Dans le pape François, c’est comme dans la macédoine, il y a de tout. Ses merveilleuses exhortations aux millions de jeunes gens réunis en Pologne, qu’il incite quasi-psychanalytiquement à quitter le divan et à chausser les crampons, dans des métaphores toutes pauliniennes. De ces paroles à la Jean-Paul II qui certainement ne passeront pas. Ses condamnations répétées du dieu-argent, qui fleurent ce qu’il y a de meilleur dans la mal baptisée théologie de la libération, inscrites dans la puissante lignée des dom Helder Camara et des Mgr Romero. De la dynamite sud-américaine, dont on pourrait dire ce qu’Eugenio Pacelli, futur Pie XII, affirmait des lignes de Bernanos dans Les Grands Cimetières sous la lune : « Ça brûle, mais ça éclaire. » Ce pape François, c’est Il était une fois la révolution, et ça fait du bien.
Et puis, il y a l’autre François, celui des discussions d’avion à bâtons rompus, qui agace, par les obscurités, voire la vacuité de ses paroles. Sa face compagnon de route de SOS Racisme. Son côté politologue de comptoir. Affirmer sans nuances qu’il y a de la violence dans chaque religion, et que chacune d’elle compte ses fondamentalistes, c’est presque scier la branche sur laquelle on est assis, c’est saboter la chaire de Pierre elle-même, la changer en une vulgaire chaise percée. Car alors, à quoi bon être le Souverain Pontife, de qui et de quoi être le pape si le kérygme que l’on proclame n’a pas changé le monde, si notre foi ne nous justifie nullement ? Bien entendu, nous sommes des hypocrites, et le mal, fruit du prince de ce monde, nous habite jusqu’à la mort. Mais où est la puissance de notre prière, de notre fidélité, où est la puissance de la grâce contenue dans les sacrements, si tout perpétuellement se vaut ? Quelle est notre foi, qui disons-nous qu’Il est, que diantre confessons-nous, si l’imam d’El-Azhar connaît lui-même la vérité ?
Le pape François a confié un jour que le sublime livre prophétique de Benson, Le maître de la terre, comptait parmi ses ouvrages préférés. Curieusement, c’est parfois le discours de cet Antéchrist humaniste coalisé contre l’Église qu’il tient lui-même : ce discours d’appels tellement banals à la fraternité, à la solidarité, et de construction de ponts qui ne sont pas des murs par-delà les différences, les cultures et blablabla. Oui, aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés, ce sont les maîtres-mots de notre foi, nul ne dira le contraire. Mais cela induit au moins deux questions : lit-on cela justement dans d’autres religions ? Et le Christ ne nous demande-t-il pas dans la même phrase de baptiser toutes les nations et d’en faire des disciples ?
IL EXISTE UNE VIOLENCE ISLAMIQUE
Or, que l’on sache, nos-zamis-musulmans, non seulement ne sont pas baptisés, c’est même à ça qu’on les reconnaît, en conséquence de quoi nous ne pouvons les considérer objectivement comme sauvés ni dans la lumière de la vérité, mais encore personne n’a jusqu’ici prouvé que leur fondamentalisme les ramènerait à aimer leurs frères et leurs ennemis, contrairement à ce que devrait pratiquer un fondamentaliste chrétien au sens propre. Et, oui, on le sait : tous les musulmans ne sont pas des tueurs, des terroristes, des djihadistes, des égorgeurs. Dieu merci : sinon l’humanité aurait disparu depuis quelques siècles déjà. Mais que sert de répéter de tels truismes pour la millième fois ?
Comme l’hirondelle ne fait pas autre chose, le corbeau ne fait pas la guerre de religions, c’est aussi une évidence. Guerre de quelles religions, d’ailleurs ? Ce n’est pas parce qu’une frange tarée de l’islam a décidé d’en découdre avec le monde entier, et de s’attaquer maintenant à un prêtre catholique, en douce France, que les chrétiens vont commencer de dézinguer tout ce qui ressemble à un bougnoule. Ça, ce n’est que dans les fantasmes conjoints de l’extrême gauche et de Daech que ça se passe.
Mais ne pas voir, se refuser à voir, au nom d’on ne sait quelle idéologie, ou de quelle prudence dépravée, qu’il existe une violence islamique aujourd’hui qui met la moitié de la terre à feu et à sang, c’est au mieux être un piètre politique, au pire être un collaborateur de cette monstruosité. On aimerait parfois que le pape et nos évêques quittent le divan de leur ingénuité et chaussent les crampons de l’évangélisation. Alors, nous les suivrons.
Jacques de Guillebon
© LA NEF n°284 Septembre 2016