Les indigénistes, mouvance d’ultra-gauche, avec une forte tendance au suprémacisme communautaire noir, et même « racial », le mot fait partie de leur corpus malgré sa suppression de la constitution en 2018, n’est pas une nouveauté en France. Elle est longtemps demeurée marginale, avant de gagner du terrain au point de devenir une menace pour la cohésion sociale.
La polémique de fin août et début septembre 2020 entre Valeurs Actuelles et la députée La France Insoumise Danièle Obono a montré le danger de l’indigénisme. Chacun est libre d’apprécier la qualité, le bon ou le mauvais goût du récit et des dessins publiés dans la série d’été de Valeurs Actuelles sous le titre « Obono l’Africaine, où la députée insoumise expérimente la responsabilité des Africains dans les horreurs de l’esclavage ». Un fait est cependant clair : en France, maintenant, comme aux États-Unis, ce qui touche à la frange de la population se revendiquant noire de façon militante déclenche de l’hystérie. Et les mouvances indigénistes sont aux manettes.
La « révolution » serait dans l’intersectionnalité
L’indigénisme promeut la pratique « révolutionnaire » de l’« intersectionnalité », une notion pour fédérer toutes les « luttes » comme étant équivalentes, même si les « combats » sont en apparence éloignés. Leur point d’intersection ? « L’oppresseur commun » : européen, français, la civilisation judéo-chrétienne, grecque, latine, les Blancs. Et les Blanches, car la femme « non racisée », fut-elle féministe engagée, est aussi un « oppresseur ». Autres ennemis : la famille et l’hétérosexualité. Ces rejets unissent l’ultra-gauche, plus LFI, EELV, le PCF et une partie du PS. Depuis la naissance en 2010 du Parti des Indigènes de la République, le « PIR », une des composantes de la mouvance, cette dernière irrigue peu à peu la société avec l’objectif de saper les valeurs de la République. D’où la mise en scène d’« oppressions multiples », comme lors de la fameuse marche contre « l’islamophobie » à forts relents antisémites qui a eu lieu en 2019. La France ne serait pas un pays accueillant, pas plus pour les indigénistes que pour Danièle Obono, très proche de leurs thèses, pourtant devenue députée à peine six ans après avoir été naturalisée française. La France serait toujours « coloniale ».
L’indigénisme, une idéologie du rejet de la France
L’indigénisme est une forêt militante binaire qui a investi les universités où les théories « décoloniales et postcoloniales » ont table ouverte : elles sont devenues le cœur de ce qui est enseigné en sciences humaines, en particulier l’histoire, la sociologie et les sciences politiques. Il s’agit par exemple de réécrire l’histoire du Moyen Âge français du point de vue des « Noirs opprimés », et souvent des « Noirs musulmans opprimés ». Peu importe leur rôle infime dans la réalité. Ce qui compte, c’est de prendre le pouvoir en imposant un nouveau récit.
À ce militantisme politique, l’université française collabore amplement. Ce sont les « Postcolonial Studies » et leurs dérivés (« Subaltern Studies », associés aux « Gender Studies ») : pas un simple retour sur soi, à des formes symboliques et culturelles qui auraient su rester vivantes, mais la volonté de prendre une revanche radicale contre l’Occident, de lui faire payer une dette sans fin. La colonisation serait un crime constitutif de l’Europe, elle serait dans notre nature. Il s’agit de détruire l’Occident en le démoralisant, de le culpabiliser, de réfuter sa civilisation, de rejeter sa culture, le rationalisme, son histoire, les Lumières et avant tout le christianisme. Ce corpus idéologique est à l’œuvre derrière l’indigénisme.
Les principales influences du post-colonialisme indigéniste sont Derrida et Foucault, déconstructeurs en chef. Rien d’étonnant pour une mouvance qui ne croit pas en la réalité mais seulement en la fabrication de récits devenant cette réalité. Les Principaux noms ? Franz Fanon, Edward Saïd, Spivak, Achille Mbembe. Ou encore, Kemi Seba et son livre Supra-négritude. Autodétermination, antivictimisation, virilité du peuple. Kemi Seba a cependant évolué, cessé de croire dans des théories indigénistes fumeuses et est parti en Afrique où il est une star du retour local à l’identité. Il ne se bat plus pour l’africanité en France, mais en Afrique.
