Locaux aux normes, recrutement des professeurs et des familles, autorisations des services de l’Etat, inspections, financements… : quels défis les écoles indépendantes doivent-elles affronter pour ouvrir, puis pour pérenniser leur existence ? Nous avons rencontré de nombreux directeurs d’écoles hors contrat, pour faire un état des lieux des obstacles à franchir.
Cet article vient simplement compléter les articles d’enquête et d’analyse proposés dans le numéro d’octobre 2023, dans le cadre de notre dossier sur les missions de l’école catholique aujourd’hui (notamment l’article « Le rôle des écoles hors contrat »).
Les écoles indépendantes avaient auparavant une réputation collée à la peau : on se rapportait à elles comme à des curiosités un peu louches, à des ovnis complets ou à des lieux de dérives présumées. Elles ont aujourd’hui davantage trouvé leur place dans le paysage scolaire et dans l’esprit des gens. C’est peut-être là le premier grand défi qu’elles avaient à relever, et c’est pour elles une victoire symbolique remportée à la force du poignet. Mais les difficultés ne manquent pas pour elles, et leur fondation comme leur gestion quotidienne sont un défi permanent. Tour d’horizon de ces obstacles à surmonter.
1°) Trouver des locaux ad hoc
Fonder une école indépendante n’est pas une promenade de santé, tout le monde en a conscience. Il faut avoir les épaules solides, car les difficultés ne manquent pas de se présenter. D’une école à l’autre, les directeurs ne mettent pourtant pas l’accent sur les mêmes obstacles. L’implantation géographique de ces écoles l’explique en grande partie : selon le territoire, la pire difficulté prend tantôt la forme d’une recherche de locaux ad hoc et à prix raisonnable, tantôt la forme du recrutement des professeurs ou des familles, tantôt la forme d’une inextricable équation financière, tantôt la forme des contraintes administratives et normatives, tantôt un peu de tout ça à la fois.
Les locaux constituent de toute évidence le nerf de la guerre : sans eux, pas d’école. En la matière, toutes les situations existent. Certaines écoles composent avec les moyens du bord, trouvent leurs locaux via des agences ou autres circuits réguliers, les louent à prix coûtant, et affrontent ensuite le défi budgétaire qu’ils représentent. Certaines écoles n’y voient d’ailleurs pas un pis-aller, mais une garantie de leur indépendance : c’est le cas par exemple de Saint-Joseph-des-Lys à Versailles.
D’autres bénéficient de l’aide providentielle d’une famille amie, qui peut mettre à disposition un bien pendant quelques années. Une famille fondatrice de l’école Tarcisius en Essonne avait ainsi acheté une maison avec un grand corps de ferme aménageable, ce qui a permis le lancement de l’école. Depuis, l’établissement a investi et racheté les lieux pour assurer sa pérennité.
D’autres encore, quand elles s’installent dans un diocèse qui leur est favorable ou quand un évêque tient à les aider, ont pu se lancer grâce à leur aide très opportune. À Marseille par exemple, la recherche de locaux de l’école Abbé Fouque n’aboutissait pas, faute d’un lieu qui soit bien aux normes sans être trop grand, trop petit, trop excentré ou trop cher. Et c’est un prêtre diocésain, sous l’impulsion de son évêque, Mgr Aveline, qui leur a apporté la solution : partager avec la paroisse les salles de catéchisme. Ils ont ainsi pu s’installer au sein même de la paroisse. D’autres situations sont plus hybrides : l’école Saint-Roch à Bourg-la-Reine (92) a par exemple conclu un accord avec la paroisse voisine, dont les locaux étaient sous-utilisés et qui a mis à leur disposition des salles en co-utilisation avec les activités paroissiales, moyennant le paiement d’un loyer. Une entente pragmatique mais efficace qui a permis à l’école Saint-Roch d’ouvrir un collège en réduisant le risque financier lié aux locaux.
2°) Obtenir les autorisations administratives nécessaires
Pour ouvrir, une école doit demander à l’État plusieurs autorisations et se plier à plusieurs exigences ; les services de l’État ont alors un délai de 3 mois pour signifier leur opposition. Il n’y a rien de très complexe au fond dans ces contraintes administratives, mais il faut, pour les fondateurs puis pour les gérants, accepter de se plonger dans les mille et une normes ou déclarations qu’impose la loi française, puis trouver une façon de les mettre en œuvre dans leur école. Les exigences sont de plusieurs ordres.
