Cinéma Décembre 2023

Winter Break
13 décembre 2023

En 1970, dans un pensionnat américain chic, Paul Hunham (Paul Giamatti) est professeur de civilisation antique. Aux vacances d’hiver, quelques pensionnaires ne peuvent pas rentrer dans leurs familles. Finalement, les obstacles à leur retour sont levés, mais il reste un garçon, Angus (l’excellent nouveau venu Dominic Sessa), que ses parents ne veulent pas voir rentrer. Cet élève de 17 ans, turbulent et fantasque mais intelligent, a une situation familiale douloureuse, avec sa mère divorcée d’un mari psychotique, et remariée à un profiteur. Le prof et l’élève vont devoir passer tout le « Winter Break » ensemble, souvent en voiture, ce qui renforce la ressemblance de ce film avec un autre d’Alexander Payne, Sideways, où régnait déjà le merveilleux Paul Giamatti. D’un film à l’autre, cet acteur d’exception, qui joue avec art de son physique difficile, compose une partition d’humanité aussi bouleversante que virtuose. Dans Sideways, c’était dans un sens négatif, une descente au rebours de l’estime de soi (l’œnophile distingué qu’il était, réduit à boire la perle de sa cave, un unique Cheval Blanc de grande année, caché dans un fast-food, avec un gobelet en polystyrène !). Ici, au contraire, c’est dans le sens positif de la redécouverte d’un courage oublié, dans lequel ce petit prof raté (mais érudit), cible de ses élèves et de sa hiérarchie, redécouvre l’homme qu’il ne savait plus qu’il était, soulevant chez les spectateurs un enthousiasme comparable à celui qu’on découvre devant les scènes héroïques des superproductions !

Sea sparkle

13 décembre 2023

Lena, une adolescente belge, est la fille d’un marin pêcheur pour lequel elle a une affection et une admiration sans bornes. Quand celui-ci meurt dans un naufrage, elle refuse de croire qu’il ait fait une erreur de navigation, comme tous les adultes le pensent. Elle préfère se persuader que c’est un monstre marin qui a fait chavirer le bateau.
Ce film d’un jeune réalisateur belge, Domien Huyghe, sur le deuil d’une adolescente, lui a été inspiré par le deuil que lui-même a connu, avec sa sœur. Même si la qualité dramatique, remarquable, est celle qu’on reçoit d’abord, le film a une valeur documentaire – venue de l’expérience du réalisateur – qui renforce puissamment celle-là. Lena ne croit pas à une erreur de son père. Elle préfère l’explication du mythique monstre marin.
Cette réaction de déni, et de pensée magique, est bien analysée dans un livre d’Axelle Huber qui vient de paraître : Le deuil, une odyssée (Mame). L’auteur, thérapeute, a elle-même traversé un deuil parmi les plus difficiles qui se puisse connaître, après la mort, au bout d’une terrible maladie de Charcot, de son mari Léonard, juste quarantenaire, avec quatre enfants de 5 à 9 ans. Au terme de sa courageuse « odyssée » (Axelle Huber montre que le deuil ne diminue jamais mais que c’est la vie qui grandit autour de lui) elle offre, depuis son Ithaque, ce précieux livre. Il détaille, avec beaucoup d’empathie pour son lecteur, tous les aspects du deuil, connus ou méconnus, et explore toutes les ressources, externes ou internes, que l’endeuillé peut utiliser pour prendre le vent dans sa traversée.

François Maximin

© LA NEF n° 364 Décembre 2023