Souffrir sans entrave

Laurence Rossignol, « ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes », intitulé ubuesque s’il en est, auquel on pourrait poser de multiples questions : pourquoi y a-t-il des familles, mais une seule enfance, pourquoi est-elle ministre des droits des femmes et non des femmes tout court, où sont passés les hommes dans cette histoire, à moins que l’on considère qu’ils ont moins de droits que les autres ?, bref Mme Rossignol, que l’on a bizarrement peu entendue sur les affaires estivales du burkini, qu’elle a appelé mollement à combattre « mais sans surenchère dans la façon d’y répondre », s’est mise en revanche en tête de punir sévèrement un grave péché que jusque-là la morale de gauche, cet oxymore, n’avait pas identifié comme tel, ou que dans son extrême bonté, elle considérait comme véniel, celui « d’entrave numérique à l’avortement ».
Quelle puissance n’a pas internet, et surtout ces obscures ordures de militants pro-vie, pour être capables d’entraver l’avortement d’une femme qui a décidé d’y recourir ? On tombe des nues, on se frotte les yeux, devant ce nouvel arsenal juridique que Mme Rossignol veut mettre en place, qui rappelle les heures glorieuses du lyssenkisme, d’autant plus qu’il vise à côté, en s’attaquant précisément au site cocasse Afterbaiz, dont l’idée est due au camarade Émile Duport, site qui ne parle pas particulièrement de l’avortement, mais s’essaie à donner à des adolescents perdus les rudiments d’une sexualité responsable. L’idéologie de ce gouvernement, mais de la gauche en général encore et d’une bonne partie de ce qui s’appelle la droite aussi, en devient plus patente : depuis la dépénalisation de l’avortement par la loi Veil jusqu’à aujourd’hui, quel chemin vers la destruction a été accompli. C’est comme si dans la tête de ces personnes, on mesurait désormais le degré d’une civilisation au nombre d’avortements que les femmes qui la composent subissent : que ce nombre diminue, et l’on crie aussitôt au scandale, à l’exploitation, à la domination, au manque de moyens. Belle image que nous avons de nous-mêmes. Toute parole contraire, qui décrirait plutôt l’avortement comme une violence faite, outre à l’embryon, à la femme, fait aussitôt l’objet d’une réprobation sociale, et bientôt pénale.
La censure exercée par le CSA sur le clip « Dear future mom », montrant des enfants trisomiques et leurs parents heureux de vivre, et que des chaînes de télévision françaises s’étaient engagées à diffuser gratuitement, témoigne elle encore de cette inversion de la logique : quiconque émet des doutes sur le bien intrinsèque que constituerait l’avortement est suspect de volonté de culpabilisation des femmes. Raisonnement absurde que démonte Émile Duport lorsqu’il dit si justement qu’aujourd’hui les femmes qui avortent « culpabilisent de culpabiliser ». On leur a si bien appris que l’avortement était une intervention médicale comme une autre qu’elles ne comprennent plus que ses conséquences psychologiques puissent les travailler inconsciemment. Apprenez-le, bonnes gens, si hier c’était de jouir, aujourd’hui c’est de souffrir sans entrave qu’il s’agit. Et quiconque se mettra entre votre malaise et vous sera châtié.

SINISTRE RÊVE TOTALITAIRE
Heureusement, les dernières factions obscurantistes de France devraient bientôt êtres effacées, par la grâce d’une autre ministre qui ne le cède en rien à la précédente pour l’idéologie. C’est de Mme Vallaud-Belkacem que nous voulons parler, bien entendu, ce brillant sujet qui s’est donné pour but de nous apprendre la vie. À nos enfants du moins, puisqu’elle prétend étendre la scolarité obligatoire, de leurs 3 ans à leurs 18 ans. Sinistre rêve totalitaire encore une fois : après avoir détruit jusqu’aux fondements des programmes, on croit pouvoir formater un peu plus encore les petits Français, à qui l’école n’est plus qu’un lieu de propagande droit-de-l’hommiste, et leur faire perdre définitivement leur enfance et leur jeunesse en les enserrant entre quatre murs inutiles. Pour ma part, je propose que l’école, sans arabe cette fois-ci, mais avec grec et latin obligatoires, devienne obligatoire jusqu’à 40 ans. Cela obligera peut-être cette bonne Madame Vallaud-Belkacem à repasser ses leçons. Pour Mme Rossignol, on peut envisager un délit d’entrave à l’intelligence.

Jacques de Guillebon

© LA NEF n°285 Octobre 2016