La France serait toujours une puissance coloniale
Pour les indigénistes, si le temps du colonialisme est terminé, la colonialité culturelle se poursuit. Cette dernière est ce que le néocolonialisme prolonge après la colonisation et que le postcolonialisme dénonce. L’idéologie postcoloniale repose sur des présupposés : la volonté d’en finir avec la « violence épistémique » (la façon dont les catégories occidentales prétendraient expliquer les Autres – « l’appropriation culturelle » qui refuse le droit pour un Blanc de parler au nom des Noirs) ; la volonté d’en finir avec l’européocentrisme et ses « mythes » ; la volonté d’en finir avec l’historicisme occidental. L’histoire aurait été au service de la domination blanche.
Le postcolonialisme est donc victimaire. Les Noirs auraient subi les pires violences de l’histoire et seraient l’archétype de la Victime. La colonisation est présentée de façon manichéenne. Comme les études de genre, le postcolonialisme rejette l’universalisme : l’universel est conçu comme un impérialisme. Le colonisé est son propre sujet d’émancipation. Par exemple, le postcolonialisme rejette le féminisme occidental, conçu comme un « maternalisme ». Ce féminisme est même l’ennemi principal du féminisme postcolonial, la question du port du voile étant centrale dans cet affrontement. Le voile est ici perçu comme un outil de libération du patriarcat blanc, fut-il porté par la douzième épouse d’un musulman vivant en France, bien que la polygamie soit illégale.
On retrouve alors l’intersectionnalité, voulue par les tenants du « féminisme racisé », de la théorie du genre et du postcolonialisme indigéniste. Ils veulent penser ensemble les rapports de sexe, de race et de classe de façon à lutter contre la domination blanche, hétérosexuelle, « bourgeoise » et « coloniale », et lutter ensemble en tant que minoritaires. C’est cette conception qui conduit à ne pas soupçonner de racisme une personne noire ou de misogynie un immigré, puisqu’ils seraient susceptibles de remplir toutes les cases victimaires. Ainsi, un viol collectif perpétré par des migrants ne sera pas jugé de la même manière qu’une main aux fesses prodiguée par un Blanc.
Un essentialisme ouvertement menaçant
Le postcolonialisme est par ailleurs une idéologie essentialiste. Il promeut une opposition manichéenne entre le Blanc occidental et « Nous Autres ». Une essence ne s’acquiert ni ne se perd : elle est liée à une existence. La dénonciation du stéréotype du Blanc produit alors à son tour deux stéréotypes : celui du Noir colonisé et celui de l’Occident comme dominateur par essence. C’est ce qui conduit les tenants de cette idéologie à organiser des « ateliers » interdits aux Blancs et Blanches, souvent avec le soutien d’universités, ou encore de la municipalité de Paris, et à vouloir déboulonner des statues ou débaptiser des rues.
Pourtant, aucun d’entre eux, bien que Noir, ne peut se prétendre « descendant » d’esclave, sauf à présenter des recherches généalogiques pointues. Tout Noir de France peut au contraire descendre d’esclavagistes, tant l’esclavage a d’abord été le fait d’ethnies africaines en lien avec le monde musulman, avant d’être européen.
L’indigénisme ne craint aucune outrance militante. Ce qui peut conduire certains indigénistes à ne pas distinguer entre l’hitlérisme et la démocratie libérale, par exemple, ou, de façon paradoxale, d’autres indigénistes à assimiler la « classe bourgeoise dominante » aux Juifs et à utiliser un vocabulaire antisémite sous couvert d’antisionisme. Plus encore, selon la patronne du PIR, Houria Bouteldja, en 2006 : « Demain, la société tout entière devra assumer pleinement le racisme anti blanc. […] Et qui paiera pour tous ? Ce sera n’importe lequel, n’importe laquelle d’entre vous. Si vous voulez sauver vos peaux, c’est maintenant […] ce n’est pas dit que la génération qui suit acceptera la présence des blancs. » Des mots racistes parus dans Nouvelles questions féminines, sans entraîner ni réactions politiques, ni condamnations ni procédures judiciaires.
Matthieu Baumier
© LA NEF n°329 Octobre 2020, mis en ligne le 17 décembre 2020