- Les locaux : ils doivent correspondre aux fameuses normes ERP (Établissement recevant du public en droit français) et autres : évacuation rapide et bon ordre avec mise à l’abri possible, facilité d’accès pour les pompiers, matériaux limitant la propagation du feu, système d’alarme, contrôles fréquents, interdiction d’héberger une maternelle en sous-sol, obligation d’installer un ascenseur dans certains cas… Ces écoles doivent donc déposer au rectorat un dossier, et une commission où sont surtout représentés la préfecture et les pompiers doit alors statuer sur l’hygiène et la sécurité des locaux. Les maires peuvent aussi s’opposer à une ouverture pour des motifs liés à la sécurité et à l’accessibilité des locaux.
- Les encadrants : la loi Gatel de 2018 oblige les directeurs à « avoir exercé pendant cinq ans au moins les fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement scolaire du second degré ». Il est en outre très déconseillé voire impossible désormais de recruter un simple « directeur fantôme » ou alibi, ayant les bons diplômes ou les cinq années d’expérience requises, car il est garant de la sécurité des élèves, et qu’une tendance se dessine dans les inspections ou les contentieux, qui tend à exiger qu’ils soient présents dans les locaux quand les élèves le sont. Il n’est désormais pas rare qu’un projet d’école avorte, faute d’avoir trouvé un directeur : c’est devenu un point de blocage important. Quant aux professeurs, ils doivent pouvoir prouver certains diplômes, que contrôle ensuite le rectorat.
Les relations qu’entretiennent les écoles avec les différents services de l’État dépendent énormément des interlocuteurs qu’elles trouvent face à elles : certaines témoignent de relations agréables et faciles, d’autres se heurtent à une hostilité agressive. Quand l’école Tarcisius et le collège de la Trinité (91) ont voulu racheter leurs locaux à la famille fondatrice qui déménageait, la mairie a essayé – à quelques jours de la rentrée scolaire – de faire jouer son droit de préemption, qui n’a échoué que grâce à une erreur de procédure. De quoi éprouver le sang-froid de la direction… Ailleurs, une mairie a essayé de décourager le Collège Notre Dame de l’Aurore (31) de s’implanter sur son territoire en prétendant n’avoir pas reçu le nombre suffisant d’exemplaires du dossier puis, lors du renouvellement de la demande, en refusant d’indiquer le nombre d’exemplaires déposés.
Et une fois l’école ouverte, les contraintes administratives continuent de peser. Il faut par exemple désormais déclarer les élèves présents dans l’établissement auprès de chaque mairie de résidence des élèves. Jamais rien de très complexe, mais certains directeurs ou présidents d’association disent y passer un temps important.
De façon générale, la tendance est à une législation qui rend la vie plus difficile à ces écoles. L’administration exerce par exemple une forme de contrôle supplémentaire en leur demandant désormais leurs prévisions budgétaires sur 4 ans. La loi contre les séparatismes a gravement accéléré cette tendance : elle rend par exemple obligatoire la déclaration de toutes les sources de financement. Elle place aussi les écoles dans une précarité et une incertitude administrative accrues, car désormais « les fermetures d’école seront prononcées par l’administration seule (par le préfet sur proposition du recteur, ou par le préfet seul), sans la garantie de l’intervention d’un juge » (Loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République). Auparavant, la charge de la preuve était du côté de l’administration qui devait prouver devant un juge la légitimité d’une mesure de fermeture. Maintenant, c’est à l’école de faire un recours puis de venir se défendre devant un juge. Une directrice décrivait ces coups de boutoir législatifs comme une façon de mener « une guerre par étouffement » contre les écoles indépendantes.
3°) Recruter les bons professeurs
Ceux sans lesquels l’école n’existe pas ! Leur recrutement dans certaines matières met en difficulté la grande Éducation nationale et la petite sœur de l’enseignement diocésain : nul ne sera étonné que c’est une difficulté que rencontrent aussi souvent les écoles indépendantes. Leur salaire est entièrement assuré par l’école, l’État n’aide pas pour un seul centime. L’équation est complexe : ces écoles ne peuvent les payer aussi bien que dans le public ou le privé sous contrat, elles assoient pourtant leur crédibilité (et leur avenir) sur leur capacité à attirer de bons professeurs… qui acceptent de perdre en rémunération. Et la perle rare doit en plus, dans l’immense majorité des cas, accepter d’assurer certaines heures bénévolement (surveillance, etc.) et pouvoir prendre sa part dans le projet de transmission de la foi. Leur recrutement est donc un « défi perpétuel » et un « état de déséquilibre permanent », aux dires des directeurs rencontrés. Ceux-ci insistent d’ailleurs tous très longuement sur le souci qu’ils ont de réserver à leurs professeurs le meilleur traitement possible.
