Guillaume de Thieulloy

«Une vision totalitaire de la société »

Guillaume de Thieulloy, directeur du Salon Beige (1), nous explique sa façon de mobiliser contre la nouvelle loi bioéthique intégrant notamment la « PMA pour toutes ».

La Nef – Que pensez-vous de la future loi bioéthique et qu’est-ce qui vous semble le plus critiquable ?
Guillaume de Thieulloy
– Bien des choses y sont critiquables. On parle de la « PMA sans père » et ce sera sans nul doute un combat emblématique, mais c’est loin d’être le seul sujet. Il est également question d’une aggravation de la recherche sur les embryons avec des embryons transgéniques. Par ailleurs il faut écouter ce que disent les parlementaires. Jean-Louis Touraine, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée, a annoncé vouloir « débattre » de l’euthanasie. On pourrait aussi reconnaître automatiquement à l’état civil les enfants nés de mère porteuse (GPA). Le gouvernement laisserait ainsi, hypocritement, à sa majorité l’initiative sur certains sujets pour aggraver encore la loi.
Bref, ce texte prométhéen résulte d’une vision totalitaire de la société selon laquelle le Parlement peut, par la loi, tout faire – y compris toucher à la nature même de l’homme.

Le Salon Beige avait été un important relais médiatique de la Manif pour tous ; vous appelez à une forte mobilisation contre cette future loi : que préconisez-vous concrètement et quels sont vos objectifs ?
Notre objectif est d’éviter à tout prix le « débat apaisé » que prétend imposer le gouvernement – qui n’est qu’une façon de museler les défenseurs de la personne humaine. Pour cela, une action de « guérilla » aussi multiforme que possible est la meilleure solution. Il faut que la manifestation du 6 octobre soit un succès. Mais aussi que les paroisses se mobilisent pour prier en faveur de la vie innocente. Et une action politique locale peut aussi avoir un impact important. Localement, quelques militants suffisent à produire un impact – d’autant plus grand que, quelques mois après le débat bioéthique, arrivent les municipales et que les élus locaux seront donc particulièrement réceptifs et feront remonter au Parlement notre opposition résolue.

Malgré la mobilisation historique des manifestations de 2013, la loi pour le « mariage pour tous » est quand même passée : était-ce la bonne méthode, quelle leçon en tirez-vous ?
D’abord, cette mobilisation n’a pas été seulement un échec. Elle a permis aux forces vives du catholicisme de travailler ensemble et a montré que le catholicisme était toujours une force politique. Quant à l’échec, il est surtout lié au fait que le mouvement social n’a pas osé entrer dans l’action politique elle-même. Or, les « conservateurs », s’ils ne sont pas assez puissants pour faire élire un président, peuvent empêcher pratiquement tout candidat de droite qui piétinerait leurs convictions. Il faut, me semble-t-il, imposer ce rapport de force – et les municipales sont une excellente occasion pour cela.

Le système médiatique verrouille totalement les débats sur les questions éthiques : a-t-on vraiment une chance d’empêcher cette loi de passer dans ce contexte qui n’a plus rien de démocratique ?
D’abord, les seules batailles que l’on est sûr de perdre sont celles que l’on ne livre pas. En outre, si nous ne nous mobilisons pas contre la création artificielle d’orphelins, nous aurons également les mères porteuses et l’euthanasie. Enfin, le gouvernement n’est pas sûr de sa légitimité. La crise sociale peut recommencer d’un moment à l’autre, et M. Macron ne peut pas s’offrir plusieurs crises politiques en même temps – surtout à la veille d’élections locales dont il espère beaucoup. Si nous parvenons à faire converger la lutte des Gilets jaunes et celle des défenseurs de la loi naturelle, oui, certainement, nous pouvons faire reculer le gouvernement.

Vous faites un lien entre ce combat et celui des Gilets jaunes : pouvez-vous nous l’expliquer, comment faire converger les manifestants LMPT et Gilets jaunes ?
Dans les deux cas, fondamentalement, il s’agit d’une révolte contre une conception utilitariste de l’homme. La convergence pourrait se résumer ainsi : Macron pressure les plus modestes, par une hausse des impôts et une baisse des prestations, alors qu’il propose de faire rembourser la PMA (qui peut coûter jusqu’à 20 000 euros) pour des bobos non stériles. Comment ne pas être scandalisés par cette grave injustice – qui s’ajoute à toutes les autres ?

Propos recueillis par Christophe Geffroy

(1) https://www.lesalonbeige.fr/

© LA NEF n°317 Septembre 2019