Entre 2011 et 2012, Benoît XVI a réduit près de 400 prêtres à l’état laïc pour des abus sexuels, ressortissant souvent de la pédophilie. Mgr Barbarin, archevêque de Lyon, a réglé de son côté tous les cas qui se présentaient sous sa juridiction, en témoigne cette journaliste du Progrès se faisant passer pour une victime, et qu’il a encouragée à porter plainte ainsi qu’elle a elle-même rapporté.
Mais non, ce n’est pas assez. Il fallait, et pour des raisons que l’on n’imagine absolument pas idéologiques, qu’allez-vous croire, qu’on lui fasse porter le chapeau pour des faits s’étant déroulés vingt-cinq ans auparavant, qui ont eu lieu avant sa nomination dans l’archidiocèse. Le tambour médiatique a tellement roulé, et dans une musique unanime, qu’il est certain que la moitié des Français aujourd’hui doit croire que c’est Mgr Barbarin lui-même qui est pédophile.
Le gouvernement, comme un seul homme, de Najat à Valls, a poussé les hauts cris et appelé sourdement ou clairement à la démission du Primat des Gaules. Alors qu’aucun jugement n’a été pour le moment rendu, ni sur son cas, ni même sur celui des prêtres incriminés. La presse, de l’infâme Nicolas Domenach, qui n’en finit pas de déshonorer son nom de famille, aux échotiers-égoutiers de tout acabit, du type journaliste de Libé, l’organe passé de l’apologie de la pédophilie soixante-huitarde, ont hurlé tels les chacals contre l’Église de France, supposée cacher on ne sait quoi.
Ce monde est une nouvelle fois saisi de ce que Muray appelait l’envie du pénal, parodiant la psychanalyse, ce besoin irrépressible de porter plainte, de désigner des coupables, de trouver des dérivatifs à son ennui profond, de se donner bonne conscience en se gargarisant de sa propre vertu (généralement introuvable d’ailleurs), bref de donner dans le bouc-émissaire. Invariant anthropologique, dont l’on croyait pourtant que le christianisme, et sa déformation moderne qui s’appelle la démocratie, nous avaient débarrassés.
Eh bien, non ! Et alors que le même gouvernement assène au bon peuple, un peu neuneu faut bien dire, des clips à quelques millions pour « s’unir contre la haine », laquelle ne va jamais évidemment qu’au musulman, au juif, ou à l’immigré, évidemment bons de nature, eux, peu lui chaut de la répandre lui-même contre le catholicisme. On se croirait dans une mauvaise interprétation modernisée des pseudos-philosophes dit des Lumières lorsqu’ils chargeaient contre les jésuites sous l’Ancien Régime, responsables de toutes les calamités de la terre.
Ce faisant, ces gouvernants et leurs sbires dévoilent bien leur double pensée : la République serait laïque, c’est-à-dire neutre, et débarrassée de tous les cultes, pourtant le curé, l’évêque seraient tenus à une vertu supérieure. Mais en quoi les regarderait-elle, si l’Église catholique n’était qu’une association comme les autres, pas plus importante que les boulistes ou les adeptes du macramé ?
Il y a longtemps, en vérité, bien longtemps qu’un gouvernement n’aura été aussi hostile au catholicisme en France, rampant ostensiblement devant les imams et traitant les prêtres et Rome même, où nous n’avons, que l’on sache, toujours pas d’ambassadeur, par-dessus la jambe. Nul doute qu’outre leur inculture et leur indifférence native à tout ce qui excède quelque peu leurs micro-ambitions partisanes, ils n’aient décidé de faire payer à l’Église catholique son opposition ferme à leurs lois funestes, du mariage pour les couples homosexuels, à la fin de vie.
Du point de vue des catholiques, si les actes – à confirmer par la justice, mais apparemment réels, hélas ! – de ces prêtres lyonnais sont traumatisants, le sort que l’on réserve à Mgr Barbarin ne peut lui aussi que révolter la conscience. Qu’une si belle intelligence, qu’un tel pasteur, malgré tous ses défauts, soit baigné dans cette boue pour, au pire, quelques erreurs de communication (à moins que l’on nous prouve qu’il a sciemment dissimulé les crimes de ces prêtres à la justice, mais nous ne le croyons pas) devrait hérisser le poil de tous les assoiffés de justice.
Ce gouvernement, qui a déjà commencé de passer, répondra, ici ou ailleurs, de son iniquité. En attendant, le cardinal Barbarin a entamé son chemin de croix personnel et sa passion propre. Certainement le sort des vrais disciples du Crucifié.
Jacques de Guillebon
© LA NEF n°280 Avril 2016