Annie Laurent avait publié un ouvrage du même titre en 2008. Celui-ci est bien plus qu’une réédition, puisqu’il a été largement repris et augmenté, avec un apport de premier plan : le synode de l’automne 2010 sur les Églises d’Orient où l’auteur était experte et dont Benoît XVI a tiré l’exhortation apostolique Ecclesia in Medio Oriente (2012) qui occupe une grande place, tout particulièrement dans un dernier chapitre inédit sur l’avenir des chrétiens d’Orient. Annie Laurent y montre que l’Occident, avec son concept de laïcité rejeté en Orient (le synode a préféré parler de « citoyenneté »), avec son matérialisme et son hédonisme, ne peut être un modèle pour des sociétés en crise qui doivent trouver leur propre voie. L’exode des chrétiens a été massif ces dernières décennies, non pas en raison de considérations économiques, mais plus simplement à cause des injustices et des violences dont ils sont l’objet. Si les responsables des Églises locales appellent leurs ouailles à ne pas déserter le troupeau, le maintien sur place n’empêchera pas ces Églises d’avoir besoin, elles aussi, d’une « nouvelle évangélisation » touchant tous les niveaux. Ainsi les chrétiens d’Orient répondront-ils à leur vocation d’« apporter la paix à cette région meurtrie par le fanatisme » (p. 306).
Pour comprendre cette situation difficile et complexe, Annie Laurent ouvre son livre par un long chapitre qui explique très clairement qui ils sont et d’où ils viennent. Exercice nécessaire tant les Églises d’Orient sont nombreuses et leur histoire complexe et entremêlée.
Ensuite, le cœur de l’ouvrage est consacré à une analyse très fine des chrétientés orientales prises entre l’islam et Israël. Vis-à-vis de l’islam leur situation commence à être mieux connue, avec notamment le statut humiliant de la dhimmitude qui demeure toujours de facto en terre d’islam. Tous les pays du Proche-Orient sont examinés les uns après les autres et, exceptés le Liban et la Jordanie, tous persécutent plus ou moins leur minorité chrétienne. C’est vis-à-vis d’Israël que la question est moins connue et c’est l’un des passages très intéressants de ce livre, notamment en ce qu’il montre comment la naissance de l’État d’Israël a contribué à aggraver le sort des chrétiens d’Orient qui se sont retrouvés pris en otage entre deux feux, l’émergence d’un État confessionnel juif favorisant en réaction l’islamisation des États arabes.
Si l’horizon des chrétiens d’Orient ne paraît pas très dégagé, nul doute que le martyre subi par nombre d’entre eux porte des fruits. Il y en a déjà un, palpable : alors qu’ils étaient très divisés, les persécutions les ont obligés à resserrer leurs liens, inaugurant ainsi un œcuménisme nécessaire à leur crédibilité.
Christophe Geffroy
Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ? Une vocation pour toujours, d’Annie Laurent, préface de Mgr Jean-Benjamin Sleiman, postface de Mgr Philippe Brizard, Salvator, 2017, 358 pages, 22 €.
© LA NEF n°300 Février 2018