Le titre indique exactement l’objet de ce livre à la fois très simple à lire et cependant profond et juste. L’auteur est un journaliste américain de 50 ans, originaire d’une famille méthodiste, converti au catholicisme en 1993, puis à l’orthodoxie en 2006. L’intérêt de cet essai est d’allier une analyse argumentée sur le plan doctrinal (ses développements sur les racines de la crise en Occident depuis le nominalisme sont une excellente vulgarisation) à des propositions très concrètes appuyées sur de nombreux témoignages, comme les Américains le font si bien. Son constat sur la déliquescence morale de nos démocraties occidentales qui ont rejeté Dieu rejoint tout ce que nous écrivons ici. Mais cette situation ne l’abat pas : il est conscient qu’elle ne pourra pas être retournée rapidement, et certainement pas par l’action des partis politiques tant le mal est profond, c’est pourquoi il propose une façon de vivre chrétiennement dans un monde qui ne l’est plus, c’est tout l’objet de son « pari bénédictin ». Non pas de se retirer dans un « entre soi » ou communautarisme chrétien coupé du reste du monde – ce qui serait proprement contraire à l’essence même de l’Évangile –, mais en s’inspirant des grandes intuitions de la Règle de saint Benoît, en orientant nos vies sur l’essentiel, notamment par la place accordée à la prière, à l’ascèse, à une certaine stabilité, à la communauté, etc., mais aussi en développant des écoles vraiment chrétiennes, des réseaux de solidarité, alors que certains métiers posent désormais de graves problèmes moraux, notamment du fait de la puissance et du sectarisme de l’idéologie LGBT. « Le pari bénédictin ne consiste pas à échapper au monde réel, mais à regarder ce monde en vérité et y vivre. La spiritualité bénédictine nous apprend à accepter le monde avec amour, et à le transformer comme nous transforme le Saint-Esprit. Faire le pari bénédictin, c’est s’inspirer des vertus contenues dans la Règle et changer la façon qu’ont les chrétiens de voir la politique, l’Église, la famille, la communauté, l’éducation, le travail, la sexualité et la technologie » (p. 121). Un magnifique pari à relever, car le préalable au nécessaire redressement politique est qu’il y ait des chrétiens pour le mener à bien !
Christophe Geffroy
Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus. Le pari bénédictin, de Rod Dreher, Artège, 2017, 374 pages, 20,90 €.
© LA NEF n°296 Octobre 2017