Véronique Lévy, écrivain convertie au christianisme, publie un nouveau livre dont elle nous parle ici.
La Nef – Le titre de votre livre intrigue d’emblée : pourquoi Jésus-Christ ou les robots ?
Véronique Lévy – Ce titre est radical comme la révolution solaire que fut ma rencontre avec le Seigneur. C’est l’Appel originel, l’étrange prophétie annoncée par une petite fille de mon âge : « Crois en Jésus-Christ, sinon les robots vont t’emporter ! » J’avais trois ans. Le sens apocalyptique de cette parole est demeuré mystérieux jusqu’à ma conversion. Mais Dieu caché dans l’actualité du monde, ses crises, ses tragédies, en déchira soudain le voile : il n’y a qu’UN choix. Il est urgent : celui de la Foi ! Il n’y a pas d’autre alternative. Si l’homme refuse le Christ Qui vint et vient encore le visiter dans sa chair et dans la chair du monde, alors c’est une chair désertée, orpheline de son éternité, prisonnière d’un désastre… une chair sérialisée, soumise aux algorithmes financiers, aux sorciers de la génétique, aux maîtres des robots ; aux idoles du consumérisme et de la guerre. L’humanité va-t-elle brader sa liberté contre les spéculations des apprentis démiurges ? Ce livre est un cri et c’est un chant d’amour ! C’est un combat où point déjà l’Espérance. Traverser la nuit du monde pour y rencontrer une nouvelle aurore. Nous sommes déjà entrés dans une guerre d’autant plus pernicieuse qu’elle est invisible, totale : une guerre du sens ! Elle s’insinue au cœur du génome pour y effacer le visage humain. La négation de Dieu, c’est la négation de l’homme ! De Son Verbe fait chair dans la chair de notre humanité, Ecce Homo crucifié à l’humanisme sans Dieu… Hélas, « Si Dieu n’existe pas, alors tout est permis », scandait Dostoïevski.
Votre journal révèle une inquiétude face aux errements de nos sociétés nihilistes : pourquoi interpellez-vous plus particulièrement une Femen, une djihadiste et un rappeur ?
Un chrétien est un soldat au front de la guerre Sainte : Celle de l’Amour. C’est un résistant, un éveilleur, un révolutionnaire ! Debout aux cratères des volcans ouverts, non pour éteindre la lave, mais l’étreindre dans la Vérité du Christ et la transfigurer. Si le rap déchire de sa rugosité, le corps fictif d’un monde aseptisé, c’est pour en révéler ses paradoxes. Les femens, elles, sont les produits labellisés d’une société malade de son néant, soumises à ceux qu’elles croient combattre. Les djihadistes se sont perdus aux trous noirs d’une civilisation qui s’est construite contre le Dieu d’Amour, après l’avoir arraché de ses calvaires, de ses places, de ses mairies ! Hélas, Babel Babylone a sacrifié l’universalité chrétienne à l’uniformité ; l’identité des nations à l’indifférencié ; à l’unité, elle a préféré l’éclatement des communautarismes et à l’Image de Dieu, non plus l’effigie d’un César, mais le code-barre de l’efficacité ou de la rentabilité ! Alors soyons le sel de la terre par qui les rouages des systèmes déraillent… Si nous manquons le rendez-vous avec les assoiffés, les enfants de la colère, les damnés de la haine, de la violence, mais aussi les embryons, les « sans voix », les plus obscurs et les plus fragiles d’entre nos frères, nous serons foulés aux pieds ! Le Seigneur nous a prévenus : si nous sommes sourds à leur appel où nous attend la Soif terrible du Christ, nous passerons par la porte de Sa Justice ! Oui, dans ce livre je traque les visages de désespérés, radicalisés dans le rejet d’une société qui les a vomis. Je les expose sous la lumière d’un autre soleil. Où Dieu leur murmure : « Adam, où es-tu, Caïn qu’as-tu fait ? »
Vous insistez sur l’importance des valeurs chrétiennes qui ont façonné la France : voyez-vous des signes d’espérance et de renouveau en la matière ?
La France est née dans les fonts baptismaux et le sacre des rois ; la France et l’Église furent tissées l’une à l’autre aux prémices de leur histoire commune… chair de Sa Chair, os de Ses os… C’est une Alliance Sainte ! Si l’Église est le Corps du Christ, la France est Son Visage : de Miséricorde, de pitié. Elle veille aux déchirures du monde, pour la liberté qui ne peut se recevoir que de la Vérité. Sa vocation universelle est sacerdotale ; si elle y renonce c’est comme si elle s’arrachait le cœur ! la manifestation de la marche pour la vie, celle des gilets jaunes témoignent d’une France bien réelle, se soulevant dans une saine colère qui est déjà l’éveil d’une Espérance. Celle d’une fraternité. Incarnée. Ressuscitée.
Une poésie très mystique parsème votre journal : ne sommes-nous pas au fond trop timides dans nos engagements de chrétiens et dans la place que nous laissons à Dieu dans nos vies ?
Il n’y a qu’une audace ! Révéler au monde l’empreinte de Sa Présence, réensemencer ce monde de Son éternité. Au cœur de sa violence, au lieu de son rejet, y déposer l’enfance, le Don ; retisser au cœur du chaos et du sang et des larmes, Son Visage. Son Pardon. Pour rapatrier le monde vers l’Amour… la véritable révolution est cette restauration ! Les autres se sont perdues aux mirages des dystopies, des totalitarismes. De toutes les régressions. L’inconditionnelle nouveauté c’est L’Évangile !
Propos recueillis par Christophe Geffroy
Véronique Lévy, Jésus-Christ ou les robots, Cerf, 2019, 308 pages, 20 €.
© LA NEF n°312 Mars 2019