Les évêques et la pédophilie

Les évêques français, qui se réunissaient à Lourdes du 4 au 9 novembre 2016 pour leur assemblée d’automne, sont revenus sur la question si sensible de la pédophilie de certains prêtres. D’emblée, dans son homélie d’ouverture, Mgr Luc Crépy, évêque du Puy-en-Velay et responsable la Cellule permanente de lutte contre la pédophilie (CPLP) au sein de la Conférence des Évêques de France (CEF), donnait le ton : « Oui, il nous faut sortir du trop long silence coupable de l’Église et de la société et entendre les souffrances des victimes […] Oui, il nous faut comme le demande le pape François, “demander pardon pour les péchés commis par les autorités ecclésiastiques qui ont couvert les auteurs d’abus et ignoré la souffrance des victimes”. […] Ce mal, nous avons pu en être complices, nous évêques, par notre silence, notre passivité ou notre difficulté à entendre et à comprendre la souffrance que nous pensions oubliée chez ceux qui avaient été blessés dans leur chair, il y a longtemps. Nous avons voulu sans doute sauvegarder l’image de respectabilité de l’Église, par peur du scandale, en oubliant qu’elle est sainte et composée de pécheurs. En cela, nous avons failli à notre mission en n’étant pas meilleurs que le reste de la société qui gardait aussi le silence. »

Dans une intervention qu’il fit après, Mgr Crépy est revenu sur les mesures prises en avril 2016 : 1/ « Soutenir et accompagner les cellules ou structures d’écoute mise en place dans les diocèses, tant au niveau local qu’au niveau national » avec notamment une adresse mail pour tout contact (1). 2/ « La création d’une Cellule permanente de lutte contre la pédophilie (CPLP). » 3/ « La création d’une Commission nationale d’expertise indépendante » présidée par M. Christnacht et chargée de conseiller les évêques dans l’évaluation des situations concernant des prêtres pédophiles. À ce jour, une quarantaine de diocèses ont mis en place des cellules d’écoute et d’accompagnement des victimes, neuf dossiers sont en cours de traitement par la Commission nationale d’expertise et une centaine de témoignages ont été recueillis sur le site d’accueil de la CEF.

On ne saurait trop louer l’épiscopat de prendre au sérieux et à bras-le-corps un problème qui est un véritable scandale dans l’Église. La culture du silence ou du mensonge, au prétexte de protéger l’institution, révolte à juste titre tant elle est contraire à la justice et insultante pour les victimes passées par pertes et profit ! La « tolérance zéro » en ces matières est devenue une évidence pour tous et l’on peut rendre hommage à Benoît XVI pour le travail accompli, comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et comme pape, pour avoir imposé des règles strictes maintenant unanimement admises.

Ce nouvel environnement qui donne la priorité aux victimes est assurément un progrès, mais il ne faudrait pas non plus tomber dans un autre excès qui consiste à faire de tout prêtre un pédophile en puissance ou un probable frustré et immature sexuel car tenu à la continence – ce que suggère le film Spotlight, certains en profitant pour remettre sur le tapis la nécessité de permettre les prêtres mariés, comme si ce crime était l’apanage des abstinents ; personne n’ose dire que le problème n’est pas la tempérance mais, au contraire, la place démesurée de la sexualité dans la société – et le livrer sans preuve avérée à la vindicte publique après la moindre accusation ou une simple rumeur. La suspicion est devenue telle aujourd’hui qu’un prêtre évite de se retrouver seul avec un enfant, ce qui aboutit à des situations ubuesques ! Il faut redire ici la confiance en nos prêtres, quelques lamentables « brebis galeuses » ne pouvant jeter l’opprobre sur tant d’hommes qui ont tout quitté pour suivre l’appel du Christ.

Et puis, nos donneurs de leçons de morale devraient se souvenir que nombre d’entre eux communiaient avec l’esprit soixante-huitard exaltant le principe « il est interdit d’interdire » quand, à la même époque, nos bons intellectuels les plus avant-gardistes (donc de gauche) n’hésitaient pas à défendre la pédophilie… Certains examens de conscience ne seraient pas inutiles aujourd’hui…

Christophe Geffroy

(1) parolesdevictimes@cef.fr

© LA NEF n°287 Décembre 2016