Mon corps ne vous appartient pas, de Marianne Durano

Mon corps ne vous appartient pas est sous-titré en forme de bandeau « Contre la dictature de la médecine sur les femmes », sous-titre et bandeau maladroitement commerciaux qui ne disent pas, loin de là, la force, la qualité et l’intérêt de ce premier essai de Marianne Durano. Normalienne, agrégée de philosophie, professeur de lycée et mère de deux enfants, l’information est importante concernant ce livre ; Marianne Durano fait partie du groupe d’activistes provocateurs qui ont fondé la belle revue d’écologie intégrale Limite, que l’on recommande chaudement. Une revue qui, tout comme Durano, revendique une écologie en son intégralité, c’est-à-dire non uniquement tournée vers la nature extérieure mais aussi vers cet humain même, en son corps comme en son esprit – et pour nombre de ses contributeurs, en son âme. À la fois livre d’analyse, de pensée et témoignage personnel, Mon corps ne vous appartient pas est un essai fort, de par son ton, son rythme, comme par ce qu’il dit au sujet des illusions du féminisme de maman, devenu complice de l’aliénation actuelle des femmes. C’est donc d’une sorte d’appel à un nouveau féminisme dont il s’agit, et de ce point de vue le livre est une réussite. Pas seulement pour ses lectrices, pour le lecteur masculin aussi. Plus que pour un « nouveau » féminisme, même : pour un féminisme véritable, authentique et intégral, que Marianne Durano considère de manière très convaincante comme une écologie, car la « libération » féministe a accouché d’une aliénation des femmes à la technique, femmes soumises à cette technique et à la médicalisation de leur corps de la naissance à la mort, en passant par la grossesse. Et obligées à une certaine forme de sexualité construite socialement. C’est contre cette violence faite aux femmes, dont les féministes d’hier sont, d’une certaine manière, complices, que s’élève ce livre, lequel n’est pas un pamphlet tout en étant livre de conviction. L’heure est ainsi à une libération réelle, en vue d’une réappropriation de leur corps, de leur sexualité et de leur fécondité par des femmes débarrassées du diktat de la « libéralisation sexuelle » issue de Mai 68. Un essai vif qui fait entrer le féminisme dans une nouvelle ère.

Matthieu Baumier

Mon corps ne vous appartient pas, de Marianne Durano, Albin Michel, 2018, 286 pages, 19 €.

© LA NEF n°301 Mars 2018