Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, a jumelé son diocèse avec celui de Homs, en Syrie, en 2015. Il nous explique pourquoi.
La Nef – Vous avez jumelé votre diocèse avec le diocèse d’Homs en Syrie : quel était votre but ?
Mgr Dominique Rey – J’ai souhaité réaliser un jumelage avec l’archidiocèse de Homs en Syrie pour nouer une réelle communion avec un diocèse frappé par la guerre et les persécutions. Les conséquences de ce jumelage sont multiples. La première, et la plus évidente, est la mise en œuvre d’une véritable solidarité spirituelle avec ce que vivent les chrétiens de Syrie. Des paroissiens et des curés du diocèse de Fréjus-Toulon se sont rendus en Syrie et ont tissé des liens d’amitié et de prière. Nous avons aussi mis en œuvre une aide matérielle, par exemple pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame-de-la-Paix de Homs. Enfin, je dirais que nous avons aussi beaucoup, et même davantage à recevoir de nos frères syriens. À nous qui sommes trop endormis, qui laissons notre vieille Europe se déchristianiser sans réagir, les chrétiens de Syrie nous rappellent, par leur martyre, ce que vaut un témoignage de foi au plus haut degré.
Serait-il possible que de telles initiatives se multiplient en France et en Europe ?
Je souhaite personnellement que ces initiatives se multiplient. D’ailleurs, je n’ai fait qu’emboîter le pas à d’autres parmi mes frères évêques. Le cardinal Barbarin a jumelé son diocèse avec celui de Mossoul, par exemple. À tous ceux qui se posent la question, je souhaite dire que nous avons tout à y gagner : ce que nous leur donnons modestement, les chrétiens persécutés d’Irak ou de Syrie nous le rendent au centuple. Des associations telles que l’Œuvre d’Orient, l’AED et SOS Chrétiens d’Orient nous aident considérablement dans nos démarches.
Vous êtes allés sur place plusieurs fois : comment analysez-vous la situation en général et celle des chrétiens en particulier ?
Force est de constater le caractère dramatique de la situation que vivent les chrétiens d’Orient. Pourtant, ils sont « sur leur terre », si je puis dire. La proportion des chrétiens y a diminué à la faveur des dernières guerres en Irak et en Syrie. N’oublions pas qu’en beaucoup de lieux, ils étaient encore majoritaires jusqu’à la fin du Moyen Âge. Il ne s’agit pas, en disant cela, de fantasmer sur le passé, mais plutôt de rappeler avec force la légitimité de leur présence, et même leur rôle clef pour l’équilibre et la paix dans ces régions. En incarnant un pluralisme confessionnel et social, il me semble que les chrétiens de Syrie et du Proche-Orient en général peuvent remplir un rôle stabilisateur.
Quelles leçons retirez-vous de vos contacts avec les chrétiens d’Orient ?
J’en retire essentiellement une leçon de courage et de fidélité. J’ai été frappé par la force de leur détermination. Les chrétiens de Syrie veulent rester en Syrie. Certains ont dû fuir, à cause des combats, il est vrai. Mais tous aspirent à retrouver une Syrie pacifiée dans laquelle les chrétiens auront leur rôle à jouer. En visitant la Syrie, j’ai été frappé par leur double martyre : martyre de la pierre, martyre de la chair. Les destructions matérielles laissent voir des paysages qui nous rappellent, dans les livres d’histoire, les photos des villes bombardées pendant la Seconde Guerre mondiale. J’ai aussi personnellement reçu plusieurs témoignages de martyrs authentiques, de parents qui ont vu mourir leurs enfants parce qu’ils refusaient de renier le Christ.
N’avons-nous pas une certaine responsabilité dans le chaos qui règne au Proche-Orient après les deux guerres américaines contre l’Irak ? Et que pouvons-nous faire pour aider la région ?
Le bilan de la dernière guerre en Irak est catastrophique. Le nombre de morts est effroyable. Elle a accouché du monstre qu’est l’État islamique. Mais il me paraît difficile d’imputer les responsabilités de ce conflit, parmi lesquelles il ne faut pas négliger le rôle néfaste de certains États du Golfe persique. Aujourd’hui, je veux surtout souligner notre devoir dans l’aide que nous pouvons apporter aux chrétiens du Proche-Orient. Pour nous, qui partageons la foi de nos frères persécutés, notre première mission est certainement une prière de supplication pour la paix.
Comment voyez-vous l’avenir des chrétiens dans cette région ?
Je demeure confiant dans la foi tenace des chrétiens que j’ai rencontrés en Syrie. Beaucoup d’évêques orientaux ne cessent de faire prendre conscience du drame qui se joue et de susciter des aides internationales. Il y aura toujours des chrétiens en Orient. Je les vois comme une minorité active, agissant pour la paix, et en cela fidèle à leur vocation. Mais je ne les vois pas que comme une minorité, une sorte d’« espèce protégée » : ils sont aussi le signe tangible de notre foi universelle.
Propos recueillis par Christophe Geffroy
© LA NEF n°298 Décembre 2017