Le moins que l’on puisse dire est que l’actualité ne pousse guère à la joie. Tout concourt à nous démoraliser, à nous faire peur. Comment ne pas avoir de l’avenir une vision bien sombre ? La guerre, avec son cortège d’horreurs, est omniprésente dans nos médias : après le conflit en Ukraine qui tournait en boucle sur les chaînes d’information continue, c’est maintenant l’affrontement entre Israël et le Hamas qui occupe le devant de la scène. L’insécurité devient de plus en plus inquiétante, entre le terrorisme islamique qui peut frapper à tout instant n’importe où et la violence gratuite qui tue pour un rien, violence qui est maintenant aussi le fait d’adolescents de plus en plus jeunes n’ayant plus aucun repère moral ; ils sont souvent issus de l’immigration ou de familles disloquées, leur univers se limitant au virtuel des écrans. Les difficultés autour de la loi immigration du gouvernement révèlent combien nos politiques sont impuissants à régler ce problème, alors que certains de nos concitoyens ne se sentent plus chez eux dans leur propre pays : le concept de « grand remplacement », traduction imparfaite d’une situation bien réelle, contribue à ce climat général de peur.
La liste est loin d’être complète. On peut encore s’arrêter à la dislocation du lien social et à l’accroissement des fractures qui détachent toujours plus la frange supérieure de la population de la « France périphérique » dont l’horizon continue de s’obscurcir. Cette grave fragilisation du tissu social s’opère au moment même d’une déconstruction anthropologique sans précédent qui, hormis les milieux catholiques convaincus, ne rencontre guère de résistance. Et elle se produit dans un système encore démocratique mais qui glisse vers ce que Mathieu Bock-Côté nomme un « totalitarisme sans goulag » (1), qui gomme progressivement la liberté de penser, quiconque s’opposant au « régime diversitaire » étant exclu de la vie sociale.
Enfin, parmi les peurs soigneusement entretenues à grande échelle, comment ne pas évoquer la « catastrophe climatique » annoncée sur tous les tons comme une certitude scientifique avérée ? Si l’on se souvient comment les gouvernements ont joué sur la peur à l’occasion de la pandémie du Covid-19 pour imposer un dispositif technocratique de coercition qui a permis d’enfermer des populations entières avec leur consentement, on mesure à quel point la peur est devenue une puissante arme de contrainte pour gouverner.
Bref, tous ces sujets « négatifs » sont pain béni pour les médias qui ne vendent jamais autant que lorsque tout va mal. C’est bien l’un des problèmes du fonctionnement de nos sociétés hyper médiatisées. Le bien, la normalité n’intéressent pas les faiseurs d’opinion ; le mal, la catastrophe, le glauque sont ce qui permet de tenir en haleine le public. Aujourd’hui, ce n’est pas très difficile, il y a toujours un malheur dans le monde à mettre en avant. Nous sommes instantanément informés d’un tremblement de terre en Inde ou d’un déraillement de train en Australie et toutes ces mauvaises nouvelles relayées en boucle alimentent un sentiment diffus que tout va mal.
Autrefois, personne n’était au courant de ce qui se passait à des milliers de kilomètres, ni même à des centaines. Le malheur était circonscrit à la sphère limitée du monde connu et des personnes côtoyées, il était moins fréquent mais plus concret, on pouvait venir en aide aux victimes. Aujourd’hui, le malheur est omniprésent mais lointain et virtuel, il nous sape le moral mais nous n’y pouvons rien, sinon soutenir par un don les victimes des catastrophes.
Le bien ne fait pas de bruit
Par les médias, donc, nous avons une vision déformée du monde où le mal semble l’emporter largement sur le bien, alors que nous ignorons à peu près tout de la somme de dévouements et de sacrifices de tant d’hommes et de femmes qui, partout, œuvrent pour un monde meilleur et plus beau – et les chrétiens ne sont pas les derniers à s’engager en ce sens. Chacun, dans sa vie ordinaire de tous les jours, croise bien plus de gens aimables, soucieux d’entretenir de bons rapports humains avec leurs prochains, que des êtres méchants et hostiles – même s’il est vrai que nous assistons à une « décivilisation » qui engendre un recul effrayant de la simple politesse et de la courtoisie la plus élémentaire, sans parler de la galanterie regardée comme ringarde ou « machiste ».
Quoi qu’il en soit de ce que l’on pense de ce monde, qu’on l’estime bon ou mauvais, c’est dans celui-ci que Dieu nous a placés, non pour le fuir et s’en plaindre, mais pour y témoigner et y agir pour le bien qui est à notre portée. Ce temps de l’Avent peut nous y aider, car la fête de Noël que nous préparons n’est-elle pas celle de l’Espérance, propice à méditer le grand mystère de cet enfant, le plus fragile et le plus innocent des êtres, qui nous est donné pour le salut du monde ? Tout peut changer si nous reconnaissons en cet enfant notre Dieu. « Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David » (Lc 2, 10-11).
Christophe Geffroy
(1) Le Totalitarisme sans Goulag, La Cité, 2023 : cf. notre recension en p. 38 de ce numéro.
© LA NEF n°364 Décembre 2023