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Anastasis : insurrection ou résurrection ?

Donc comme on pouvait s’y attendre, Jupiter a chu de son Olympe et la roche tarpéienne, etc. On a toujours tort de mépriser et d’oublier la sagesse antique, comme son nom l’indique. C’est-à-dire que les républiques risquent toujours de finir dans la démagogie, pas longtemps ; dans des empires, pour mille ans. La démocratie française est à une croisée de chemin semblable à celle des cités grecques ou de Rome. Hésitant entre un pouvoir fort, qui la rehausserait dans son estime, et une démocratie immédiate, où chaque citoyen convoquerait ses voisins chaque jour pour leur soutirer leur avis, ses désirs paraissent plus contradictoires que jamais. La France contemporaine mériterait une bonne psychanalyse. Pour le moment, elle aspire à virer ses maîtres, qu’elle a elle-même élus et il n’y a pas si longtemps que ça, dans un moment d’égarement peut-être. Mais cette France-ci est-elle encore gouvernable ? Sans doute pas. Et par personne. Est-ce une si mauvaise nouvelle ? Peut-être pas.
L’obéissance est morte, c’est une certitude. Ce monde repose sur l’illusion bien éventée que quelqu’un le gouverne, et nous continuons de faire semblant, mais nous savons tous que chacun fait semblant. Le premier qui dira cette vérité sera exécuté. Mais peut-on faire semblant de faire semblant ? Si l’obéissance est morte, alors les temps sont venus. Les temps de la véritable insurrection, celle qui sera capable de retourner la désobéissance en quelque chose de supérieur. Le grec possède un mot merveilleux, celui d’anastasis, qui signifie à la fois insurrection et résurrection. La recherche du pouvoir étant la force la plus profondément inscrite dans le cœur humain, il est logique qu’elle se soit désormais répandue partout. Mais nul n’acceptant réellement d’obéir, ce pouvoir reste toujours vain et fictif. Pis, il ne demeure en réalité que la séduction pour singer le pouvoir. Et ceux qui se font séduire, se vantant néanmoins d’être libres, sont en réalité plus asservis que le dernier des esclaves. Car nulle coercition, sinon la faiblesse de leur cœur, ne les a contraints. Le monde des narcisses est le monde des serfs. Serfs d’eux-mêmes, ils le deviennent les uns des autres. Et leur prétendue fraternité n’est que le masque de leurs désirs vains. Ainsi ce monde est Macron, la marionnette absolue de cette fausse vérité.

Un ordre à trouver
Mais nous, chrétiens, finalement nous ne respectons rien de ce que ce monde croit respectable, parce que son ordre n’est pas le nôtre. Il faut un ordre, il nous faut un ordre, mais pas celui-ci. Les ordres religieux par exemple ne sont jamais bâtis selon la logique du monde. Il faudra donc désormais gouverner dans l’absence d’obéissance. Et c’est une bonne chose. De tout chaos, on peut tirer un nouvel ordonnancement du monde. Mais qui ne soit pas un retour à l’ancien. Au contraire, une croissance vers la liberté.
L’époque, et les Gilets jaunes, parlent de référendum d’initiative populaire ou citoyenne. Ce n’est pas sot ni inutile. Le risque demeure pourtant que cette nouvelle forme de démocratie tourne en rond, ou se limite à des sujets économiques et de niveau de vie, certes importants mais non essentiels ; ou qu’elle se permette d’outrepasser des limites naturelles au nom d’une volonté populaire indéfinie.
L’ordre de demain reste à trouver. Un ordre qui ne repose plus sur l’obéissance passée et habituelle à des hommes dont le pouvoir est indu et non justifié. Un ordre qui retrouve le sens de la vraie obéissance, et des lois éternelles inscrites dans le cœur de l’homme.

Jacques de Guillebon

© LA NEF n°310 Janvier 2019