Certaines écoles n’ont pas d’autre choix que de se résigner à payer leurs maîtres au minimum de la convention collective. D’autres parviennent à leur proposer de meilleurs salaires, car ils y voient une condition sine qua non pour les attirer puis les fidéliser, et éviter le turn over trop important qui guette toute école indépendante. Certains encore misent sur des professeurs « têtes d’affiche » qu’ils acceptent de bien rémunérer, pour que ceux-ci incitent leurs pairs à les rejoindre, et ainsi installer un cercle vertueux. Un équilibre délicat peut aussi être recherché, entre des professeurs ayant besoin d’être bien payés, et d’autres qui peuvent assurer quelques heures en complément d’une autre activité (professeur en faculté par exemple). À ces difficultés s’ajoute une injustice géographique certaine : le vivier de professeurs n’est pas le même si vous êtes à Paris, à Marseille, ou à Briis-sous-Forges, à Verfeil.
Heureusement, ces écoles ont pour elles de proposer un projet collectif qui attire de nombreux professeurs lassés par les dysfonctionnements d’autres institutions scolaires et désireux de rejoindre une équipe cohérente et un projet ambitieux. Et au-delà de cette attractivité naturelle, plusieurs d’entre elles travaillent à la professionnalisation de leur gestion RH : le groupe scolaire Tarcisius-Trinité a par exemple instauré des process inspirés du monde de l’entreprise (entretiens de suivi, grilles d’analyse trimestrielles pour évaluer le travail des professeurs, etc.) pour garantir à ses professeurs les meilleures conditions possibles ; ici ou là, des initiatives sont prises aussi pour travailler à la cohésion d’équipe, pour introduire des primes annuelles ou semestrielles en cas d’atteinte d’objectifs, entre autres exemples.
4°) Attirer les parents
Le public des écoles indépendantes s’élargit (cf. autre article), c’est désormais une tendance claire. Reste que les familles fondatrices ou celles qui grossissent les rangs des toutes premières années d’une école indépendante font figure de « pionniers », de « têtes brûlées », d’outsiders, et sont ceux sans lesquels ces écoles ne verraient jamais le jour. David Vauthrin, président de l’association de gestion de Tarcisius-Trinité, explique qu’il faut environ une dizaine d’années à une école pour asseoir sa réputation dans une région – réputation qui n’est d’ailleurs jamais totalement acquise, et qu’aucune école ne peut se permettre de négliger.
Trouver des parents qui franchissent le pas du hors-contrat est un défi très contrasté selon le territoire d’implantation : certaines écoles affichent des listes d’attente dès leur ouverture (à Rambouillet par exemple), alors que d’autres, à la campagne notamment, doivent consacrer une énergie considérable à se faire connaître auprès de nouvelles familles et à les attirer. Il faut dire que ces familles consentent généralement à une implication bien plus grande que ce qui leur serait demandé ailleurs : leurs enfants reviennent le soir avec (souvent) plus de devoirs, il n’y a pas de cantine, il faut parfois aider à assurer des remplacements ponctuels, réaliser quelques travaux ou tel grand ménage de printemps, etc. Marine de Rosnay, présidente de l’association de gestion de Saint-Joseph-des-Lys, racontait que lors d’un déménagement, des parents avaient joyeusement remonté des cloisons, peint des murs, mis les bâtiments aux normes jusqu’à 20h la veille de la rentrée scolaire. Tout n’est pas toujours rose, mais tous témoignent de l’effet vertueux de cet engagement des familles : il fédère la communauté scolaire, et tue à la racine l’écueil dont les professeurs du public souffrent tant, celui d’une mentalité qui s’installe chez les parents et qui consiste à traiter les personnels éducatifs comme des prestataires de service. Certaines écoles, bien plus rares, prennent un autre parti, et préfèrent éviter autant que possible le recours aux parents d’élèves, soucieux d’instaurer une distance qu’ils estiment plus saine. D’autres encore témoignent d’un individualisme ambiant qui n’a pas totalement épargné les milieux catholiques concernés, et qui rend plus laborieuse la mise à contribution des parents.
