L’Avent est un temps de veille, nous attendons pendant quatre semaines la venue de l’Enfant sauveur. Ce temps, nous pouvons le mettre à profit pour nous affermir dans le combat spirituel. Mais quel est le sens de ce dernier ? Le Père Charles-Thierry Ndjandjo nous l’explique dans cet article. Il a aussi écrit pour Hozana un beau programme qui couvre tout l’Avent, que vous pouvez le retrouver ici.
La vie chrétienne n’est pas de tout repos. Chaque jour possède son lot de fatigue, de contrariété, de frustration. Celui qui se déclare disciple du Seigneur, doit renoncer à lui-même, prendre sa croix et me suivre (Mt 16, 24). Or embrasser notre croix, accepter que ce que nous vivons de difficile puisse être pour nous une voie de sanctification, est bien souvent à peine croyable. Pourtant le disciple n’est pas au-dessus de son maitre (Jn 13, 16)et il doit être prêt à marcher là où le Christ lui-même a marché. Nous voudrions bien mener une vie loin des tumultes de ce monde, une vie mieux conforme à l’Evangile, ne plus être la cible des attaques et des embûches de l’Ennemi. Oui, Seigneur, s’il est possible, éloigne de nous ce calice amer qu’il nous faut, semble-t-il, boire jusqu’à la lie.
Qu’il s’agisse aussi bien de notre vie personnelle que de la vie du monde ou de l’Eglise, le bon grain et l’ivraie croissent toujours ensemble. Nous assistons quasi impuissants à cet entrelacement de lois contradictoires en nous et dans le monde : celles du bien et du mal, de l’esprit et de la chair, de la lumière et des ténèbres. Un combat dont saint Paul résume formidablement la dichotomie de notre faiblesse humaine marquée du péché originel : Le bien que je voudrais je ne le fais et le mal que je ne voudrais pas je le fais.
Constater cela ne doit pas non plus nous inquiéter outre mesure. Si l’orage gronde au-dedans et hors de moi, ne considérons pas que nous sommes totalement perdus et finis. Tenons fermes notre espérance, ainsi quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés, il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin (Mt 24, 6). Le Christ, alfa et oméga, début et fin de toutes choses est venu dans le monde vaincre la mort spirituelle de l’âme captive du péché originel. Lui, le Christ, vrai Dieu né du vrai Dieu, lumière née de la lumière, engendré dans notre histoire pour être cette descendance de la Femme qui meurtrirait la tête de l’antique serpent (Gn 3) quand les temps furent accomplis. Cet abaissement dans la chair, cette humanité assumée en tout point à l’exception du péché, a conduit le Christ à connaître nos faiblesses et nos tentations jusqu’à son ultime épreuve au sommet de la croix : « Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » Ce cri déchirant d’un cœur innocent qui nous parvient encore comme en échos dans les gémissements contemporains des victimes de toutes violences et barbaries. Et quand tout a semblé se terminer dans la mort, il eut la foi de tout remettre entre les mains de son Père… et ça n’a pas été aussitôt la fin. C’est pourquoi Dieu lui a accordé la victoire sur toutes principautés, souverainetés et dominations (Ph 2).
En outre, le combat spirituel de tout un chacun s’inscrit dans le combat de Dieu pour le salut de nos âmes. Il est cette tension en nous à garder lumineuse notre foi, vive notre espérance, brûlante notre charité. Si nous manquons de vigilance, les épreuves que nous traversons, les croix que nous portons, peuvent gravement endommager ces trois vertus par lesquelles nous obtenons le salut de Dieu.
Ce thème du combat spirituel, plus habituel en temps de Carême, m’a été demandé comme thème spirituel de cet Avent 2023, par Hozana. D’abord étonné, je l’ai rapidement adopté ensuite, et me suis laissé illuminer par la cohérence spirituelle entre le combat et le désir de justice et de paix présent dans l’attente du Règne de Dieu, dans l’attitude de veilleur au milieu de la nuit caractéristique de cette période liturgique.
En effet, il n’est pas simple de tenir en éveil la mémoire du Seigneur quand celui-ci semble tarder à répondre à nos supplications. Quand vivre et annoncer l’Évangile ressemble davantage, à certains moments, à la voix qui crie dans le désert qu’au sermon de Jésus sur la montagne. Nous sommes invités à nous souvenir des merveilles du Seigneur au milieu des difficultés rencontrées, au milieu d’un monde qui s’enfonce dans la haine. Annoncer que la paix est encore possible relève parfois d’un acte héroïquement prophétique ou d’une sainte folie… d’ailleurs, il se peut que ce soit tout un. L’Avent est un temps favorable pour s’affermir dans l’espérance. Nous n’y pensons peut-être pas spontanément, mais l’attitude du veilleur qui garde sa lumière allumée au milieu d’une nuit interminable convoque non seulement les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, mais aussi les vertus cardinales de prudence, de tempérance, de force et de justice ; ces dernières, quand elles sont exercées, ordonnent notre volonté à ne pas laisser sans effet le don des vertus théologales dans notre vie. Cela exige aussi de nous une discipline de tous les instants et au cœur de toutes disciplines vertueuses, il y a la prière. Source intarissable de trésors spirituels, la prière est l’arme la plus puissante des armes de Dieu recensées notamment par saint Paul (Éphésiens 6). Cependant, confessons humblement que nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit-Saint vient alors au secours de notre faiblesse pour nous configurer au Christ, le Fils unique et bien aimé du Père, de qui nous avons réellement obtenu la grâce d’appeler, par lui, avec lui et en lui, Dieu « notre Père ».
Veillons dans la prière donc. Ne baissons pas la garde, car il vient le prince de la paix. Avec lui tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu (Luc 3). L’Avent oriente notre attention vers l’instauration définitive de son Règne, et, pour ne pas manquer ce rendez-vous, « soyez sobres, soyez vigilants » (1P 5) car « c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le fils de l’homme viendra » (Mt 24, 42).
Ce que j’ai tenté de partager à ceux qui écoutent mes enseignements et médiations sur le combat spirituel depuis presque un an maintenant, c’est une force et une paix dans les épreuves de la vie, une résilience soutenue par notre foi en la Parole de Dieu, un abandon entre les mains du Seigneur, une volonté d’espérer contre toute espérance.
Père Charles-Thierry NDJANDJO
Mis en ligne le 30 novembre 2023, exclusivité internet.