« L’histoire mondiale est l’histoire de la lutte des puissances maritimes contre les puissances continentales et des puissances continentales contre les puissances maritimes. » Pas celle de la lutte des classes marxiste, de la lutte des races nazie ou de la lutte des oligarchies fasciste. Une lutte entre terre et mer, continents et océans. À l’heure actuelle ? Entre Russie et États-Unis, enracinement et libéralisme. C’est la thèse principale de Terre et Mer, un des grands livres du penseur, juriste et géopoliticien allemand Carl Schmitt. Sa pensée est revenue sur le devant de la scène, tant du côté de la « Nouvelle Droite » (Alain de Benoist donne d’ailleurs une superbe introduction à cette édition) que des « populismes » de gauche (Ernesto Laclau et Chantal Mouffe sont aussi des lecteurs pertinents de Schmitt) ou des penseurs de la « multitude », comme Négri. On l’a accusé d’avoir été nazi, Schmitt ayant adhéré au NSDAP en 1933 après avoir d’abord combattu le parti de Hitler. Il a aussi été combattu par les nazis. Et tenu à l’écart. Que ce soit dans cet ouvrage, dans sa Théorie du Partisan ou dans sa Théologie Politique, ce que l’on reproche à Schmitt est surtout son refus d’être béatement libéral et favorable au multiculturalisme. De ne pas penser les rapports géopolitiques en termes pacifistes. Pour Schmitt, les États défendent avant tout leur intérêt, selon une dialectique « ami/ennemi », et affirment leur souveraineté de façon volontariste. Au même titre que les individus. Un réel très loin du macronisme des bisounours.
Matthieu Baumier
Terre et Mer, de Carl Schmitt, Introduction d’Alain de Benoist, Postface de Julien Freund, Pierre-Guillaume de Roux, 2017, 230 pages, 23,90 €.
© LA NEF n°299 Janvier 2018