Jamais autant qu’aujourd’hui les effets de notre appauvrissement spirituel se sont fait sentir. Non seulement le fameux confinement ne paraît pas avoir servi d’ascèse salvatrice à nos contemporains, mais comme le disait Houellebecq, il semble que ce soit « un peu pire » : la nervosité et l’agressivité ont crû, les relations sociales se sont disloquées. Les incivilités chères à notre président se sont donné libre cours. Comme si tout était permis. Par incivilités, entendons bien entendu non votre fils de 12 ans qui n’a pas tenu la porte à la dame, mais les attaques au couteau, les voitures qui renversent votre sœur pour un oui ou pour un non, les chauffeurs de bus qu’on laisse pour mort. Entendons le fruit de cette racaille qui se croit maintenant si nombreuse que plus rien ne lui est interdit. Elle vient jusque dans vos bras égorger vos filles et vos compagnes.
Pendant ce temps, Emmanuel Macron négocie avec le reste de l’Europe un mécanisme budgétaire qui nous lie pour trente ans, et s’en félicite comme un adolescent qui a reçu le premier prix. Cette disparition de notre souveraineté extérieure doublée de l’impuissance intérieure des forces publiques, signe temporel de l’affaissement de notre nation, témoigne aussi de ce que nous avons perdu au fond, c’est-à-dire la vigueur de notre âme. C’est-à-dire les buts qui nous étaient donnés. Sans objectif supérieur, rien d’inférieur qui fonctionne. Dans ce monde complètement transformé auparavant par le christianisme, où la grâce comme on sait a surélevé la nature sans l’abolir, l’absence de recours à la grâce réduit la nature à un état pire qu’auparavant. Évidemment, on ne choisit pas que la grâce se manifeste, mais au moins peut-on l’espérer, mais au moins peut-on considérer que le choix de buts supérieurs aide à s’élever. Or, que nous propose-t-on ? De porter des masques et de relancer l’économie. D’être inclusif avec des êtres à qui l’on ne réclame aucun effort d’aucune sorte. Que nous propose-t-on ? De nous sacrifier, pourquoi pas, mais non comme des victimes innocentes, dans une voie christique salvifique, plutôt comme des ordures d’Occidentaux en phase terminale. Que nous propose-t-on ? De nous auto-sédater, comme si notre fin était un trophée pour les sauvages nouveaux qui veulent plier le monde à leur botte.
Rejet du passé
Que nous propose-t-on encore ? De nous persuader que tout ce en quoi nous avions cru jusqu’ici était, même pas faux, mais criminel. De croire que la libération dont nous avons été, en tant que chrétiens, les humbles instruments, abolition de l’esclavage, libération de la femme, libération familiale, libération politique, libération de l’âme surtout, qui se sait sauvée malgré elle par un Fils de Dieu qui a donné sa vie pour ça et a engendré sur terre les moyens suffisants qu’on appelle sacrements, que tout ça donc doit disparaître au profit de cette singerie qu’ils appellent émancipation.
Cette émancipation doit bien évidemment se faire sur le cadavre de quelqu’un et ce sera, si on les suit, celui de la civilisation occidentale.
Hélas, quelle réaction voit-on devant cela chez ceux qui président à nos destinées, politiques ou religieux ? On n’en voit guère. C’est tout juste s’ils ne se rallient pas illico à cette entreprise de destruction programmée. Jamais, sinon peut-être sous l’Occupation, la France n’a été affrontée à une telle volonté de remplacement de civilisation. Quand même l’Anglais sous la guerre de Cent Ans nous dominait et que Jehanne s’est manifestée, il ne s’agissait, si l’on peut dire, que d’une querelle fraternelle, les mêmes préceptes fondamentaux guidant les deux souverains.
Maintenant, c’est notre civilisation et notre âme donc qui sont menacées de disparaître, sous l’oubli et le mensonge. Il nous faudra bien réagir mais quand, mais comment ?
Jacques de Guillebon
© LA NEF n°328 Septembre 2020