François-Xavier Bellamy

Ce que dévoile l’affaire Bellamy

Ainsi, on découvre que pour se présenter aux suffrages des Français, on devrait d’abord demander pardon d’être catholique, ou affirmer que finalement pas tant que ça, ne vous inquiétez pas. Ainsi, on découvre qu’en 2019 les vieux caciques de LR sont fort mal à l’aise devant les Manifs pour tous alors qu’ils avaient peu hésité à aller y faire leur marché naguère, quand cela semblait représenter un vivier électoral conséquent. Ainsi on découvre que dire son opposition à l’avortement, même de manière privée, constitue un crime-pensée à la mode orwellienne, et pas seulement pour la gauche, mais pour une bonne partie des représentants officiels de la droite.
Tout ceci se dévoile dans ce qui arrive à François-Xavier Bellamy depuis qu’il a été établi tête de liste de l’antique parti de droite de gouvernement par Laurent Wauquiez. Pourtant, on ne peut pas dire que le conseiller municipal de Versailles soit du genre à péter à table ou à fabriquer de l’esclandre. Son tempérament semble plutôt le mener vers le débat feutré, au risque d’être lénifiant. Mais peu importe en l’occurrence ce que l’on pense du caractère de l’homme : à travers lui, ce sont toutes les idées conservatrices qui sont attaquées, et violemment, par la gauche et la droite de gauche coalisées. Christian Estrosi pousse même l’insolence à déclarer que « passer de Simone Veil à Bellamy, c’est compliqué » – pas tant que ça en réalité puisqu’il a bien dû faire ce trajet-ci et retour au moins trois fois dans sa belle carrière d’opportuniste niçois. Éric Woerth déclare sentencieusement que Bellamy ne représente qu’en petite partie la droite, sans jamais démontrer quelles seraient les idées du reste de la droite. Si c’est la suppression de l’ISF et la moindre taxation du travail, on n’a plus besoin de vous, adressons-nous directement à Macron et à vos anciens amis Philippe, Darmanin et Le Maire qui font le job. Tragédie comique de ces hommes dont les idées sont allées au pouvoir, mais sans eux. On voudrait enfin s’en débarrasser, mais las ! ils tiennent toujours le parti, en témoigne le fait que Wauquiez ait dû adjoindre deux sbires à Bellamy pour contenter leurs coteries. Sinistre farce de la démocratie des partis, où le RN joue aussi sa mauvaise partition, en déclarant que lui non plus n’a rien à voir avec le conservatisme de Bellamy. Où Marine Le Pen s’enferme dans un populisme de mauvais aloi, sans contenu, dans un souverainisme dont l’on peine à définir les contours autant que l’identité. Où la liste de Nicolas Dupont-Aignan encore plie sous le politiquement correct en excluant une candidate – dont l’on peut penser ce que l’on veut par ailleurs, mais que les fausses accusations de racisme et d’antisémitisme salissent irrémédiablement.

Une occasion ratée
Alors que les élections européennes fournissaient une formidable occasion, en France, de contester les pleins pouvoirs de fait du président de la République et, en Europe, de constituer un groupe « souverainiste » opposé aux habituels eurocrates, on sent, deux mois avant, que notre pays, une fois encore, sera exclu de la nouvelle donne mondiale. Non que nous souhaitions des populistes à la Trump ou à la Bolsonaro, non bien entendu que nous souhaitions des autocrates à la Poutine : mais le mouvement de l’histoire démontre aujourd’hui à l’évidence un retour de balancier et la contestation de la sociale-démocratie telle qu’elle s’était imposée depuis la fin de la guerre. C’était enfin le temps de réimposer une autre politique en France, avec les libertés en bas et l’autorité en haut, comme disait l’autre : une politique intérieure plus subsidiaire, qui se soucie des oubliés, des faibles et des pauvres ; une politique extérieure de puissance, qui renoue avec le rôle non-pareil de la France dans le monde.
Mais voilà qui nécessiterait des cadres, un programme ou un projet, une volonté politique et surtout des chefs dignes de ce nom, capables de se sacrifier pour le bien commun. Mais « la République est le régime qui réclame le plus de vertu et celui qui y pousse le moins », comme savait encore Maurras. La libération n’est hélas pas pour demain. Rien n’empêche cependant d’y travailler. Et de renouer avec le courage.

Jacques de Guillebon

© LA NEF n°312 Mars 2019