Dans son introduction, l’auteur rappelle à bon escient que « la doctrine chrétienne du salut conçoit la béatitude et la perdition selon un modèle asymétrique, dans la mesure où Dieu veut le salut de l’humanité et non sa damnation, à laquelle il est venu nous arracher ». Pour autant une issue malheureuse – l’enfer – est évoquée de façon récurrente dans l’Écriture. Si l’ancienne théologie discutait du nombre des élus, la théologie contemporaine, illustrée notamment par Hans Urs von Balthasar, se veut optimiste en espérant le salut pour tous. C’est ce « renversement paradigmatique » qu’analyse Mgr Kruijen. Si la position baltasarienne de la « possibilité réelle » d’un salut universel se présente comme un milieu entre « On ira tous au paradis, même moi » et « Certains sont effectivement réprouvés », elle évacue de fait cette dernière éventualité. L’auteur montre de façon convaincante que « l’affirmation de l’existence de la réprobation et celle de la possibilité que tous les hommes soient sauvés sont deux propositions qui s’excluent ». Il n’en va pas seulement, avec ce « glissement de l’être vers le peut-être » – ou plutôt de l’être-réprouvé vers le peut-être-pas réprouvé –, d’une incohérence logique. C’est surtout la vérité de la Parole de Dieu dont cette opinion théologique ne rend pas compte. L’auteur en conclut que l’ignorance de l’Église porte certes sur l’identité et le nombre des réprouvés, mais non sur le fait même de la réprobation. L’hypothèse de la vacuité de l’enfer est finalement préjudiciable à la mission de l’Église. Un ouvrage bienvenu parce qu’un rappel nécessaire.
Abbé Christian Gouyaud
Peut-on espérer un salut universel ? Étude critique d’une opinion théologique contemporaine concernant la damnation, de Christophe J. Kruijen, Parole et Silence, 2017, 780 pages, 38 €.
© LA NEF n°296 Octobre 2017