Mgr Michel Aupetit © Ibex73-Commons.wikimedia.org

Mgr Aupetit sur des épaules de géant

L’étincelle qui fit flamber Notre-Dame s’est-elle changée en une étincelle théologico-politique qui mettra le feu aux poudres françaises ? On peut s’en inquiéter – ou s’en réjouir, selon le métal qui sortira de la forge.
Pour lors, la répugnante patronne de Témoignage chrétien, ce glorieux journal hérité de la Résistance et changé de longtemps en torchon anticatholique, Mme Pedotti donc, n’a pas hésité à tancer Mgr Aupetit, archevêque de Paris, en ces termes : « Nous avons vraiment honte de vous et de votre petitesse d’âme. Cette cathédrale, elle est à nous, elle est à tous, et vous, vous ne la méritez pas. » La raison de ces invectives pourrait demeurer absurde, si l’on ne prenait garde à ce mouvement de gauche et d’extrême gauche qui tente depuis quelques années d’infester l’Église de France, et celles d’autres pays européens, profitant du discrédit compréhensible dont jouit le clergé depuis que se sont multipliées les révélations de crimes pédophiles. Au cri de « Nous sommes l’Église » et autres incohérences, réclamant à tout rompre de « l’inclusivité » quand chacune de leur manœuvre démontre le contraire, ces mouvements organisés cherchent à prendre le contrôle de ce qu’ils croient être l’Église, dans leur esprit une sorte de gigantesque association aux buts évanescents dont il faudrait extirper toute trace de cléricalisme – c’est-à-dire la succession apostolique et l’administration des sacrements.
Quelles paroles de Mgr Aupetit ont bien pu libérer pareil torrent d’injures et d’inepties ? Seulement celles-ci : « Une culture sans culte devient une inculture. C’est incontestable puisque, déjà, tout ce qui est culturel et artistique a toujours été fait en fonction et en raison d’une divinité supérieure ou d’une transcendance. Et si je parle d’inculture, il n’est qu’à voir l’ignorance religieuse abyssale de nos contemporains, en raison de l’exclusion de la notion divine et du nom même de Dieu dans la sphère publique, au nom, soi-disant, d’une laïcité qui exclut toute dimension spirituelle visible. » Paroles ô combien chrétiennes et qui font saigner les oreilles des déracineurs de transcendance ; des abolisseurs de grâce ; des nettoyeurs de surnaturel. De tous ceux qu’un tas de pierre venu d’une époque obscure mais pourvoyeur de gains sonnants et trébuchants contente, pourvu qu’il reste désacralisé. De tous ceux que les cloches émeuvent mais comme le chant des oiseaux.
De tous ceux qui, ayant oublié le catéchisme de leur enfance autant que la couleur et le son de leur âme, se sont changés en ânes de l’Île aux plaisirs, ne jurant que par la mystérieuse consonance de leur langage managérial de l’humanité, inclusivité, accueil, bienveillance, fluidité. De tous ceux que la macronisation du monde réjouit, marionnettes aux mains d’un sorcier revêtu de gentillesse et de partage comme d’habitude.
L’incendie de Notre-Dame aura peut-être ceci de miraculeux qu’il dévoile les arrière-pensées, les manigances, les choses cachées depuis la fondation du monde, les voies du père du mensonge. Les catholiques de France ont pris pour paresseuse habitude de se satisfaire de la loi de 1905 qui a pourtant dépouillé leurs aïeux et mis à genoux une Église qui était le cœur du pays. Ils ne voient pas que, malgré les atténuations que deux décennies de résistance romaine avaient réussi à obtenir, au fond leur situation est précaire et demeure dans la main de César. Situation habituelle du chrétien, éternel protomartyr, dira-t-on. Certainement. Encore faut-il que nous demandions la force de l’être ; encore faut-il se souvenir que c’est aussi toujours de l’intérieur de la structure Église que viennent les flèches les plus acérées, les plus venimeuses. Que c’est d’un mouvement exigeant la laïcisation et partant la féminisation de toutes les fonctions que se manifeste aujourd’hui le péril. Dieu nous a heureusement pourvus de maints et maints évêques et prêtres courageux, vaillants, suffisamment certains de leur doctrine, de leur mystique et de leur politique pour y faire front. Soyons seulement à leurs côtés.

Jacques de Guillebon

© LA NEF n°316 Juillet-Août 2019