5°) Assurer le financement
Prenons l’exemple du groupe scolaire Tarcisius et Trinité, qui compte 120 élèves, 60 familles, 28 salariés (11 ETP) : son budget annuel est de 400 000 €, et les salaires représentent 60% de ses coûts, les locaux 20%, le reste se répartissant entre sorties scolaires, petits travaux et autres « menues » dépenses. Comment financer tout cela ? Le défi est de taille, et mobilise toutes les ressources des gestionnaires ! Toutes les écoles indépendantes affrontent le dilemme du prix des scolarités à fixer – notamment dans les débuts, moments qui exigent souvent le plus d’investissements et de fonds. La plupart d’entre elles, soucieuses de ne pas instaurer une forte barrière financière à l’entrée, demandent aux familles des frais qui ne correspondent pas au coût réel des scolarités, et tentent d’agir sur différents leviers (baisse de frais contre service rendu, bourses, dégressivité quand plusieurs frères et sœurs sont scolarisés…). Aussi sont-elles tributaires des dons : dons d’autres familles de l’établissement, dons des proches, dons du réseau tissé par l’école, aides financières des Fondations telles que la Fondation pour l’école ou la Fondation Kaïros pour l’innovation. Ce modèle structurellement précaire exige, outre du sang-froid, beaucoup d’efforts pour les cadres de l’école, qui doivent idéalement tisser un premier réseau solide, puis s’en créer un second d’appoint, en appui sur le premier. Par ailleurs, la mention du catholicisme dans les statuts d’une école peut lui aliéner nombre de mécènes potentiels, mais beaucoup tiennent trop à cet ADN catholique pour se résigner à y renoncer, et elles en paient le prix financier.
Une chose est sûre : peu d’écoles (aucune ?) peuvent se dire à l’abri financièrement, la tenue des comptes est un perpétuel défi, la précarité guette toujours, et les associations de gestion se demandent régulièrement par quels miracles elles tiendront jusqu’au mois de juin suivant en couvrant tous les frais. L’école Saint-Roch, mise en difficulté à la rentrée 2020 à cause de la Covid, a entamé sa rentrée 2020 en se demandant si la liquidation ne les attendait pas au mois de juin suivant. La direction a alors mis les maîtresses dans la confidence ; avec leur accord, elle a supprimé toutes les primes, pris en main le ménage avec tout le personnel, et resserré tous les coûts. Finalement, de nouvelles inscriptions et des subventions ont redressé la situation, l’année s’est révélée être bénéficiaire, les primes ont été versées a posteriori ; mais le coup de semonce a été dur. Toutes ces difficultés sont renforcées quand il s’agit de collèges (et a fortiori de lycées), car ceux-ci requièrent davantage de professeurs et ne permettent pas les fonctionnements en classe à double niveau.
Certains acteurs du milieu prônent un modèle différent, qui vise un fonctionnement plus réaliste : fixer les frais de scolarité au niveau des coûts réels, puis développer un système de bourses, via des fondations ou autres.
6°) Passer victorieusement les inspections
Les écoles n’y sont en soi pas opposées sur le principe : il n’est pas anormal que des structures totalement indépendantes accueillant des enfants fassent l’objet de certains contrôles. Mais dans le concret des inspections, les expériences sont très variées. Certaines écoles font part d’inspections menées honnêtement, annoncées dans les temps, faites selon les règles de l’art. À l’autre bout du spectre, d’autres sont exécutées avec une hostilité qui ne se dissimule pas. Les inspecteurs peuvent débarquer à 10 pour un groupe scolaire de 50 élèves, dépasser leurs prérogatives, inventer des contraintes qui n’existent pas et les traduire ensuite en mise en demeure. Fabien Nadrigny s’est ainsi vu menacé de prison et d’une amende de 15 000 € à l’issue d’une inspection, sur un motif fallacieux. Entre ces deux extrêmes, certaines écoles font état d’inspections qui visent à faire peser sur elles une certaine pression, voire à faire passer de légères intimidations verbales, mais sans aucun suivi, sans aucune répercussion ultérieure. Lors d’une inspection à l’école Tarcisius, le seul commentaire négatif qui figurait dans le carnet oublié par l’inspecteur était : « trop de poésies à caractère religieux ». Comme le résumait David Vauthrin, ce sont souvent des « tigres de papier », et les écoles indépendantes sont désormais relativement bien conseillées et rôdées à l’exercice.
