La question climatique a largement occupé les médias à l’occasion de la COP28 à Dubaï. Il est légitime qu’un tel sujet, qui engage l’avenir de la planète, préoccupe les esprits. On peut en revanche s’interroger sur la façon dont cette question est traitée aussi bien par les politiques que par les grands médias.
Certes, réjouissons-nous que l’écologie soit désormais un souci largement partagé à l’échelle mondiale – écologie qui ne se réduit pas au climat, qui inclut aussi le respect de l’environnement et le soin porté à la biodiversité. Il y a en effet une réelle urgence écologique et, pour ce qui est du dérèglement climatique notamment, nombre de solutions doivent être pensées internationalement pour être efficaces. Le principe d’actions concertées au niveau planétaire est donc non seulement juste, mais nécessaire. Pourquoi, cependant, existe-t-il un tel décalage entre les discours officiels, les résolutions adoptées lors de ces COP et la réalité ? Ce décalage est patent, pourtant tout le monde feint de l’ignorer.
Un exemple ? La COP28 a péniblement acté « une transition hors des énergies fossiles », point qui semblait l’enjeu essentiel du document final. Or, chacun sait que la sortie des énergies fossiles est impossible à moyen terme. Jamais le monde n’a consommé autant de charbon (la hausse de la consommation mondiale a été de 4 % en 2022) et, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), cela ne devrait pas énormément décroître dans un avenir proche : Chine, Inde, Indonésie, Vietnam, Philippines… continuent à miser sur le charbon. De même, l’AIE ne prévoit pas de baisse substantielle de la production pétrolière ces prochaines décennies. La principale raison est que les pays pauvres, incapables d’investir dans les énergies renouvelables moins performantes et plus coûteuses, ne peuvent se développer qu’en s’appuyant sur les énergies fossiles. Les éoliennes et la voiture électrique sont un rêve de riches « bobos » occidentaux !
Décalage entre résolutions et réalité
Ce décalage – euphémisme pour ne pas dire mensonge – entre les effets d’annonce et la réalité dessert l’écologie qui appelle des mesures urgentes, mais réalistes : à force de crier sans cesse à la catastrophe inéluctable, à jouer sur la peur de l’apocalypse climatique, on finit par obtenir le résultat inverse de celui recherché. Les gens, se sentant manipulés, se lassent et deviennent de plus en plus sceptiques face à un discours qui, à force d’être démenti par les faits, en perd sa crédibilité. Souvenons-nous, par exemple, la prédiction des « experts » des années 1970 sur l’impossibilité de nourrir en l’an 2000 une population mondiale en forte croissance de plusieurs milliards d’êtres humains ! Or, il y a moins de malnutrition aujourd’hui qu’il y a un demi-siècle.
Les écologistes « professionnels » eux-mêmes ne servent pas leur cause, quand ils versent dans l’excès et le simplisme, voire dans l’idéologie : en Europe, l’écologie politique est trop souvent un refuge pour recycler un vieux marxisme en perte de vitesse. Et l’écologie a aussi bon dos pour contourner la démocratie et justifier un autoritarisme inquiétant. Les écologistes radicaux estiment que si les mesures qu’ils jugent nécessaires pour « sauver la planète » ne peuvent être approuvées démocratiquement, il faudrait passer outre l’aval des peuples, incapables d’en comprendre les enjeux, et les imposer de force pour leur bien. Dans une logique similaire, les mêmes préconisent d’interdire de parole dans l’espace public les « climato-sceptiques », faisant ainsi d’une science contingente un absolu non discutable.
De telles positions s’expriment aujourd’hui sans scandale, elles représentent pourtant une menace pour la démocratie et la liberté d’expression qui n’est pas fictive. Mais nos élites au pouvoir se taisent, parce qu’elles méprisent le peuple et cherchent à le tenir éloigné des centres de décision, au prétexte que les « experts » sont bien plus qualifiés pour décider ce qui est le mieux pour lui.
Ce qui est possible
Ce discours écologique « punitif » n’aide pas à réfléchir à ce que pourrait être une nécessaire transition écologique pour le bien de tous. Il faudrait d’abord appréhender la nature dans sa totalité qui inclut l’homme, l’hybris à maîtriser n’étant pas seulement celle qui s’applique à l’environnement, mais aussi à l’homme lui-même : les limites que l’on accepte maintenant volontiers pour la nature, il faudrait reconnaître qu’elles affectent aussi l’homme, sa volonté. Il n’est pas l’ennemi de la terre, le « prédateur » à éliminer, comme l’affirme la deep ecology, il est le gardien de la Création, doté d’une essence humaine qui détermine une anthropologie que nous ne pouvons modeler à notre guise. C’est ce que le pape François a appelé « l’écologie intégrale ». Ensuite, il conviendrait de s’interroger sur notre mode de vie qui ne semble pas rendre nos contemporains si heureux : stress, vitesse, immédiateté, matérialisme, consumérisme… est-ce vraiment ce que nous souhaitons ? Les écologistes radicaux veulent tout détruire, renverser le système, mais les autres ? Peu ont l’occasion de s’exprimer, pourtant il est des changements qui ne seraient pas forcément difficiles à mettre en œuvre. Imaginons, par exemple, qu’on réduise partout drastiquement la publicité : on atteindrait là le cœur du consumérisme…
Christophe Geffroy
© LA NEF n°365 Janvier 2024