple homosexuel masculin en désir d’enfant doit recourir à des ovules étrangers et à une femme étrangère pour porter l‘enfant. De deux choses l’une : ou bien, la maternité de location est interdite, et les droits des partenaires homosexuels sont alors affectés ; ou bien elle est autorisée, et le droit de l’enfant est nié. Dans sa proposition de règlement sur la reconnaissance transfrontalière de la parentalité, la Commission européenne part du principe que l‘interdiction de la maternité de substitution discriminerait précisément les couples homosexuels masculins, de sorte que l’intérêt de l‘enfant, c‘est-à-dire le bien de l’enfant, devrait passer au second plan, avec pour conséquence que la maternité de substitution devrait être autorisée. L‘intérêt de l’enfant devrait donc céder le pas à l‘intérêt des couples homosexuels masculins. Cette évaluation est-elle compatible non seulement avec l‘éthique chrétienne, mais aussi avec la loi morale de Kant, qui constitue le fondement de tout État occidental ? Peut-il y avoir un droit global exécutoire à la réalisation du désir individuel d’enfant au détriment de l‘enfant ?

M. : Les partenariats homosexuels ne sont pas des mariages entre un homme et une femme, même si l‘on pense pouvoir invalider la réalité par une confusion nominaliste des concepts. Les hommes politiques démocratiquement élus ont seulement le devoir de reconnaître les droits inhérents à la nature humaine, mais pas celui de les définir autrement en faisant usage de leur volonté de pouvoir. Là où cela se produit, la limite d‘un État totalitaire est franchie, qui avilit tyranniquement les êtres humains pour en faire une biomasse que les technocrates et les bio-ingénieurs peuvent remodeler à leur guise. Puisque, dans le mariage, l‘homme et la femme engendrent physiquement des enfants, ils sont aussi les seuls, en tant que parents, à avoir le droit inaliénable de les aimer et de les éduquer (sans préjudice des cas tragiques où les autres membres de la famille ou la communauté étatique doivent apporter une aide subsidiaire). Mais comme il n‘existe pas de droit naturel des personnes de même sexe à avoir un enfant qu‘elles ne peuvent pas engendrer par nature, elles ont d‘autant moins le droit de s‘approprier par des manipulations techniques une personne qui n‘est justement pas leur enfant commun. La vie humaine est engendrée par l‘amour mutuel de l‘homme et de la femme, les parents étant appelés à coopérer à l‘œuvre et à la volonté de salut du Créateur, et non par une manipulation de la nature, par laquelle le nouvel être humain est produit techniquement pour satisfaire des désirs égocentriques.

R. : Éminence, je vous remercie.

© LA NEF pour la traduction française réalisée par Jean Bernard et mise en ligne le 28 septembre 2023