7°) Prendre des décisions difficiles
En cela, les écoles indépendantes connaissent le même sort que tous les entrepreneurs : cette vie de structure charrie son lot de décisions difficiles. Elles sont de différents ordres : demander à un professeur – parfois même très dévoué – de partir si le bien des élèves l’exige, refuser un élève (par exemple pour son comportement), « prendre la décision permanente de continuer » (Fabien Nadrigny), déménager les locaux, ouvrir une classe supplémentaire, déterminer ce qui fait l’objet d’une communication transparente avec les parents ou pas, etc.
Cumulés, tous ces défis peuvent apparaître comme des montagnes à gravir ! Ce qu’ils sont très certainement. Mais un directeur me disait : « La Providence ménage les problèmes les uns après les autres. Par exemple, nous avons eu des problèmes d’argent dans une période où nous avions tous les professeurs qu’il nous fallait. Puis nous avons eu de sérieux problèmes avec un professeur, à un moment où l’équilibre financier se trouvait facilement. »
8°) Affronter certains défis conjoncturels : le cas de la covid
Il existe aussi des difficultés plus conjoncturelles : la Covid-19 en est un bon exemple. Elle a pu jouer un rôle à double tranchant. Elle a agi comme révélateur de failles déjà existantes dans le privé sous contrat, que le poids de l’institution permettait d’ignorer jusque-là – ce qui a pu accélérer dans certaines familles le virage vers le hors contrat. Le confinement a mis en lumière la désorganisation de certaines structures, le désengagement de certaines hiérarchies, la démobilisation de certains professeurs qui, loin d’adhérer à un projet éducatif commun et clairement identifié, se voyaient comme les recrues d’une vague entité administrative. Les cours à distance, le port du masque des mois durant, tout cela a considérablement gâté les relations entre les enseignants et leurs élèves, et entre les enseignants et les parents. Hombeline Caillaud témoigne de cette aspiration de nombreux parents, au sortir de cette séquence, à renouer avec des relations humaines établies sur des bases différentes.
Mais la période covid a aussi durement mis à l’épreuve la capacité de résilience de certaines structures. L’école Saint-Roch venait par exemple de recruter une maîtresse supplémentaire et de signer un bail pour de nouveaux locaux quand la Covid s’est mise de la partie et que son cortège d’incertitudes a mis un frein terrible aux inscriptions. Dans de telles situations, une école peut devoir soudainement faire face à un trou de trésorerie qui s’élève à 30% de son budget annuel… et devoir essayer de survivre malgré tout.
9°) Dissiper certains préjugés qui ont la vie dure
L’accusation qui pèse souvent sur les écoles indépendantes catholiques est celle du communautarisme. Florence Cassagne, directrice de l’école collège Saint-Roch, s’amusait à l’évocation de ce soupçon. Le repli sur soi guette assez peu cette petite structure nichée au cœur d’un quartier populaire de Bourg-la-Reine, entre un coiffeur afro et une association d’aide alimentaire. L’enfermement consisterait à ne pas vouloir créer de liens avec l’extérieur, et à fonctionner en vase clos. Or rien n’est plus faux : ils essaient de tisser autant de liens que possibles avec toute autre structure vivante (paroisse, diocèse, habitants, associations locales, institutions…). Quant au recrutement des élèves, la plupart des écoles adoptent une politique somme toute très pragmatique : elles s’ouvrent à des familles non catholiques, mais veillent toujours à garder en proportion une majorité forte d’élèves croyants et pratiquants, pour que la vie de foi continue toujours d’irriguer la vie de l’école.
Une autre accusation est celle de l’idéologie. Raphaël Sauvage et Hombeline Caillaud opposaient à ce soupçon une réponse toute simple : « par sa nature même, par son exécution, par son quotidien, un projet d’école indépendante éduque et force au réalisme et au pragmatisme. Et nous sommes dans une position dans laquelle nous voulons créer beaucoup de liens avec tout le monde extérieur. En outre, ce projet nous oblige à sortir de nous-mêmes, à nous assouplir, à écouter. » Les hommes et femmes d’action se frottent suffisamment au réel pour que leur esprit devienne plus rétif à l’idéologie. L’expérience a montré que ce garde-fou n’était pas une garantie absolue, mais leur constat semble plein de bon sens !
Elisabeth Geffroy
© LA NEF, exclusivité Internet, mis en ligne le 17 octobre 2023.