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La Chine transhumaniste (1/2)

On ne se penche pas assez, en France, sur le mouvement de pensée qui se développe à travers le monde sous le nom largement trompeur de « transhumanisme ». Trompeur, car nous sommes ici à l’exact inverse de l’humanisme au sens ancien, aux yeux duquel l’homme doit se connaître lui-même et se cultiver pour comprendre une aussi large partie que possible de l’univers – et de lui-même.
Cet humanisme classique connaît une perversion devenue courante : en ce qu’il place l’homme au centre de l’univers, un homme en somme hypostasié, il élimine tout sentiment de la transcendance. Aussi bien suffit-il de tracer les limites de la connaissance, donc de l’homme lui-même, limité par nature, pour construire un humanisme chrétien. Mais il est une perversion plus dangereuse encore, vieille comme le monde et comme la tour de Babel, dont ce n’est pas un hasard si la parabole figure au début du livre de la Genèse, donc de la Bible. Aussi haut qu’il construira ses tours, l’homme ne sera jamais l’égal de Dieu. Le rêve de Babel est en somme une perversion transhumaniste avant la lettre, qui, posant pour infinis les développements possibles de l’humanité, donna lieu aux millénarismes les plus insensés. L’un d’eux, le progressisme, se développe à bas bruit depuis trois siècles, à l’enseigne des Lumières, décliné en diverses familles qui, toutes, prétendent créer un homme neuf : tel fut le communisme, aussi bien que son cousin le nazisme ; tel est cette forme de millénarisme qu’est le capitalisme « transhumaniste », qui prétend à son tour créer un homme tant augmenté par les sciences et les techniques (et par les transplantations, vaccins et manipulations qu’elles permettent) qu’il sera au-delà de l’homme : trans-humain. Toujours la promesse, communiste ou nazie, d’un homme nouveau.
Né aux États-Unis, le transhumanisme trouva un terrain favorable parmi les libéraux et libertariens les plus « avancés » de la Silicon Valley, en cette Californie qui se veut le creuset du troisième millénaire. Nulle part, cependant, il ne prospère autant que dans la Chine communiste, dont le système totalitaire, fait d’un mélange inédit de communisme, de capitalisme et d’autoritarisme sans bornes, lui offre un terrain rêvé.

Révolution culturelle
Parlons donc de la Chine. Le Livre noir du communisme a établi que, des années 1940 jusqu’au début des années 70 marquant la fin de la Révolution culturelle et la mort de Mao Tsé-Toung, le communisme y fit des dizaines de millions de morts. L’une des causes de cette hécatombe est le recours massif aux camps. Ceux-ci ont perdu en importance à mesure que les dirigeants chinois appliquaient les règles du capitalisme et du libre-échange pour devenir la première puissance commerciale du monde, mais ils n’ont pas disparu. Aujourd’hui même, une douzaine de camps de concentration, nommés laogaïs, persistent, notamment dans la province du Xin Jiang où plusieurs millions de personnes seraient détenues dans des conditions effroyables. Le Gouvernement chinois reconnaît au moins l’existence d’un « camp de rééducation » réservé aux Ouighours, ces minorités musulmanes dont il entend, selon ses propres termes, « éradiquer le virus ». Le quotidien La Croix a longuement repris, le 26 novembre 2019, des documents publiés par le Consortium International des Journalistes d’investigations (ICIJ) qui font froid dans le dos, mentionnant notamment des expériences pratiquées sur les cerveaux des détenus. Il s’agit, reconnaissent les autorités de Pékin, de « nettoyer les cœurs, laver les cerveaux, soutenir le Bien et éradiquer le Mal » – autorités qui se vantent de mettre au point « des méthodes de détention de masse de haute technologie ».
Ce qui inquiète par-dessus tout est la capacité de la Chine, qui est en train de créer une gigantesque base de données génétiques sans aucun « garde-fou », de s’affranchir de toutes les barrières de la morale ancienne (sans doute est-ce le produit de la longue révolution culturelle qui a tué les racines de la Chine ancestrale) pour pousser jusqu’à leurs limites les « capacités technologiques » permettant de conditionner les hommes et de les faire « muter ». Car les conquêtes de l’intelligence artificielle peuvent aller loin : ainsi le chercheur Hé Jiankui annonça-t-il l’an dernier la naissance de deux petites filles jumelles, Lulu et Nana, dont il aurait modifié le patrimoine génétique : deux « bébés OGM ». La manipulation aurait été effectuée par une fécondation in vitro au moyen de l’outil de modification du génome CRISPR-Cas9. Le chercheur se justifie par le souhait de rendre les enfants résistants au virus du Sida.

Hypothèses
Le marché serait colossal. Un des centres les plus avancés de ces recherches est à Wuhan, et classé « secret-défense ». Voilà qui alimente l’hypothèse de chercheurs indiens selon laquelle le coronavirus aurait été fabriqué en laboratoire dans le cadre de recherches contre le Sida. Hypothèse violemment critiquée par la « communauté scientifique », en clair l’OMS. Mais quand on sait que ladite OMS est principalement financée par la Chine et quelques grands groupes mondiaux, pharmaceutiques ou GAFAM (dont celui de Bill Gates, qui multiplie les appels à la vaccination obligatoire contre le Covid), on peut se poser quelques questions. Nous n’en sommes qu’à des hypothèses – mais la démarche scientifique ne procède-t-elle pas par hypothèses ?
Une autre hypothèse sérieuse voudrait que le virus fût transmis à l’homme par un animal exotique, vendu sur le marché de Wuhan et mangé cru, à la manière chinoise – ce qui serait l’origine de nombreuses épidémies dans l’histoire, dont la Chine s’obstine à ne pas traiter la cause, comme si la question des barrières entre l’homme et l’animal restait impensée, ce qui est une autre manière de tenir l’homme pour une matière plastique et n’est pas sans lien, non plus, avec le transhumanisme…

Paul-Marie Coûteaux

© LA NEF n°328 Septembre 2020